23 October 2006

CONSTANTINE : TERRE, ENFER OU PARADIS ? Entretiens avec Brian TYLER et Klaus BADELT

C’est au scénariste de Batman, Alan Moore que l’on doit la création en 1985 du personnage de John Constantine, apparu pour la première fois dans la bande dessinée SWAMP THING. Dès 1987, cet anti- héro, déjà populaire, se voit consacrer une série éditée par DC Comics/Vertigo: HELLBLAZER. Après son adaptation cinématographique sous le titre de CONSTANTINE et sa sortie en salles en février 2005, le film de Francis Lawrence vient de paraître en DVD. Le héros, John Constantine, (Keanu Reeves), a la faculté de percevoir la vraie nature des choses, la réalité qui se cache derrière les apparences, et ainsi, de distinguer les anges et les démons qui se mêlent aux humains. Or pour lui, ce don est une véritable malédiction, à tel point que pour s’en défaire et conjurer le sort, il tentera de se suicider. Il atterrira au coeur de l’enfer, y passera deux interminables minutes et y subira les pires supplices, avant de ressusciter, contre son gré. Depuis son retour sur terre, il est exorciste, démonologue et voyage entre la terre et l’enfer. A l’aide d’amulettes ou d’haleine de dragon, John Constantine élimine sans pitié, à la manière d’un mercenaire solitaire tout contrevenant à l’accord qui lie ces créatures : elle ne doivent pas agir sur le destin des humains. Or notre héros tourmenté ne vaque pas à ces funestes occupations sans intérêt : il sait son âme condamnée à la damnation. Et, atteint d’un cancer des poumons, John compte ses jours, désormais torturé par l’idée de retourner en enfer, en compagnie des nombreux suppôts de Satan qu’il à lui-même expédiés là bas ! Il essaie donc de regagner sa place au paradis en éliminant les hybrides, anges ou démons, qui ne respecteraient pas le pacte et en acceptant d’aider la policière Angela Dodson (Rachel Weisz) à découvrir la vérité sur la mort de sa sœur jumelle, Isabel. Pour une telle mission céleste et lutter contre les forces sataniques, il ne fallait pas moins de deux compositeurs de talent, Brian Tyler et Klaus Badelt!



BRIAN TYLER - DU COTE OBSCUR…

Comment a débuté pour vous le projet CONSTANTINE ?
BT) J’ai été contacté par Francis Lawrence, le réalisateur. Il m’a présenté son film avec la partition temporaire qu’il avait choisie. Cette dernière était très sombre et comportait des extraits de ma musique pour FRAILTY (2001) qu’il trouvait gothique et très intéressante. C’était exactement la direction dans laquelle il souhaitait aller à l’époque. C’était son premier film long-métrage et il ne savait pas encore comme traiter avec un compositeur. Il s’est simplement basé sur des goûts et son instinct. De mon côté, j’étais un fan du Comic depuis de nombreuses années, ce qui fait que nous nous sommes immédiatement trouvés sur la même longueur d’onde. Nous sommes donc partis sur une partition sombre et orchestrale, avec des touches mélodiques anciennes. Même s’il s’agissait d’un film noir, il se disait que le jazz et autres saxophones dans la veine du FAUCON MALTAIS ne conviendraient pas. Il fallait donc se plonger dans des racines musicales plus anciennes.


Cette approche ancienne se ressent notamment dans l’utilisation des chœurs de votre partition originale, comme dans Deo Et Patri, on l’on devine l’influence d’un Arvo Pärt.
BT) Les chœurs sont présents quasiment tout au long du film, tantôt de façon évidente, tantôt de façon subliminale. Beaucoup de musique chorale a été écrite dans la première version de la partition, que l’on retrouve remontée à travers le film dans sa version finale. Par exemple, c’est la même musique que l’on entend lorsque John pénètre dans cette sorte de société de théologie où il retrouve l’Archange Gabriel, et lorsqu’il affronte l’homme-vermine, mais traitée, mixée de façon différente. En ce qui concerne mes références, il est vrai que j’ai beaucoup étudié Arvo Pärt et j’apprécie tout particulièrement sa manière de découper les différentes voix, de les harmoniser séparément. Une manière de faire que j’ai reprise dans la pièce que vous évoquez et qui donne cette sonorité si particulière.

