15 February 2007

SUPERMAN RETURNS - Entretien avec John OTTMAN - Monteur et Compositeur

Un oiseau ? Un avion ? Non, c’est John Ottman !
Oui, parmi les compositeurs de musique de film, John Ottman est vraiment un superhéros ! N’écoutant que sa passion, il n’a en effet pas hésité à mettre tout son cœur et tout son temps dans la création de SUPERMAN RETURNS. Présent à toutes les étapes du processus, assurant de concert les fonctions de monteur et de compositeur, il a su faire totalement sien ce nouvel opus des aventures de l’homme à la cape rouge, au service d’une icône, d’un mythe qui a bercé sa jeunesse.
Fort de la confiance absolue du réalisateur Bryan Singer (X-MEN, X-MEN 2, LES 4 FANTASTIQUES), il a su faire de SUPERMAN RETURNS un film à la fois spectaculaire et humain qui s’intègre parfaitement dans la saga initiée en 1978.
Avec talent et modestie, John Ottman a su placer ses pas dans ceux du grand John Williams, pour mieux faire de SUPERMAN RETURNS un film et une musique qui sauront séduire tant les nostalgiques du regretté Christopher Reeves que les nouvelles générations.
C’est avec la simplicité et la générosité qui le caractérisent qu’il a accepté de répondre à nos questions, depuis les Warner Bros. Studios de Burbank.

WELCOME TO METROPOLIS

Qu'est-ce que cela fait de se retrouver dans les pas de John Williams?

Je me sens un peu plus rassuré aujourd'hui qu'à l'époque où nous en avons parlé pour la première fois ensemble, quand j'étais en Australie sur le tournage du film –il me semble que c'était il y a une éternité tant il s'est passé de choses depuis!- dans la mesure où je commence à voir le bout du tunnel! Je demeure néanmoins encore inquiet de la réaction des fans : c'est le genre de projet à propos duquel il y aura toujours des gens insatisfaits, certains voulant plus de John Williams, certains en voulant moins. Partant de là, je me suis concentré sur ce que je pensais être le mieux pour le film, avec un grand respect pour son héritage. C'est vraiment le film qui m'a dicté la conduite à tenir par rapport à la musique originale.


Que représente John Williams pour vous qui faites partie de la nouvelle génération?

Pour moi, John Williams –et Jerry Goldsmith- sont les dieux de la musique de film. John Williams était invité aux enregistrements, mais il était en Europe à cette époque et n'a pas pu venir. Dans un sens, je préfère car cela aurait été une source supplémentaire d'inquiétude pour moi. Il représente pour moi le summum de ce qu'il est possible de faire dans ce domaine. Ceci dit, Don Williams, son frère, était le percussionniste de notre orchestre et je ne doute pas qu'il lui a transmis ses impressions!

A l'époque de notre entretien à propos des 4 FANTASTIQUES, vous vous interrogiez sur l'éventualité d'utiliser ou non le thème principal du film original, et aujourd'hui, on s'aperçoit que vous en êtes à quatre thèmes de John Williams cités dans votre partition. Comme s'est passée cette évolution?

J'en ai parlé avec Bryan Singer et de mon côté je me suis dit que si j'étais un fan, je regretterais beaucoup de ne pas retrouver ce thème dans le nouveau film. C'est la même réflexion que j'ai eue à propos des autres thèmes. Pour ma part, j'ai été très déçu que les thèmes originaux ne figurent pas dans les versions cinéma des MYSTERES DE L'OUEST et de SPIDERMAN. Bryan a comparé cela à avoir un STAR WARS sans la marche Jedi. Par conséquent, c'est bien la marche originale que l'on retrouve au début de SUPERMAN RETURNS, avec la recommandation du réalisateur de ne pas y toucher. Nous avons donc été le plus fidèle possible dans notre interprétation du générique d'ouverture. Pour les autres thèmes, celui de Lois, celui de Krypton et le Leaving Home Theme, ce ne sont que de brèves allusions, mais je me suis dit que les fans apprécieraient.


Quelles furent les demandes particulières de Bryan Singer?

Il ne m'a demandé qu'une chose : "n'utilise aucun nouveau thème principal pour Superman, sinon je te tue!". Mais il prêchait à un converti. Cependant, l'utilisation du matériel d'origine ne fonctionnait pas tout le temps. Par exemple, l'utilisation extensive du thème de Lois faisait vraiment trop cliché. C'est la raison pour laquelle je n'en ai utilisé que des morceaux.

Vous n'en êtes pas à votre première collaboration avec Bryan Singer. Qu'est-ce que vous appréciez dans sa manière de travailler?


Il possède un excellent sens musical, même s'il a toujours peur que je m'éloigne trop de la partition temporaire qu'il s'est trouvée! J'aime aussi le fait qu'il ne vienne pas aux sessions d'enregistrement! Il me fait suffisamment confiance pour me laisser carte blanche. Il sait que la musique définitive ressemblera de très près à celle que je lui ai décrite et aux maquettes que je lui ai faites. A partir de là, il est très agréable pour moi d'avoir les mains libres pour agir lors des sessions et de lui permettre de vaquer à d'autres occupations sur le film.



Avez-vous fait des recherches particulières pour vous immerger dans cet univers?


Je n'en ai pas eu besoin car je suis un très grand fan. J'ai vu le premier film entre 30 et 40 fois et j'ai suivi tous les épisodes de la série des années cinquante lors de sa rediffusion quand j'étais enfant. Quant à l'album, j'ai dû l'écouter plus d'une centaine de fois! Il y a peut être des choses qui m'échappent encore du fait que je n'ai pas lu les comics, mais je pense que je maîtrise quand même pas mal le sujet!

LEAVING HOME

A part le générique d'ouverture, avez-vous été fidèle à l'orchestration originale?

Non, j'ai arrangé ces thèmes à ma façon, et je me suis beaucoup amusé à le faire. Ce sont des motifs très simples, par conséquent très faciles à adapter, en particulier celui de Lois, qui peut s'insinuer très aisément dans la partition.

Vous êtes parvenu à écrire une partition moderne tout en n'utilisant que des moyens classiques.

Tout ce qui est bizarre a été réalisé sur des instruments classiques. Prenez le motif de la kryptonite. Il s'agit tout simplement d'une flûte avec des clusters aux bois autour d'elle.



Comment avez-vous actualisé les orchestrations de John Williams?

