28 January 2008

Le Petit Prince - Interview de Jean Pascal Beintus, par Christine BLANC

"Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux."


Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince.

Jean Pascal Beintus, vous êtes né en 1966. Malgré votre jeune âge, vous avez déjà à votre actif des compositions nombreuses et variées. Pouvez-vous nous parler du parcours qui vous a conduit ici ?
J'ai commencé le piano à l'âge de 5 ans avec ma grand mère et je suis rentré au conservatoire de Nice vers l'âge de 7 ans. J'ai par la suite commencé l'étude de la contrebasse à 10 ans et poursuivi mes études aux conservatoires supérieurs de Lyon et de Paris jusqu'à 17 ans. J'ai alors été pris comme contrebassiste à l'Opéra national de Lyon.
J'ai toujours été intéressé par la création et la musique de film, et ce dès mon plus jeune âge, mais je n'ai jamais suivi de cours de composition, juste des cours d'harmonie et un peu de contrepoint lors de mes études supérieures. Vers ma 27ème année j'ai commencé à m'intéresser de plus près à la composition, j'ai donc commencé à acheté les conducteurs des œuvres que nous jouions à l'orchestre ainsi que des manuels de compositions. Kent Nagano qui était alors le directeur musical de l'opéra de Lyon a remarqué mon travail et ma commandé un concerto pour orchestre, qui a été créé en 1998 à l'Opéra de Lyon.

Depuis quand êtes-vous passionné de musique ?
Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été entouré de musique, mes parents sont mélomanes et mon père un bon pianiste amateur. J'ai donc été immergé dès ma plus tendre enfance dans un bain musical, et j'ai de ce fait très tôt développé une passion pour cet art.

Quel rôle à joué votre famille dans cette passion, puis dans votre carrière ?
Ma famille m'a très vite encouragé à persévérer dans cette voie.






Quels sont vos compositeurs favoris?
Il y en a beaucoup, les premiers noms qui me viennent à l'esprit sont : Ravel, Saint Saens, Debussy, Rachmaninov, Poulenc, Prokofiev pour le classique, et John Williams, Jerry Goldsmith, Alan Silvestri, Elmer Bernstein, et bien d'autres pour la musique de film, mais les deux compositeurs qui me surprennent le plus sont Ravel, (il n'a écrit que relativement peu de musique, mais sa musique est incroyablement bien orchestrée, l'étude de Daphnis et Chloé par exemple est une véritable leçon d'orchestration et de composition) et John Williams pour son incroyable imagination et son langage musical unique.

Cherchez-vous à rendre hommage à certains compositeurs dans vos partitions ?
Il y a quelques années, Kent Nagano m'a demandé d'écrire des variations pour 2 pianos et orchestre sur le célèbre thème "I got Rhythm" de Gershwin, une commande de l'orchestre philharmonique de Berlin., C'est pour l'instant le seul véritable hommage que j'ai rendu à un compositeur. Autrement, il se peut que l'on reconnaisse quelques influences dans ma musique, mais j'essaie dans la mesure du possible de m'exprimer à travers mon propre langage musical.




Jean-Pascal Beintus with Kent Nagano


Pouvez-vous nous parler du Petit Prince ? Comment êtes vous arrivé sur ce projet, avec qui et comment avez vous travaillé ?
C'est une idée de mon agent et éditeur américain, nous avons eu la chance d'obtenir l'autorisation de la famille et de la maison d'édition de Saint-Exupéry. Nous avons développé le projet en collaboration avec Kent Nagano.

Avez-vous utilisé une partition temporaire ? Avez-vous écouté certaines œuvres pour vous inspirer ?
Non, pas de partition temporaire, je n'aime d'ailleurs pas beaucoup cette manière de travailler car elle bloque l'imagination des compositeurs. J'ai lu quelque part que Saint-Exupéry avait beaucoup écouté de Mozart et de Debussy lors de l'écriture du Petit Prince. J'ai donc voulu avant tout respecter ses goûts musicaux et essayer d'écrire une musique qui, je pense, aurait put être en harmonie avec sa propre vision.

De combien de temps avez vous disposé pour écrire, puis pour enregistrer ? Pouvez-vous nous parler de l’orchestration ? Du choix de l’orchestre, sa taille?
J'ai disposé de beaucoup de temps pour écrire une première version pour Harpe, Violon et orchestre de chambre, qui a été créée à Berlin par l'Orchestre de la Radio il y a environ un an. Cette première version nous servira de base à l'élaboration de la version avec narrateur et grand orchestre qui devrait être enregistrée cet été 2008 par l'Orchestre National Russe sous la direction de Kent Nagano.