Sur quelles paroles avez-vous écrit ces notes ?
BT) Sur des extraits de la Vulgate. J’y ai sélectionné différents versets parlant de sacrifice et de destinée.



Votre partition originale était-elle plus thématique ou atmosphérique ?
BT) Plus thématique. Seulement, au lieu de se rapporter aux personnages, j’avais préféré que mes thèmes se rapportent davantage à l’histoire. Par exemple, Deo Et Patri était sensé être le thème principal du film. Il devait apparaître en même temps que beaucoup de personnages différents et les réunir musicalement dans une approche privilégiant l’opposition entre le paradis et l’enfer. Finalement, nous sommes revenus à une approche plus orientée vers les personnages, plus leitmotivique, avec chacun d’entre eux ayant son propre thème.

Votre première intention était de faire appel à de nombreuses percussions, et cela se ressent nettement dans l’album. Vous les utilisez seulement pour leurs sonorités ou bien aussi pour ce qu’elles représentent de par leurs origines ?
BT) Il est vrai que l’album est une sorte de pont entre ma partition originale et le produit final. J’apprécie que mes intentions premières soient ainsi gravées. En ce qui concerne les percussions, je dois dire que je suis percussionniste de formation et je fais très souvent appel à ces instruments dans mes musiques. Dans la première version de la musique de CONSTANTINE, il n’y avait pas moins de douze percussionnistes jouant des instruments venant d’Inde, du Japon, ou de garages, pour créer des sonorités plus trash et plus métalliques.
Je pense que les percussions du monde ont, de par leur ancienneté, une valeur historique. Et c’est précisément ce que je voulais exprimer: c’est l’histoire d’un combat qui dure depuis des milliers d’années. De fait, au lieu de mettre l’accent sur la grande ville avec des sonorités jazzy ou des percussions modernes, j’ai voulu faire ressentir l’aspect millénaire de cette histoire.


Dans la BD, Constantine est anglais tandis que le film le transpose de Liverpool à Los Angeles. L’auriez-vous traité différemment s’il avait été britannique ?
BT) C’est une question intéressante. Je pense que non car mon intention n’était pas de mettre l’espace en musique. Ma partition n’avait rien à voir avec Los Angeles ou encore avec Humphrey Bogard. Elle s’attachait plutôt à l’aspect biblique de cette aventure surnaturelle.

Comment Klaus Badelt a-t-il été choisi pour apporter une nouvelle direction au film ?
BT) C’est moi qui l’ai choisi. A mesure que le temps avançait, nous nous sommes aperçus qu’il fallait apporter davantage de légèreté à la musique. Nous étions tous partis consciemment dans une partition sombre, puis, finalement, le studio a décidé qu’il fallait lui apporter une dose d’humour. A cette époque, ma musique avait déjà été enregistrée, le mixage finalisé et je m’apprêtais à partir en vacances ! De fait, il ne nous restait presque plus de temps avant la sortie en salles et j’étais épuisé après presque six mois de travail sur cette partition. J’ai donc discuté avec le réalisateur et nous en sommes arrivés à l’idée qu’il nous fallait quelqu’un de nouveau pour nous sortir de là et apporter un peu d’air frais à la musique, quelqu’un d’excellent, avec un regard neuf et qui saurait travailler vite. Francis avait déjà rencontré Klaus auparavant, tout comme l’un des producteurs.Nous en sommes tous arrivés à la conclusion que ce serait un bon choix.



Comment s’est passée votre rencontre et aviez-vous déjà collaboré avec un autre compositeur par le passé ?
BT) A cette époque, Klaus était en Angleterre pour les fêtes de Noël et il a été assez aimable pour stopper ses vacances et venir travailler à Santa Monica. C’était une expérience totalement nouvelle pour moi, mais je savais que Klaus était rompu à ce genre d’exercice.