Je ne me suis pas vraiment éloigné des partitions originales, mais je leur ai donné plus d'ampleur. En 1978, les pistes audio des films avaient une bande passante très réduite, ce qui fait que les orchestrations ne pouvaient explorer tout le registre de l'orchestre. Si par exemple on avait mis plus de basses, cela ne se serait pas entendu dans le film. Aujourd'hui, on dispose d'une bande passante beaucoup plus importante et j'ai pu à loisir renforcer les effectifs et explorer les extrêmes graves et aigus.



On ressent beaucoup d'émotion et de respect dans votre approche de ce film. Que représente Superman pour vous?


Parfois, on est tellement pris dans le processus que l'on compose sans même réaliser ce que l'on est en train de faire. Sur SUPERMAN RETURNS, un jour que je travaillais sur le film, j'ai fait un arrêt sur image et j'ai regardé le personnage dans son célèbre costume. Cela m'a frappé et je me suis dit : "c'est vraiment sur SUPERMAN que je suis en train de travailler. C'est vraiment quelque chose d'énorme!" J'ai alors ressenti toute l'importance de la tâche. Particulièrement aux Etats-Unis, c'est une icône de notre culture, c'est presque un dieu. Mais quand j'ai réalisé tout cela, je me suis dépêché d'essayer de l'oublier car la charge était trop lourde sur mes épaules. Je me suis donc retourné vers ce qu'il représentait pour moi, personnellement, et je dirai que l'image que j'en ai est celle certainement du héros le plus proche des gens que je connaisse. Il est d'une grande vulnérabilité dans sa vie privée. C'est un être seul, loin de ses origines et de ses semblables. Son histoire tient de la tragédie, et c'est ce qui me touche dans ce personnage. C'est ce que j'ai apprécié dans le scénario de ce film qui met l'accent sur cet aspect moins connu, moins héroïque et finalement plus humain de Superman. Ce Superman est vraiment mon Superman.


CAN YOU READ IN MY MIND? (LOVE THEME FROM SUPERMAN)

Comment se situe ce film à l'intérieur de la saga?


SUPERMAN RETURNS se déroule cinq ans après SUPERMAN II. Le film se situe donc dans les années 80, ce qui peut paraître surprenant à première vue, mais finalement le place dans la droite ligne de la saga classique. Après avoir découvert qu'il pouvait y avoir des survivants de Krypton dans l'univers, il retourne chez lui, et c'est ce voyage qui lui a pris cinq années. Pendant ce temps, le monde ne s'est pas arrêté de tourner. Lois s'est mariée et a eu un enfant, ce qui change beaucoup de choses pour le pauvre Clark, et pour Lois également.





Votre engagement se ressent dans l'énorme quantité de musique que vous avez composée pour ce film.


En effet, j'ai écrit plus de deux heures de musique, ce qui fut d'autant plus difficile que je suis aussi l'un des monteurs. Ce fut un emploi du temps de folie, comme si j'avais deux musiques de film à écrire en même temps! Des changements ayant lieu sans cesse, nous avons encore une session dans une semaine! De toute façon, si vous regardez le film original, ou si vous considérez le montage avec musique temporaire qui a été fait, vous vous rendez compte que ce genre de film demande toujours beaucoup de musique. Et encore, celui-ci ne fait que deux heures et demie. Songez qu'une première version allait jusqu'à trois heures!


Une partition conséquente, marquée par l'arrivée de nouveaux thèmes...

Pour ce nouvel épisode, j'ai écrit un thème spécifique pour Lex Luthor qui apparaît assez souvent tout au long de l'histoire, à mesure que se déroule le plan du méchant. Mais surtout, c'est l'aspect émotionnel que j'ai voulu souligner avec un nouveau thème pour Superman, un thème très tendre, plein de cœur et très introspectif, qui reflète cette solitude du héros répondant à la mission que lui a donnée son père, Jor-El. On le découvre notamment lorsqu'on retrouve Marlon Brando surgissant du passé pour donner des conseils à son fils. De plus, dans le film, Clark nourrit une affection particulière pour le fils de Lois car ils ont des points communs, et à mesure que le film avance, cela se manifeste par l'utilisation de ce même thème pour les relations entre cet enfant et Superman. La plupart du temps, c'est le pupitre des violoncelles seul qui déploie ce thème, avec parfois quelques chœurs tendres et un petit contrechant au piano.



L'interprétation de Brandon Routh vous a-t-elle inspiré en ce sens?

Absolument. Brandon a su faire de Clark un personnage très attachant. Il savait très bien qu'il y avait beaucoup de pression sur ses épaules –peut-être plus que tout autre : un nouvel acteur chaussant les bottes de Christopher Reeves, il savait qu'il était attendu au tournant et il a fait le maximum pour s'imprégner de ce personnage et dans le projet. Son interprétation correspond parfaitement à ce qu'on pouvait espérer. De plus, il s'est tellement investi qu'il est venu à trois ou quatre sessions et durant les pauses, il a joué –de la trompette pour les cuivres de l'orchestre. Ce n'est pas vraiment un grand musicien, mais nous nous sommes beaucoup amusés! Par contre, sa sœur, Sara, qui a aussi assisté à certaines sessions est une merveilleuse compositrice auteur et interprète folk.

Vous avec fait appel à deux chœurs pour votre partition. Commençons par le chœur mixte. Pouvez-vous nous en parler?

J'ai beaucoup utilisé de chœurs. Je me suis dit qu'ils pouvaient être aussi intéressant dans les moments héroïques que dans les moments plus introspectifs. C'est plus un besoin que je ressens qu'une nécessité sémantique dans le film, mais le fait est que cela apporte à Superman cette dimension quasi divine que nous évoquions tout à l'heure.

Il y a aussi un chœur de garçons.

Celui-ci n'intervient que dans deux morceaux mais c'est une façon pour moi d'associer musicalement Superman et le fils de Lois, conformément à ce lien qui existe dans l'histoire.



Nous vous retrouvons aujourd'hui alors que vous allez de nouveau entrer en studio pour une session exceptionnelle. Comment se déroule pour vous la production du film?