Que doit devenir ce projet du Petit Prince (musique de film, opéra, album)
Pour le moment nous essayons de faire le CD et de trouver un acteur de cinéma pour la narration, nous avons contacté une star de cinéma américain pour la version anglophone. Cette star semble être intéressée, nous attendons sa confirmation.

Quelles consignes avez vous reçues pour composer ce score ?
Aucune, pour ce genre de projet, je suis entièrement libre, je soumets tout de même mon travail à Kent Nagano qui me donne son avis, il me demande souvent de rajouter de la musique, ce qui pour moi constitue le meilleur des compliments et des encouragements.

Qu’avez vous cherché à exprimer dans cette partition ?
J'ai essayé de ne pas avoir un langage trop "filmique", mais plutôt d'illustrer le conte d'une manière évocatrice et complémentaire de l'histoire, un peu à la manière de "Ma Mère L'Oye" .





Pourriez-vous définir votre style ?
Je pense pouvoir changer de style à chaque projet mais j'essaie de toujours conserver la même manière de m'exprimer.

Aujourd’hui vivez-vous de votre travail musical ? Aujourd'hui j'arrive à vivre des arrangements et orchestrations que je fais pour d'autres compositeurs comme Alexandre Desplat par exemple, mais malheureusement la composition de musique classique ne rapporte pas suffisamment d'argent pour espérer en vivre convenablement. La plupart des compositeurs ont d'autres métiers, comme par exemple, l'enseignement de cet art dans les conservatoires. En ce qui me concerne, j'orchestre, je fais des arrangements et des orchestrations et je joue encore de la contrebasse dans différents orchestres et ensembles, je pense que j'arrive à bien gagner ma vie.

Que conseillez-vous aux personnes souhaitant se lancer ou percer dans le milieu ?
De s'accrocher et de persévérer, ce n’est pas toujours facile. Et surtout, dans un premier temps de diversifier ses activités, ne pas hésiter à être orchestrateur et arrangeur pour les autres, c'est enrichissant et on y apprend beaucoup de choses qui peuvent servir au métier de compositeur.

Et si vous n’aviez pas été compositeur… ?
J'aurai bien aimé être acteur de cinéma ou écrivain, sinon les métiers d'ingénieurs ou autres métiers scientifiques m'auraient attirés.

Vos collaborations avec Alexandre Desplat vous ont elles apportées techniquement, humainement, relationnellement ?
Bien sûr, il est très professionnel et il aime l'orchestration. S’il ne les fait pas et qu'il a besoin du service d'un orchestrateur, c'est parce qu'il n'a pas le temps matériel. C'est donc toujours un challenge pour moi de deviner ce qu'il aurait fait s’il avait orchestré sa musique lui même. J'ai beaucoup appris avec lui, l'orchestration est la meilleure école que l'on puisse trouver concernant la musique de film. J'y ai appris la rigueur, la rapidité, et j' essaye à chaque fois de faire un sans faute. C'est un métier assez difficile car il nécessite beaucoup de connaissances dans tous les styles de musiques.

Pouvez-vous nous parler de vos relations avec Alexandre Desplat ?
Je m'entends très bien avec Alexandre, on se téléphone de temps en temps, mais malheureusement il n'a pas beaucoup de temps et il est toujours entre deux films, on ne se voit donc pas souvent.

Pourquoi ne pas avoir travaillé avec lui sur le Golden Compass ? Regrettez-vous de ne pas y avoir participé ? Avez vous eu l’occasion d’écouter sa partition, si oui qu’en pensez vous ? Que pensez-vous avoir pu y apporter ?
C'est dommage, j'aurai bien aimé y participer pour avoir la chance d'être crédité au générique de fin d'un blockbuster de fêtes de fin d'année ! Ça aurait fait plaisir aux enfants de ma famille !!, mais je crois que les studios lui ont imposé leurs propres orchestrateurs qu'ils ont sous contrats et qui sont très bons.
Je ne sais pas si j'aurais pu apporter grand chose de plus que les orchestrateurs qui ont travaillé sur ce film, Alexandre donne des directives tellement précises que notre rôle consiste uniquement à retranscrire sa pensé le plus fidèlement possible.



Il semble que vous ne soyez pas intéressé que par la musique de film. Les séries, ou encore les jeux vidéos attirent désormais de grands compositeurs. Ces travaux représentent-ils pour vous un intérêt ?
Bien sûr, je suis ouvert à tout les nouveaux médias, pour tout avouer, j'ai moi même une Playstation 3 et j'adore les jeux vidéos !!