Avez-vous participé au choix du groupe The Perfect Circle pour la chanson du film ?
BT) Absolument. C’est l’un de mes groupes préférés, et j’en ai parlé très tôt au réalisateur –qui les aimait aussi- afin de pouvoir les avoir sur le film. On les entend lorsque John se rend dans le pub. C’est un très beau morceau.

Quelle est votre scène préférée ?
BT) C’est la scène qui oppose Constantine au diable. Elle apparaît tout d’abord comme un sacrifice, puis on s’aperçoit que John finit par l’emporter et le diable ne peut plus l’attirer à lui. A ce moment, il y a un changement dans la musique que j’adore. Lors de l’enregistrement, je n’ai pu m’empêcher de le faire rejouer plus de fois que nous en avions besoin pour le simple plaisir d’entendre cette musique résonner de façon aussi vibrante !



Vous venez également de signer la partition de THE GREATEST GAME EVER PLAYED pour Disney…
BT) C’est ma seconde collaboration avec Bill Paxton, qui a aussi dirigé FRAILTY. Juste après CONSTANTINE, je ne pouvais avoir à écrire de musique plus différente. C’est une histoire héroïque et galvanisante, avec une musique très thématique, lyrique et émotionnelle, un peu dans la veine de CHILDREN OF DUNE. Nous avons enregistré à Todd A/O, là où j’ai aussi dirigé les deux versions de CONSTANTINE. Trois séances dans ce fantastique studio en moins de deux mois, c’est plus que je n’en ai jamais espéré !


KLAUS BADELT - THE CROSS OVER



Depuis PIRATES DES CARAIBES, quels sont les projets qui vous ont le plus marqué ?
KB) A l’évidence, je dirais CONSTANTINE. A l’heure actuelle, je travaille également sur un projet des plus intéressants, THE PROMISE, un film chinois de Chen Kaige qui a aussi dirigé FAREWELL MY CONCUBINE. J’ai passé tout l’été en Chine, à Pékin pour l’enregistrement, et vous me trouvez maintenant en Australie pour les dernières retouches.

Comment avez-vous eu l’opportunité de travailler sur CONSTANTINE ?
KB) Ce fût une situation assez bizarre. Il y avait des problèmes au niveau de la partition originale composée par Brian Tyler. Personne n’était vraiment coupable de quoi que ce soit, à commencer par le compositeur qui a fait du très beau travail. Il s’agissait seulement d’une mauvaise direction. Il a travaillé pendant plusieurs mois dans une optique particulière et ce n’est qu’au dernier moment que les créateurs du film se sont aperçus que cela ne collait finalement pas. On m’a donc appelé pour apporter un regard neuf et pour pouvoir faire les changements nécessaires. Vous savez, quand on travaille pendant une longue période sur un projet, il est difficile de prendre du recul.

De quelle manière avez vous modifié la partition originale ?
KB) Je ne dirais que « j’ai » modifié la partition de Brian Tyler. Je dirais plutôt que nous l’avons ré écrite ensemble.



Qu’est ce qui vous a poussé à accepter ce travail ?
KB) Cela semblait tellement impossible à faire, sur un laps de temps aussi court, que cela m’a plu. Le film était parfait, la musique était géniale, mais imaginez qu’on vous demande de la refaire en un week-end. Le défi était trop excitant.

Sur PIRATES DES CARAIBES aussi, vous avez dû créer une nouvelle partition après l’éviction d’un autre compositeur, en un minimum de temps.
KB) C’est vrai, à la différence que, pour PIRATES DES CARAIBES, je disposais de trois à quatre semaines, ce qui est court il est vrai, mais bien plus que les deux malheureuses semaines entre Noël et le jour de l’an que j’ai eues sur CONSTANTINE.

Comment avez-vous organisé votre emploi du temps ?
KB) Tout d’abord un week-end, du vendredi soir au lundi matin pour tout re-concevoir et pouvoir présenter nos nouvelles orientations au réalisateur dès le début de la semaine, puis deux semaines pour tout écrire et enregistrer.