Nous avons enregistré le gros de la partition, mais même au dernier moment, des changements sont inévitables et il faut écrire de nouvelles musiques. C'est l'une des périodes les plus difficiles pour moi car je dois diriger le mixage final du film en studio pendant 12 à 14 heures par jour et quand je rentre chez moi épuisé, je dois encore écrire la musique pour de nouvelles séquences! Cette fois, il s'agit du nouveau prologue. L'original, avec la célèbre marche, a été supprimé et nous travaillons actuellement au nouveau, basé sur le thème de la planète Krypton. Et par-dessus tout, je dois aussi composer la musique d'une autre séquence qui vient d'être supprimée, qui n'avait pas de musique, mais qui va se retrouver dans le dvd… Déjà que je n'ai plus une minute à moi pour que le film soit prêt pour la sortie et je dois encore m'occuper du dvd qui sortira dans plusieurs mois! Il faut dire que c'est une séquence importante et qu'elle mérite vraiment une grande musique.

Dr. SUPER et Mr. OTT-MAN

Pouvez-vous nous parler de votre rôle en tant que monteur du film?

C'est un métier mal connu et pourtant passionnant. Ce que j'aime par-dessus tout, c'est que je fais ainsi véritablement partie des cinéastes. Si le réalisateur est à la tête de toute l'équipe, je sais que j'ai une vraie action créative moi aussi sur le film. Je pourrais même, si je le voulais, altérer certaines séquences pour faciliter mon travail de compositeur… mais je ne le fais pas car pour moi, les deux casquettes sont bien différentes. Et quand je porte celle de compositeur, je suis à fond dedans, au service du film, sans essayer d'en profiter.

Quelle action avez-vous concrètement sur le film?

Pour beaucoup de gens, le monteur, c'est simplement le gars qui coupe les rushes. Mais cela va bien plus loin. C'est vraiment l'un des membres principaux de l'équipe du film, ayant un vrai impact créatif sur le film, tout comme le rédacteur en chef porte la responsabilité d'un journal ou d'un magazine, de sa forme définitive. Quand vous avez des centaines de mètres de bobine, vous pouvez vraiment raconter toutes sortes d'histoires différentes à partir d'un même scénario. Vous construisez littéralement la façon dont l'histoire est racontée. J'aimerais tant pouvoir vous montrer à quel point c'est intéressant et créatif! Imaginez que chaque scène a fait l'objet de dizaines de prises différentes, c'est-à-dire des dizaines d'interprétations différentes de la part des acteurs, et ce sous une multitude d'angles différents. Le rôle du monteur est alors de choisir les meilleures prises, les meilleurs moments des acteurs et de les assembler pour donner l'impression d'un ensemble parfait. De plus, le monteur a la responsabilité de l'enchaînement des images, des plans de coupes, etc. En fonction de l'ordre dans lequel vous enchaînez les plans, vous pouvez donner un sentiment totalement différent par rapport à une scène. Vous conditionnez d'une certaine façon la manière dont un plan, une scène, vont être interprétés, lus par le public. Il s'agit donc non seulement de faire en sorte de choisir l'interprétation la plus efficiente des acteurs, les meilleurs plans pour la filmer, mais aussi les plans avant, pendant et après qui vont apporter un sens supplémentaire à cette interprétation, la mettre en contexte.


Vous dites que vous séparez nettement vos deux casquettes dans le travail, mais chaque expérience ne nourrit-elle pas malgré tout l'autre?

Je vous répondrai oui et non. Le bon côté, c'est qu'à travers mon travail de monteur, j'ai une réelle action, et donc une profonde connaissance de chaque personnage, de chaque personnalité, et cela nourrit tout naturellement mon approche de compositeur. D'un autre côté, les contraintes de temps que cette double casquette impose empiètent sur ma concentration en tant que musicien. Si je n'avais été que compositeur, j'aurais pu commencer à travailler plusieurs semaines en avance par rapport à ce que j'ai fait ici. Mais dans le même temps, je n'aurais peut-être pas saisi avec autant d'acuité tout l'intérêt et toute la profondeur des personnages de ce film. C'est un vrai dilemme et je n'arrive pas à me décider. C'est pourquoi je continue à faire les deux.

Quelle est votre scène préférée?

Il s'agit en fait d'une scène sans musique. C'est celle dans laquelle Lex Luthor explique son plan démoniaque à Lois sur son bateau. Ce n'est qu'un dialogue, mais il fut particulièrement intéressant à monter. Kevin Spacey l'a joué de tant de façons différentes, de sobre à démoniaque. Il y avait donc énormément de prises à gérer. Ce fut l'occasion pour moi de véritablement façonner le personnage et d'essayer dans une seule scène de donner une idée de toute l'étendue de la personnalité de Luthor. Pour la majorité du public, il s'agira simplement d'une personne parlant à une autre personne. Mais la réalité c'est que c'est un exemple caractéristique du pouvoir du montage et de sa magie. J'en suis très fier.



Qu'est-ce qui vous a le plus plu dans ce processus?

Certainement le travail avec mon orchestrateur et chef d'orchestre, Damon Intrabartolo. C'est mon meilleur ami. La plupart du temps, j'écris ma musique pour lui. J'attends sa réaction avec impatience et si cela lui plaît, il devient d'autant plus expressif sur le podium lorsqu'il dirige l'orchestre. Ce fut d'ailleurs le cas sur SUPERMAN RETURNS. Il faut dire que nous n'avons pas eu cinq ou six jours de session comme c'est le cas la plupart du temps, mais neuf ou dix sessions d'affilée. Tout ce travail et cette concentration, tout cela lui a un peu tapé sur le système et lui, d'ordinaire déjà très expressif, n'arrêtait plus de sauter sur le podium. C'était délirant! Cela me flatte d'autant plus quand il se donne à fond comme cela!

SUPER-X-MAN

Que pensez-vous de la sortie récente d'X-MEN 3, vous qui avez participé de près au deuxième épisode?

J'ai été très en colère quand j'ai appris que nous ne ferions pas le troisième opus. J'avais conçu la musique d'X-MEN 2 avec à l'esprit X-MEN 3. J'avais en quelque sorte semé les graines d'un futur développement qui nous semblait acquis, notamment en ce qui concerne Jean Grey. C'est un peu comme si tout ce travail sur les personnages avait été jeté à la poubelle. C'est extrêmement frustrant.

Vous avez participé à X-MEN 2, LES QUATRE FANTASTIQUES et maintenant SUPERMAN. Est-il facile de travailler avec des superhéros?