L’éclectisme de vos compositions peut il se retrouver dans un style de musique « hybride », mêlant orchestre et musique synthétique ?
J'adore les mélanges synthétiseurs/orchestres quand c'est un compositeur comme Jerry Goldsmith qui les faits, je pense à la musique du film "Legend" bien évidemment, c'est une des partitions des plus fantastique dans ce genre, mais personnellement j'adore l'orchestre, ça offre des possibilités infinies, les mélangés avec des boucles samplées et des ordinateurs ne m'attirent pas spécialement. Je pense que ce n'est qu'une mode passagère qui risque de vieillir trop vite, mais s’il faut que je le fasse, je m'adapterai à la demande.

Sur quel projet aimeriez-vous travailler ? Avec qui, sur quel type de projet ?
J'aime beaucoup écouter des musiques films, pour moi ce style de musique représente la continuité et la nouvelle voie de la musique « classique ». Par « classique », je veux parler d'une musique qui se sert encore des règles de l'harmonie, j'aime beaucoup le mélange de styles et l'incroyable imagination dans ce domaine des compositeurs actuels. Il y a beaucoup à prendre, le milieu classique est trop fermé en France et ça serait fantastique que cette musique puisse trouver son chemin dans les salles de concerts. Curieusement, les compositeurs de musiques de films ont été beaucoup influencé par leurs contemporains comme par exemple Prokofiev, Bartok, Ravel et pleins d'autres, ce serait un juste retour des choses que les nouveaux compositeurs classiques se servent des innovations des compositeurs de musiques de films et les adaptent à leurs créations.

Quels sont vos meilleurs souvenirs dans le domaine musical ?
Probablement la création de mon concerto pour quintette de cuivres et orchestre à Manchester en 2000 lorsque le public est venu me féliciter à la fin du concert et me dire à quel point ils avaient apprécié cette pièce, cela s'est reproduit plusieurs fois après, mais je ne sais pourquoi, c'est cette fois là qui m'a marqué le plus.

Quels sont vos projets aujourd’hui ?
Beaucoup de projets en collaboration avec Kent Nagano, l'année dernière j'ai composé la partie orchestrale du film "The 11th Hour" produit par Leonardo Di-Caprio, Kent Nagano à accepté de la diriger et maintenant je crois que d'autres projets dans ce domaine sont en train de se profiler à l'horizon, mais il est un peu trop tôt pour en parler...

Que souhaitez-vous ajouter pour les lecteurs d’inter-activities ?
Un grand merci pour cette interview, c'est toujours intéressant et constructif de partager l'expérience des autres, internet est un outil formidable qui nous permet de la faire partager. À très bientôt !!

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10 January 2008

SKYLAND, interview du compositeur Paul Intson

Skyland est une série télévisée d'animation franco-canadienne en 26 épisodes de 26 minutes, créée par Alexandre de la Patellière, Matthieu Delaporte et Emmanuel Gorinstein. Récompensée en 2006 à Annecy lors du festival du film d'animation, la série, mêlant personnages en 3D animés à partir de la capture de mouvements de comédiens et somptueux décors peints à la main à remporté le Pulcinella Award ( best Serie of Action and Adventure).
A l'occasion de la sortie du coffret DVD de la seconde partie de la saison 1, le compositeur de la série, Paul Intson nous parle de sa participation à ce chef d'oeuvre de l'animation française. Au fait, ne dit-on pas que la passion permet de déplacer des montagnes?


© 2006 Method Films

Please, Paul Intson, how may you introduce yourself?
Paul INTSON - I am 48 years young. I was recently in Paris and would gravitate towards the artists Ambroise Vollard represented …although this is ever evolving. Musically I’m all over the map –Hank Williams to the Russian 7. Film wise I’m a litmus test for the populist.

What about your training?
I dropped out of high school and studied classical bass. I was a terrible study. I’m someone who gathers work experience as the optimum formal training. And I believe that is where all my life’s luck has accumulated. At 46 I decided it was time to study hockey; so that takes up quite a bit at the moment.

Addressing a small orchestra -2004

And what about your background?
As a kid, I was in trouble frequently– until I started playing bass seriously. I seem to need stimulus to stay out of jail…

How would you describe or characterize your own musical style?
I dream that it exists as an extension of Manfred Eicher’s ECM label sound – but I’m probably closer to some guy in a basement somewhere in Canada…

How do you choose a project to work on?
Well … I guess if they say yes then I’m working on it..

How do you compose? Do you have a method of working? How do you proceed?
For the past few years I’ll study the project by trying to absorb what materials are available to me ie: scripts, grahics, ect. I’ll then go to the Hamilton library to get my hands on resources … if not there I’ll end up at the University library. Most of the time this process takes me out of my preconceived myopia so I can have a 360 degree spin on available options. And then I peck at the piano – sometimes for days...

What do you feel when you’re composing and what do you like in this process?
The evolution of an idea– that buzz along with the interpretation of the notes on a page during the recording stage, is quite hard to beat.