BALTHAZAR, GABRIEL, LUCIFER ER LES AUTRES…

Comment êtes vous parvenu à vous plonger en si peu de temps dans l’univers de CONSTANTINE ?
KB) Il faut dire avant tout que c’est un bon film. Il n’y avait rien à modifier dans l’aspect visuel ; tout était là. Il faut dire aussi que le réalisateur Françis Lawrence est un jeune homme étonnant. Il n’avait jamais dirigé de long métrage auparavant mais il a une expérience impressionnante en matière de mise en scène. J’ajoute enfin que le monteur Wayne Wahrman, qui est un de mes amis, est un véritable génie. Avec toutes ces personnes d’expérience aux commandes, cela ne pouvait donner que quelque chose de prenant et passionnant. Et il ne fut pas difficile, loin s’en faut, de s’immerger dedans. Le seul problème tenait au timing, mais j’étais tellement inspiré que les choses se sont faites naturellement.



Comment s’est passée votre rencontre avec Brian Tyler ?
KB) Sur ce film, il s’est passé quelque chose de vraiment unique dans l’histoire d’Hollywood. Cela arrive souvent qu’une musique soit rejetée, soit par la faute du réalisateur qui n’a pas su se faire comprendre, ou par celle du compositeur qui n’a pas compris ce qu’on attendait de lui. Ce qu’il y a d’unique ici, c’est que et le studio et le réalisateur, ont souhaité garder Brian Tyler. Tous étaient convaincus de la qualité de son travail, et il n’y avait pas de raison de s’en séparer. Pour autant, il est toujours difficile de voir débarquer un autre compositeur qui vient modifier votre travail. De ce point de vue là, Brian a fait preuve d’une attitude vraiment admirable, d’une grande ouverture et d’un véritable esprit de collaboration. Nous nous sommes rencontrés lors de ce fameux week-end et nous nous sommes tout de suite mis au travail.

Comment décririez vous personnellement l’univers musical de CONSTANTINE ?
KB) Constantine est un personnage complexe et original. Ce n’est pas le héros qui change le film. C’est plutôt l’un des êtres les plus désespérés de la terre. Certes il aide beaucoup de gens, mais pour lui, c’est simplement son boulot. Il extirpe un démon du corps d’une jeune fille comme vous, vous iriez au bureau. Pour moi c’est un peu comme un vieux film noir français avec un détective, vieux loup solitaire. C’est comme cela que j’ai conçu le thème principal : très français et très déprimé. Mais cela ne doit pas nous faire oublier l’humour qu’il y a dans ce film et qui apporte un peu de lumière à l’ensemble.



Cette opposition entre les ténèbres et la lumière semble s’exprimer musicalement à travers l’utilisation combinée de notes graves et sombres et de sonorités plus scintillantes comme notamment dans Cross Over.
KB) Nous avons beaucoup travaillé sur les questions de timbres et Cross Over est un bon exemple. Comme dans la plupart des films, le héros a son propre thème. Mais nous ne voulions pas l’exposer directement. C’est la raison pour laquelle nous avons utilisé un violoncelle distordu électroniquement, associé à un rythme joué sur ce même violoncelle. De cette façon le haut et le bas sont ainsi réunis dans un son qui n’est ni tout à fait organique, ni tout à fait électronique. C’est une sorte de Yin/Yang musical.

Une sorte d’hybride, un peu comme certains personnages du film : Mi anges-mi humains, ou mi démons-mi humains ?
KB) Exactement. C’est un peu comme associer le connu et l’inconnu. Vous connaissez une sonorité, mais vous y retrouvez en même temps quelque chose d’insaisissable et différent. En cela, CONSTANTINE n’est pas un film d’horreur. Si cela avait été le cas, je n’y aurais pas participé. Il y a certes des moments horrifiques, qui sont certainement les moments les plus amusants, mais notre travail s’est focalisé sur le drame et sur les personnages.