Finalement, oui. Je me sens plutôt à l'aise en leur compagnie. Prenez LES QUATRE FANTASTIQUES. On peut penser ce que l'on veut du film, et de son montage final qui a complètement saucissonné ma musique. Mais pour moi, ce fut un moment… fantastique. C'est un monde que j'aime beaucoup. Ce fut assez différent de SUPERMAN du fait du poids énorme qu'il représente dans l'inconscient collectif. Sur LES QUATRE FANTASTIQUES, je me suis vraiment beaucoup amusé et lâché. J'espère avoir l'occasion de pouvoir refaire un film comme cela prochainement.

A ce propos, pouvez-vous nous parler de votre prochain film, NIGHT AT THE MUSEUM?

Je viens seulement d'en lire le script, et c'est vraiment très drôle. C'est une sorte de JUMANJI. Après une longue année passée à me consacrer à SUPERMAN, cela me fait plaisir d'avoir à envisager quelque chose de beaucoup plus léger, voire burlesque. C'est l'histoire d'un gardien de nuit dans un musée qui voit tous ses pensionnaires prendre soudainement vie. Il lui revient alors de gérer cette folie et de tout garder, autant que possible, sous contrôle! Le film devrait sortir pour la Noël.

Et si vous aviez le choix total du film et du réalisateur, ce serait quoi et qui?

Une histoire d'amour très intimiste dans un champ de coquelicots! Quelque chose de très romantique, un peu à la John Barry. Une romance historique toute en douceur, qui prendrait le temps. Et comme réalisateur : Steven Spielberg!

Êtes-vous toujours sur les rangs pour L'ÂGE DE CRISTAL?

Il n'en est plus question pour le moment, et je dois dire que, quelque part, c'est un soulagement car je crois que je n'aurais pas pu enchaîner deux projets de Bryan de cette importance. Depuis que Bryan m'a appelé pour me dire qu'il allait faire SUPERMAN RETURNS, je n'ai pas arrêté. J'ai vraiment besoin de vacances!


Article réalisé en juin 2006

FreeCompteur.comFreeCompteur Live

11 February 2007

L'AGE DE GLACE 2 - Entretien avec John POWELL

JOHN POWELL - L’AGE DE GLACE 2 :
çA Chauffe au Pays des Glaces!

A la fin de L'AGE DE GLACE, Manny le mammouth , Sid le paresseux et Diego le tigre à dents de sabre formaient en quelque sorte une famille. Dans L'AGE DE GLACE 2, la vie est beaucoup plus douce depuis que les glaces fondent et que la température remonte. Le trio rencontre de nouveaux personnages, qui pourront peut-être les rejoindre et agrandir la petite communauté... Alors que Manny essaie de se faire à l'idée qu'il est le dernier de son espèce, il rencontre Ellie, une demoiselle mammouth. Il pense que, désormais, plus rien ne peut faire obstacle au Grand Amour... sauf qu'Ellie a quelques petits problèmes d'identité: elle pense être un opossum. Plus grave encore, un immense barrage de glace qui retient l'océan est sur le point de se rompre sous l'effet du réchauffement et menace d'engloutir leur petit coin de paradis. L'humour, l'action, et l'emotion sont au rendez vous dans ce second opus de L'AGE DE GLACE. Et pour accompagner cette bande de joyeux drilles, il fallait un compositeur qui n'ait pas peur de mouiller sa chemise! Et c'est à Cannes lors du festival 2006 que nous avons rencontré John Powell, venu se réchauffer sous le soleil de la French Riviera! C'est avec passion, humour et engouement qu'il nous à parlé de ce rêve d'enfant qu'il a pu réaliser en composant la musique de L'AGE DE GLACE 2!

L’AGE DE GLACE 2 est votre deuxième film après ROBOTS avec Blue Sky. Qu’est ce vous intéresse dans le fait de travailler dans l’animation ?
John Powell: J’ai toujours eu une adoration pour l’animation. Petit déjà, je dévorais les Chuck Jones et les Disney. J’admirais le travail de Carl Stalling qui a beaucoup apporté à la musique de dessins animés. Quand j’ai grandi, j’ai toujours voulu travailler dans ce domaine et mon rêve s’est réalisé quand Hans Zimmer s’est mis à travailler sur LE PRINCE D’EGYPTE. Et c’est grâce à cela que j’ai pu faire FOURMIZ avec Harry Gregson William. J’aime tellement l’animation que je m’éclate à composer pour elle, et je pense que cela s’entend dans ma musique. Quand j’ai quitté Médiaventures, je me suis mis à la recherche d’un nouveau terrain de jeu et c’est alors que j’ai entendu parler de ROBOTS produit par la Fox. Je suis allé voir Chris Wedge à New York, car j’avais adoré l’AGE DE GLACE 1. L’un de mes cartoons préféré est un cartoon de 1953, de Chuck Jones intitulé « Much ado about nutting ». C’est l’histoire d’un écureuil qui recherche des noix à Central Park. Il commence par trouver des noisettes et il essaye d’en transporter le maximum. Puis il trouve des noix et il essaye d’en transporter le maximum. Et il finit par trouver des noix de coco ! Quand j’ai vu l’AGE DE GLACE, et notamment Scrat, j’ai immédiatement adoré et je me suis dit que c’est exactement ce que je voulais faire. C’est exactement ce que j’ai dit à Chris et je pense qu’il a compris qu’il ne s’agissait pas pour moi simplement d’un film de plus, que j’avais une dévotion passionnée pour cet art. C’est ainsi que j’ai été engagé sur ROBOTS et que j’ai pu faire tout un tas d’experiences folles avec le Blue Men group. Cela a tellement plu à Chris qu’il m’a engagé sur le deuxième AGE DE GLACE. J’adore les studios Blue Sky, c’est une merveilleuse compagnie. Ce sont des gens vraiment créatifs et ils ont des studios magnifiques à White Plains. Je suis impatient de retravailler avec eux.