How did you come on Skyland?
I was one of 10 composers asked to submit. They called and said ‘you’.


May you describe your score for this film? May you tell me about your approach on this film? Did it evolve during the production?
The director Emmanuel Gorenstein had great ideas for a ‘sound’. He would send me music that liberated me to show him anything. It seemed that with each thematic idea it became closer. In the end we used all the ideas in some form. It was lovely – my only regret is we were not able to physically occupy the same space more.

Do you think Skyland is characteristic of your style, was it natural to you, or did you have to struggle to find the musical voice of the series?
The show happened at the right time for me as a composer- that being it seemed effortless once we developed a sound.

How was each episode scored?
The score existed as a library. The first 4 episodes were scored, the second 4 less so, and then there were composed scenes during the rest of the season as special request. It was done on and off for about a year and a half.

Did you want to go to a kind of a “Leitmotiv” approach ? Are there themes that are not character-oriented ? Why ?
The series approach was theme and variation. I felt that the music was the untangible quotient to the story – the ‘Hope and Faith’ that Mahad and Lena would reunite with their parents – and on a bigger scale the residents of Skyland would become free of Oslo and the Sphere and the Prophecy would be fulfilled. I tried to compose the series so that no matter how the music was edited the hope element could not be erased. Hopefully…


How did you manage to plunge the audience in another universe from the sonic point of view?
Jim Longo (the sound designer) was really responsible for that …

Can you tell me about these gamelan-like sounds? How did you come to this kind of a signature sound for the series? How did you use them? In what circumstances? And how did you record them?
Emmanuel proposed a lot of gamelan Akira references – I happened to compose for the Evergreen Club Gamelan in Toronto so was therefore familiar with the ‘pelog’ system of the Sundanese gamelan. Unfortunately due to constraints I ended up using samples …. So I wrote with the 5 note system to try and keep it somewhat authentic.

How did you work with the crew? What kind of material, of images did you have to draw your inspiration?
Method Films (of France) did a promo for Skyland at the initial stage. That combined with stills sent to me were my early inspiration.

Did you want to treat Skyland as animation or as live action? Can you explain why and how?
My guess there is I tried to treat the series as a ‘new’ art. Although there are composition processes I’m never going to quite shake; I did not conscientiously apply either … and maybe it’s because my lack of formal training limits my intention towards a composition ‘system’.
Who did you work with? Who was your main contact while working on the series?
Emmanuel …although lots of other people like to share their thoughts …and are therefore pregnant with suggestions…



How did you work with the French creators of the series? The first few spotting sessions were done over a conference phone...
How did you do with the spotting sessions?
Where both groups lined up their own Quicktimes and then both pushed ‘Go’. It actually worked … and we worked more in broad strokes as a result. After a while spotting involved the music editor and Emmanuel would respond before the mix for adjustments.
Can you tell me about the recording sessions? Did you appeal to live musicians? How did you choose the live parts and the electronic parts? And why?
We recorded via internet and also in Ancaster, Ontario at my studio. I had to divide up the sections like trombones, trumpet & french horn because my room is so small …and a live large ensemble would just sound atrocious. I tried to use as many live players as possible however; the series was extremely limited on their allocation of music funds – the choice to use players was like deciding which of your best friends doesn’t walk the plank.


Do you know why they waited so long between the release of the first and of the second part of the season on DVD?
I know there was a hiatus between the delivery of the first and second 13 episodes (26 in total).

What kind of hiatus?
Production Hiatus - essentially a break for everyone to breathe.

Do you know about the release date of the second season? Did you start working on it?
There were a total of 26 episodes produced with a break between the delivery of the first and second group of thirteen episodes. I don't believe there will be any other episodes produced past that, but then you can never say never...


Have you heard about a Skyland videogame? Will you be part of it?
I have heard of the game, I have not heard anything further...

Have you heard about a Skyland' movie? Will you be part of it? It's still in development stages ... that's all I know for now.

More and more first-rate music composers come to video game music. Do you? What do you think about that? Do you think it is the normal venture for a composer nowadays?
The first time I heard Michael Giacchino was on a video game score. If the medium is open to the composer making good art I can’t see any reason to limit any type of collective venture between video and audio...

Do you think there will be a cd of your music for Slyland released? Will there be a second season? Would you like that?
Sure … you bet!

Last minute changes -2005


Can you tell me about your projects?
Doing a new animation series entitled “Spliced”, a second season of the animation series “Grossology” … a National Film Board animation entitled ‘Labrynth” and Emmanuel Gorenstein has a new project…
Do you have specific message?
A website is on the drawing board and should be up sooner than later. If you’d like to share your ideas look me up! And if you’re in Ancaster give me a call, if you can’t shoot a puck we can go for a beer…

Remerciements particuliers à Agathe PINCHON


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