L’interprétation de ce thème est proprement envoûtante.
KB) Il faut dire tout d’abord que c’est le violoncelliste Martin Tillman, qui est également chambriste et compositeur, qui interprète ce thème de façon fantastique, jouant la mélodie et le rythme à la fois avec le dos de l’archet. Puis nous avons testé différents niveaux de distorsion, du parasite à l’impossibilité de reconnaître le violoncelle ressemblant pour le coup à une guitare électrique.

Pouvez vous nous parler de l’aspect percussions de votre partition ?
KB) A l’origine, il y en avait bien plus que dans la version finale du film. Mais la majeure partie de ce que vous pouvez entendre maintenant est joué par les violoncelles avec le dos de l’archet. Nous voulions des sonorités vraiment pures.



Certains passages impliquant les percussions semblent totalement incontrôlées. Y- t-il eu improvisation ?
KB) La structure de chaque pièce a été définie de façon très rigoureuse et toute la partition a été dirigée selon le système du click-track. Cependant, nous avons demandé aux violoncellistes de vraiment s’approprier certains passages pour les jouer à leur guise, ce qui donne ce caractère improvisé.

UN ANGE PASSE

Comment avez-vous utilisé les chœurs ?
KB) Après avoir vu le film pour la première fois, au début de ce week-end, je me suis mis à écrire un thème de six-sept notes tournant sur lui-même que j’ai utilisé notamment dans la scène de l’agonie du prêtre Hennessy, ami de Constantine, dans la superette. C’est le thème du mal, tournoyant sur lui-même dans un grand crescendo. Cela donne un aspect inexorable qui participe de manière forte à l’histoire. Pour le reste, nous avons utilisé les chœurs enregistrés originellement par Brian en les remontant.

La séquence de l’exorcisme de la jeune fille peut faire penser à l’EXORCISTE. Avez-vous utilisé de semblables références musicales ?
KB) Non au contraire, la façon dont Constantine se comporte lors de cet exorcisme est aux antipodes de ce genre de film. Notre approche musicale a été de fait totalement originale. Regardez comment il donne un coup de poing à la jeune fille : on a presque envie de rire.

C’est un peu comme au moment où la voiture déboule de nulle part et percute très violement le jeune mexicain qui détient la dague !
KB) Tout à fait ! C’est une scène tellement incroyable que j’ai plaidé pour qu’il n’y ait pas de musique du tout. C’est aussi un de mes moments favoris, mais tout en silence.

Pouvez vous nous dire quelle est votre scène préférée dans ce film, et comment vous l’avez mise en musique ?
KB) C’est le moment où John Constantine arrive à duper le Diable en lui faisant dire quel est son secret. C’est une scène surréaliste, marquée par la surenchère. Pour exprimer cela, la musique monte de plus en plus haut, jusqu’à devenir quasi angélique et atteindre un tel niveau que cela en est presque risible.


On ressent une nette différence entre les déferlements sonores présents dans l’album et la discrétion de la musique du film.
KB) Brian et moi avons pu décider chacun de ce que nous voulions mettre dans l’album et une grande partie de ce qui se trouve sur le cd relève plutôt de la partition originale que de la partie définitive. Ce fut une occasion unique de pouvoir présenter des pièces qui ne figurent pas dans le film mais qui, plus que toutes autres lui sont intimement liées. Si vous entendez de grandes plages sonores dans l’album, il y a de fortes chances pour que vous ne les retrouviez pas dans le film, car elles appartiennent à la première mouture de la partition.

Quel bilan tirez vous de cette étroite collaboration avec un seul compositeur, vous qui avez l’habitude de travailler avec les équipes de Mediaventures ?
KB) Il est vrai que je n’avais jamais travaillé dans ces conditions auparavant, mais collaborer ne me fait pas peur. Cela m’inspire et me permet de trouver de nouvelles idées. Dans l’urgence de ce film, je ne me suis pas trop posé de questions. Je m’y suis lancé à corps perdu.