Votre partition pour L'AGE DE GLACE 2 semble être un mélange de musique symphonique traditionnelle et de petites touches « exotiques ». Qu’en pensez vous ?
Il fallait prendre en compte le fait qu’il s’agissait d’une suite. La musique du premier opus a été composée par David NEWMAN. J’ai donc du partir de cette base. Dans sa musique, il avait lui aussi utilisé l’orchestre symphonique et lui avait ajouté des flûtes et des tambours amérindiens. Pour ce deuxième opus, il n’y avait pas de personnage humain. De ce fait nous n’étions plus obligés de puiser exclusivement dans ce répertoire traditionnel. J’ai quand même réutilisé ces instruments car je trouvais qu’ils sonnaient bien à l’orchestre. Mais je me suis aussi laissé aller à des emprunts plus originaux. Pour ce faire, j’ai travaillé avec Randy Thom le créateur des effets sonores du film. Il m’a fait une compilation de tous les sons qu’il avait utilisé. Je savais qu’il y aurait beaucoup de moments durant lesquels on entendrait des bruits de glace : craquements, grondements…et j’ai voulu que les sonorité s de ma musique s’intègrent dans ce « paysage » sonore. Je me suis passé ses sons en boucle et j’ai écrit ma musique en fonction de cela. C’est amusant d’essayer de trouver des instruments qui puissent s’insérer dans ce paysage sonore. J’ai aussi utilisé une sorte de banjo pakistanais, un kamachi et des dulcimers. Tous ces instruments fonctionnaient très bien car ils ont un son très aigu. Ce qui fait de ces touches exotiques ont des raisons très pragmatiques.



On sent bien ce contraste entre des sonorités larges et graves à l’orchestre et ces touches musicales délicates.
C’est vrai. En dehors du gros son d’orchestre, je voulais créer quelque chose de plus intime.

Est ce que ce contraste est pour vous lié au fait qu’il s’agit d’un dessin animé ?
Pas nécessairement. J’ai l’habitude d’utiliser beaucoup de contraste dans ma musique. Pour moi le contraste crée une tension et la tension c’est ce qui fait avancer une histoire.


On vous sent aussi à l’aide dans les grandes scènes d’action dignes des films en prise de vue réelle que dans le Mickey Mousing propre à l’animation.
Quand j’étais chez Dreamworks, Jeffrey Katzemberg demandait à Hans de ne pas faire de Mickey Mousing et cela s’est ressenti dès LE PRINCE D’EGYPTE . Même si cela a un peu changé depuis SHRECK, Jeffrey était en train de créer une nouvelle compagnie et cherchait à apporter un nouveau style à l’animation différent de Disney. Je pense que c’est une bonne chose, car cela permet de ne pas être condescendant vis à vos du public. A l’inverse, le danger est d’avoir une musique trop puissante ou trop effrayante pour les jeunes enfants. Si l’on n’y prend pas garde, une scène d’action de dessin animé peut sonner comme ALIEN. Pour éviter cela, j’aime passer à des rythmes du genre salsa ou autres. On a toujours de l’énergie mais sans jamais véhiculer de crainte. J’ai pas mal expérimenté ça avec Harry. C’est un point essentiel pour adapter la musique au public. Quand j’ai fait la musique de l’AGE DE GLACE 2, mon fils de 5 ans n’était jamais très loin, ce qui fait que j’ai toujours été très attentif à ses réactions et j’ai fait des changements en fonction de ses remarques.
En ce qui concerne le Mickey Mousing, certaines scènes de l’AGE DE GLACE 2 se situaient dans la grande tradition de l’animation et il me semblait que le Mickey Mousing était le style idéal pour accompagner ces scènes. Mais j’ai pris mes précautions et j’ai demandé aux créateurs du film s’ils seraient d’accord que je fasse cela. Ils m’ont dit qu’il n’y avait aucun problème et j’ai été très heureux de le faire. Pour cela j’ai fait un peu comme Alan Sylvestri dans : QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ?



C’est une merveilleuse façon de lier la modernité et la tradition, à l’image de Scrat, à la fois personnage en 3D et personnage de cartoon.
Exactement, si ce n’est que Scrat n’a pas de musique… Sauf à la fin. Chris Wedge qui a réalisé le premier opus et qui a produit la suite, a toujours été très attaché à ce personnage. Il a été très clair sur le fait qu’il ne fallait pas rompre la tradition à moins d’avoir une bonne raison. Et de fait, à la fin, Scrat meurt, arrive au paradis. C’était l’occasion de lui donner une musique à la hauteur de l’évènement. Et bien sur dès qu’il revient à la vie, la musique s’arrête.

Pouvez vous nous parlez de la citation de l’adagio de Spartacus dans « The pearly gates » ? Cela est il en rapport avec le fait que David Newman a lui aussi cité une œuvre classique dans sa partition, « Les Comédiens », de Kabalevsky ?
Je ne me souviens pas de cette citation dans L’AGE DE GLACE. La raison de cette citation est très simple. C’est l’une de mes œuvres préférées. Pour moi elle constitue l’expression ultime de ce qu’est l’Amour.
Quand j’ai vu les images de Scrat arrivant au paradis, j’ai tout de suite pensé à cette pièce mais nous avons du la retravailler pour l’intégrer dans le film. La scène commence ainsi avec une petite musique de mariage, qui s’enchaîne avec une immense explosion d’adoration. C’est vraiment dans la tradition de Scrat. Soit il n’a pas de musique du tout, soit de la musique classique. Mais en aucun cas il n’a une musique originale. Ca le met un peu à part des autres personnages et ça le rend plus traditionnel. S’il y avait un AGE DE GLACE 3, nous ferions exactement la même chose !




Comment décririez vous le générique du film ?
C’est un mélange de Khatchatourian et de musique country ! (Rires) Un mélange de « Danse du Sabre » et de Willie Nelson. C’est un morceau étrange dans l’esprit du style Americana avec une forte orchestration dans le style de la grande musique russe. C’est un excellent exemple de la façon dont j’ai voulu m’amuser sur ce film.

Comment avez vous utilisé le thème du générique ?
Il s’agit plutôt d’un thème de film plutôt que d’un thème de personnage. Je l’ai utilisé pour faire la transition entre deux chapitres. Le premier thème de personnage qui apparaît dans le film survient à la fin de cette ouverture. C’est le thème de Sid qui sera développé dans la scène où tous ses congénères viennent l’adorer. Il y a aussi un thème pour Manny, mais c’est un thème d’amour que l’on retrouve dans toutes les scènes qu’il partage avec Ellie.



Il y a une grande richesse sonore dans votre musique, tant au niveau des orchestrations « à la russe » que du contrepoint. Est-ce en réaction à la richesse visuelle que permet l’animation avec tous ces personnages s’agitant dans tous les sens ?
Le fait qu’il s’agit d’un film d’animation n’a rien à voir là dedans. Cela vient simplement du fait que Chris et moi avons les même goûts en la matière. Néanmoins, il est vrai que l’animation permet vraiment ce genre de musique débordante de joie et je me suis tout naturellement tourné vers de grandes références classiques :les musiques de ballet de Khatchatourian, Tchaïkovsky, Ravel, Sibelius, et bien sur Villa-Lobos et Rimsky-Korsakov.
Mais par dessus tout, je pense à Prokofiev. D’ailleurs j’ai appelé une des musique de L’AGE DE GLACE 2 « Peter and the Sloth » en référence à Pierre et le Loup (Peter and the Wolf).J’ai réalisé à quel point le cinéma a été influencé par cette œuvre. On y trouve tout ce qu’on doit savoir à propos de l’écriture de la musique de film et de l’orchestration. On y trouve également tous les sentiments et la façon de les exprimer à travers le tempo et l’orchestration. C’est toute mon enfance et c’est ma bible. J’ai fait beaucoup de films dans lesquels je n’ai pas pu utiliser ce savoir et je suis ravi d’avoir pu le faire sur L’AGE DE GLACE 2.

Ce bonheur se ressent à l’écoute de votre partition.
Je suis comme Scrat devant un gland. J’ai vraiment eu de la chance de pouvoir travailler avec des gens aussi créatifs et j’ai été heureux de soutenir leur travail à travers la musique, à travers un moyen d’expression qui se situe au delà des mots comme l’animation l’est, visuellement. C’est cette perpétuelle explosion, au delà des mots que j’aime dans l’animation. En prise de vue réelle, on a toujours peur d’en faire trop. En animation, on en fait jamais trop. C’est de la pure imagination qui explose à l’écran.


Pouvez vous nous parler de la création de la chanson de Sid ?
Ils m’ont montré cette séquence montée avec une musique rock d’AC/DC. Puis ils m’ont demandé si je pouvais trouver une autre façon de la mettre en musique. L’idée était de montrer que Sid n’est pas respecté par ses amis et que là il recevait un respect débordant.
Les créateurs du films ne savaient pas comment montrer cela clairement. Il y avait une sorte de question-réponse entre Sid et la foule de ses admirateurs. Je me suis souvenu d’une musique traditionnelle indonésienne, une cérémonie qui impliquait une centaine de personnes qui chantaient de façon de plus en plus intense. Cela devenait un peu comme du Steve Reich. Cela sonnait de façon complexe mais c’était en fait relativement simple. Je leur ai présenté cette musique indonésienne et tout le monde a adoré. Nous avons donc fait appel à la voix de Sid, John Leguizamo et nous lui avons demandé de faire toutes sortes de sons et d’onomatopées, puis j’ai réuni un groupe de 4 chanteurs particulièrement bons sur le plan rythmique. Je leur ai aussi demandé de faire toutes sortes de sons de dire des choses insensées et j’ai rassemblé tout cela pour travailler dessus. Ensuite ce sont les équipes de Blue Sky qui ont animé sur cette musique. Puis nous sommes passés à 40 chanteurs pour donner plus d’ampleur !

Y aura t-il un AGE DE GLACE 3 ?
Oh, je l’espère vraiment, mais pas avant quelques années…



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09 February 2007

Hans Zimmer - Entretien avec un Pirate des Caraïbes par le Capitaine Jérémie NOYER.

En vingt ans de carrière, Hans Zimmer s’est fait une véritable place au soleil d’Hollywood en imposant un style bien à lui, mêlant l’orchestre à des influences pop et électroniques. Que l’on aime ou pas, force est de constater que le style Zimmer ou « Mediaventures » (du nom du studio qu’il a fondé dans les années 90, où il a formé bon nombre de ses poulains, de John Powell –X Men 3, L’âge de glace 2- à Harry Gregson-Williams -Shrek, Narnia-, en passant par Trevor Rabin -Armageddon, Benjamin Gates- et Mark Mancina –Tarzan- est désormais un incontournable de la musique de film. Notamment grâce à son partenariat récurrent avec un autre incontournable du monde du cinéma : Jerry Bruckheimer, avec lequel il travail pratiquement depuis ses débuts. Témoin ce dernier Pirates des Caraïbes : Le Secret du Coffre Maudit qui vient de sortir en dvd, prélude à un troisième opus fort attendu.
Media Magic & Inter-Activities ont eu le privilège de pouvoir approcher le « Captain »…



Votre nom est souvent associé à celui de Jerry Bruckheimer. Votre complicité s’étale sur de très nombreux films.
Je crois que le premier film de Jerry dont j’ai fait la musique était Days of Thunder. Puis j’ai travaillé en tant que compositeur, mais j’ai donné quelques coups de main, notamment sur The Rock. Il y a eu quelques rumeurs infondées selon lesquelles j’aurais composé deux thèmes pour Armageddon. Je me souviens également de La Chute du Faucon Noir, mais c’était davantage un film de Ridley Scott qu’une production Bruckheimer.

Comment expliquez-vous cette alchimie ?
C’est difficile à dire. Je pense que j’ai inventé très tôt un son qui lui plaise. A l’époque, il était connu pour éviter d’utiliser l’orchestre symphonique. Ce que je lui ai apporté, c’est une nouvelle approche de l’orchestre qui ne lui semble pas « ancienne ». Je ne sais pas si l’on peut parler d’alchimie. J’ai simplement trouvé un langage musical assez puissant qui lui convienne.




Quelle place tiennent ces films dans votre carrière, et dans votre évolution personnelle ?
Je dois dire dire que j’ai davantage évolué sur des films autres que les productions Bruckheimer. L’une de mes partitions les plus représentatives dans ce sens est, pour moi, celle de La Ligne Rouge. C’est un film aux antipodes de ce que fait Jerry, et pourtant, il a adoré cette musique, et m’a demandé si je pouvais faire quelque chose dans le même esprit pour Pearl Harbor.

Peut-on parler d’une évolution vers une approche de plus en plus orchestrale ?
En fait, tout dépend du film sur lequel vous travaillez. Prenez La Chute du Faucon Noir. Il s’agit bien d’un orchestre, même s’il est très accidenté. De la même façon, des confrères comme Steve Jablonski, pour la série Desperate Housewives, composent chaque semaine des musiques orchestrales. C’est assez incroyable. J’aime cette idée d’écrire des musiques pour des musiciens, et pas simplement bidouiller sur son synthétiseur seul dans son coin. Dans le même temps, les deux partitions de Pirates des Caraïbes font largement appel à des synthétiseurs, et le résultat est aussi formidable.

Quel fut exactement votre rôle sur le premier opus de Pirates des Caraïbes ?
En fait, je connaissais Gore Verbinski, le réalisateur, depuis The Ring. La musique prévue originellement pour le film (composée par Alan Silvestri, DNLR) ne lui convenait pas, ce qui fait que j’ai repris les choses en main. Seulement, je m’étais lancé dans un autre film quand la production de La Malédiction du Black Pearl a commencé. Je n’ai pu y participer pour des raisons contractuelles, mais cela ne m’a pas empêché d’en écrire les thèmes principaux. J’y ai d’ailleurs passé un jour et une nuit entiers. Klaus a ensuite pris les rennes. Il faut dire que nous n’avions que très peu de temps : trois semaines seulement ! Une fois les thèmes composés, j’ai construit l’architecture générale de la façon dont ils devraient être arrangés. J’y ai travaillé pratiquement toutes les nuits pendant cette période, comme un producteur : j’arrangeais, je corrigeais, je mixais. En fait, toute la musique du film découle de ces thèmes écrits entre le jour et la nuit !

Ce rôle de producteur, c’est un peu celui que vous avez tenu sur Wallace & Gromit.
Un peu, si ce n’est que le compositeur original de la série n’avait pas d’expérience en matière de long-métrage, et il a donc fallu faire un travail beaucoup plus approfondi dans ce sens.

Le thème de Jack Sparrow dans Le Secret du Coffre Maudit fait largement appel au violoncelle solo. Comment en êtes-vous venu à cette association inattendue entre le célèbre Captain et cet instrument ?
Tout simplement parce que j’ai écrit cette musique pour mon ami Martin Tillman, un violoncelliste avec lequelle je travaille beaucoup. Je savais que je pouvais transformer Martin en un véritable pirate, lui inspirer beaucoup d’humour, d’énergie ou d’émerveillement. Je savais que je pouvais lui faire jouer de son instrument d’une manière qui ferait dresser les cheveux sur la tête de son professeur de violoncelle ! La manière idéale pour ce film !



Je crois même savoir qu’il a carrément écrit un morceau pour le film.
En effet, il a composé une musique atmosphérique de son cru, quelque chose de typique de son univers, quelque chose de mortel !

Martin Tillman a aussi bien joué du violoncelle acoustique que du violoncelle électrique. En fonction de quoi avez-vous opéré ces choix d’instruments ?
Le violoncelle électrique a été utilisé pour toutes les scènes impliquant le personnage de Davey Jones. Pour ce personnage, j’ai demandé des choses horribles à l’orchestre ! Je l’ai associé à des guitares électriques très puissantes, diffusées à fond à travers la salle d’enregistrement ! Déjà, le personnage de Jack Sparrow a ce côté « Keith Richard », et j’ai pensé développer une approche similaire pour Davey Jones, un comme comme Lenny de Motorhead.



Un pas de plus est en effet franchi ici dans la modernisation de la musique de films de pirates, avec cette attitude vraiment rock !
Je ne parlerai pas vraiment de « rock attitude ». Pour que ce soit le cas, il faudrait une véritable partie de batterie, et l’un des aspects de cette partition sur lequel j’ai beaucoup travaillé, c’est de tout faire pour ne pas avoir à en utiliser. Il s’agissait plus pour moi de trouver une attitude dans l’écriture, mais également dans l’exécution, chez les musiciens. C’est ainsi que j’ai demandé aux musiciens de jouer de façon bien plus « rock’n roll », en particulier les sections de violoncelles et de basses. Vous pouvez l’entendre dans la b.o. : ils jouent beaucoup plus haut sur le chevalet, beaucoup plus serré et de façon beaucoup plus agressive. Rien qu’on ne puisse retrouver dans une partition de Prokofiev ou autre, mais cela dans un contexte bien spécifique.

De par cette attitude vis à vis du violoncelle acoustique, votre partition se présente comme une association passionnante de l’ancien et du moderne ! Un aspect que l’on retrouve également, d’une manière différente, dans votre partition pour le Da Vinci Code, associant des violes de gambe à l’orchestre symphonique.
C’est pour moi une façon d’étendre mon paysage musical, et de jouer là-dessus. Rien que du point de vue du plaisir sonore, et de sa pertinence du point de vue intellectuel, il est toujours intéressant d’associer petits et grands ensembles, l’ancien et le nouveau, etc. C’est toujours très inspirant de se dire qu’on dispose d’autant de couleurs avec lesquelles peindre. De par la nature-même des deux Pirates des Caraïbes, leurs thèmes devaient être très simples. On ne pouvait s’éloigner d’une certaine tradition de la musique populaire. Alors que pour le Da Vinci Code, j’ai pu être plus aventureux et plus rafiné dans mes harmonies et tous les mouvements internes de la musique. J’adore ajouter de nouvelles couleurs à ma palette !



Alors que la plupart des compositeurs attribuent un thème à chaque personnage et le varient en fonction de la situation, vous semblez attribuer plusieurs thèmes pour un même personnage, comme Jack.
Oui et non. Si vous prenez le thème de Jack présent sur l’album, malgré le fait qu’il semble y avoir plusieurs thèmes, tout n’est en fait qu’un développement du même motif, celui du premier film… mais partant dans tous les sens ! (rires) Mon problème, c’est que j’écris des thèmes extrêmement longs. Ils n’ont pas seulement une partie A et une partie B comme la plupart des thèmes, mais une partie C, une partie D, etc, etc. Et je choisis l’une de ces parties en fonction de la situation dans laquelle se trouve le personnage.

Le thème de Jack a donc évolué depuis le premier opus : il utilise davantage de demi-tons. Est-ce pour vous un moyen de le rendre plus drôle ou plus inquiétant ?
Je dirai plutôt roublard, farceur. Je me suis inspiré de la façon dont Jack tient ses conversations. Il utilise des tas de mots, des tas d’expressions insensées, et je voulais faire de même dans la musique. Et je n’ai pas beaucoup à me forcer. Je développe tellement que j’arrive presque toujours à quelque chose de totalement différent de ce que j’avais prévu, en violant toutes les règles de l’écriture classique !




Pouvez-vous nous parler de votre utilisation de l’orgue ?
Tout est parti du fait qu’ils voulaient que Davey Jones joue de l’orgue, et qu’ils voulaient que je compose une pièce avant le tournage pour pouvoir tourner en synchronisation parfaite avec la musique. C’est quelque chose que j’ai beaucoup apprécié. Ce fut d’ailleurs assez spécial de faire jouer ce morceau sur l’orgue de Davey Jones car c’est un très vieil instrument, et ses touches ne sont pas très orthodoxes ! Mais j’ai surtout voulu qu’il y ait de l’orgue pour Davey Jones et pour le Kraken car tous deux sont liés, c’est pourquoi il y a cet intermède à l’instrument à tuyaux au milieu de son thème orchestral. C’est une couleur sonore qui n’apparaît plus dans le films aujourd’hui, et c’est dommage.

Avez-vous commencé à travailler sur le troisième opus ?
Absolument, et ce depuis plusieurs mois déjà.

Votre musique semble plus émotionnelle dans Le Secret du Coffre Maudit que dans la Malédiction du Black Pearl.
Tout à fait, et ce fut totalement délibéré. Et ce n’est rien par rapport au troisième film. Il sera encore plus émotionnel.

Est-ce que les mini Z (les enfants de Hans Z.) ont aimé le film ?
Totalement. L’une de mes filles est d’ailleurs venue assister à la première à Disneyland. Ce fut colossal. Elle a adoré !

NICK GLENNIE-SMITH OU LE SECRET DU "CODE" MAUDIT


Monsieur Glennie-Smith, nous sommes ravis de vous retrouver dans nos colonnes!
Moi également! Tel que vous me trouvez, je me sens dans un esprit de pirate car nous sommes au cœur de la production de la musique du film! Mais je serai également ravi de discuter également du DA VINCI CODE avec vous!
Merci infiniment. Quel a été votre rôle pour ce film?
Je ne suis arrivé qu'assez tard sur ce projet. Hans avait déjà commencé à y travailler depuis le mois de janvier et il avait besoin de moi pour finir la partition. C'est ainsi que je me suis occupé des derniers morceaux, depuis l'arrivée à Roselyn jusqu'à la fin au Louvre, en passant par l'arrestation de Sir Lee, après la destruction du cryptex.

Comment vous êtes-vous glissé dans la production du DA VINCI CODE?
C'est très facile, dans la mesure où il suffit de suivre la voie tracée par Hans. Comme à son habitude, il ne compose pas vraiment de morceau spécifique pour une scène, mais plutôt environ 25 minutes d'idées musicales : un véritable réservoir de thèmes de personnages et autres motifs. Mon travail consiste donc à puiser dedans et les arranger de telle sorte que chaque musique puisse correspondre à chaque scène en particulier.

Ces thèmes ne se rapportent pas tous à des personnages.
En effet, si la plupart sont des thèmes de personnages, certains, comme Robert Langdon en ayant plusieurs, en fonction des émotions qu'ils ressentent. Mais il y a aussi un thème sur le passage du temps.



Orchestralement parlant, les différents morceaux du DA VINCI CODE semble se baser sur une opposition de masse entre l'orchestre et un ensemble de chambre.
C'est cela. Nous avons fait appel à un consort de violes, qui donne ce côté ancien, que nous avons fait dialoguer avec l'orchestre, et notamment avec les 28 violoncelles. Cela donne une partition véritablement magique, avec des textures très intéressantes –sans compter la voix d'Hila Plitmann, qui apporte une dimension céleste à l'ensemble.

On retrouve ici l'opposition entre les violes de gambes anciennes et les altos modernes du CONCERTO BRANDEBOURGEOIS N°6 de Johann Sebastian Bach…
Ce que nous avons fait n'a pas été directement inspiré par ce concerto, mais le fait est que l'histoire du film est une histoire moderne, qui demandait donc un orchestre et une approche modernes, mais qui, en même temps, faisait appel à énormément d'éléments empruntés à l'histoire médiévale. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé aux violes, qui ont cette sonorité comme venue du passé, exactement comme Bach l'a fait dans son concerto, faisant dialoguer l'ancien et le moderne.






Les chœurs sont également très importants dans cette partition.
En effet, et j'ai eu le bonheur de les diriger. Il y a en fait deux chœurs dans cette partition. L'un réuni par Hans autour de Jenny O'Grady et l'autre était l'ensemble vocal de Robert King, le célèbre chef d'orchestre spécialisé dans la musique baroque et ancienne. Nous étions partis pour des vocalises uniquement, avec des souffles, des bruits, des chuchotements de toutes sortes, mais un de nos amis est venu avec des paroles, ce qui a ajouté une dimension supplémentaire à notre chœur. C'est un mélange d'interprétation conventionnelle et d'expériences un peu étranges.

Quel a été précisément le rôle de Graham Preskell de ce point de vue?
C'est un ami commun à Hans et à moi, que nous avons connu à Londres. C'est un remarquable compositeur, mais il a également fait des études classiques. Il maîtrise parfaitement le latin et il est venu avec des paroles dans cette langue qui puissent raconter l'histoire de façon subliminale.

Cela veut-il dire qu'il y a également un code musical?
C'est un sujet dont nous avons beaucoup discuté. Saurez-vous le déceler?...


De ce point de vue, la partition est dominée par l'extatique Kyrie For The Magdalena.
Cette pièce a en fait été écrite par Richard Harvey, qui est aussi un ami commun à Hans et à moi. Je le connais depuis que j'ai 16… ce qui fait pas mal de temps! Nous avons pas mal travaillé ensemble à Londres et Hans lui a demandé de venir nous donner un coup de main sur cette musique car Richard est aussi un grand spécialiste de musique ancienne. Ce Kyrie devait être le chant des religieux lorsque Robert entre dans l'abbaye de Westminster. Il ne devait durer que quelques secondes, mais nous avons enregistré le morceau complet afin qu'il figure en générique de fin ainsi que sur l'album. C'est une pièce magnifique que j'ai eu grand plaisir à diriger.

Nous avons été frappé par la discrétion de la musique dans ce film, ce qui peut paraître surprenant pour l'équipe de Mediaventures…
C'est vrai, mais le fait est qu'Hans pousse toujours pour que sa musique soit la plus douce possible dans le mixage final du film afin qu'elle n'interfère jamais avec l'histoire.

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