Votre partition est un hybride entre symphonique et électronique. Souhaitez vous continuer dans cette voie ?
KB) Tout dépend du film. Mon dernier film (THE PROMISE), est une histoire épique qui n’avait pas besoin du secours de l’électronique. A l’inverse, des partitions comme THE RECRUIT étaient électroniques à 90%. Je ne veux pas me cantonner à une seule et unique option sonore.

Que retiendrez-vous de cette expérience ?
KB) Un défi que je suis fier d’avoir relevé, de nouveaux amis, et au final une partition qui valait la peine de passer Noël et le jour de l’An dans un studio !

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22 October 2006

LE CINQUIEME FANTASTIQUE : Entretien avec John Ottman


De nombreux aficionados de comics des éditions Marvel considèrent la série LES 4 FANTASTIQUES comme la quintessence du genre. L'histoire de cette "famille dysfonctionnelle" débute il y a 44 ans, sur une idée de l'éditeur Martin Goodman, aussitôt partagée par le scénariste de comics bien connu Stan Lee : "J'ai voulu faire de ces personnages des gens comme nous, partageant notre quotidien -à ceci près qu'ils disposent de superpouvoirs. Les Quatre Fantastiques sont la toute première famille de superhéros de l'histoire des comics. Ils vivent ensemble, ils travaillent ensemble, exactement comme une famille ordinaire. C'est cela qui les a rendus si populaires."
Après l'indéniable succès de la musique d'X-MEN 2, mêlant les archétypes du genre à une approche émotionnelle et humaine des personnages, qui d'autre mieux que John Ottman pouvait composer la musique d'un tel film?
C'est en Australie, sur le tournage de SUPERMAN RETURNS, sorti en juillet dernier, que nous avions retrouvé ce "fantastique" compositeur, monteur et réalisateur...
EXPERIMENTS
Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical ?
John Ottman) Je suis avant tout un autodidacte. Comme beaucoup d’enfants, j’ai commencé à faire de la musique au lycée, où je jouais de la clarinette. J’avais des goûts musicaux assez à part pour un enfant. Je n’écoutais que de la musique classique et de la musique de film, et j’allais au concert symphonique pour écouter mes morceaux favoris comme la SYMPHONIE N. 9 d’Anton Dvorak. C’est ainsi que j’ai tout appris de la façon de s’exprimer à travers l’orchestre. A cette époque, je n’avais aucune idée des groupes rock qui étaient dans le vent. Quand la technologie midi a fait son apparition, je me suis procuré pas mal de matériel comme un vieil orgue Hammond et différents modules de son, et j’ai commencé à séquencer au clavier, juste pour le plaisir. Après mon diplôme de cinéma, je me suis amusé à refaire les musiques des films de mes collègues étudiants, qui avaient souvent d’horribles bandes-sons, et très vite, cela s’est su et j’ai eu quelques contrats pour mettre en musique des vidéos de formation et autres. Ce hobbie s’est transformé en carrière tandis que je montais le premier film de Bryan Singer, PUBLIC ACCESS. Le compositeur a laissé tomber à la dernière minute et j’ai proposé à Bryan de l’aider. Au départ il ne m’a pas cru car il ne connaissait que mes petites vidéos de formation, mais je lui ai assuré que je pouvais écrire de la musique sombre. L’ironie du sort a voulu qu’à partir de là, on n’a fait appel à moi que, pratiquement, pour des films d’horreur ou en tout cas sombres. Mais c’est de là que cette fantastique aventure a commencé. J’ai été pris à mon propre jeu car, pour THE USUAL SUSPECTS, Bryan a absolument tenu à ce que je sois ET monteur ET compositeur. Le producteur a dû m’embaucher pour les deux postes. Ce fut une charge terrifiante pour moi car je n’avais jamais fait de musique de film pour grand orchestre et je n’avais pas monté depuis plus d’un an ! Mais, comme vous le savez, tout s’est bien passé, finalement.


Votre nom est depuis longtemps lié à celui de Bryan Singer. A USC, comment s’est passée votre rencontre avec le réalisateur de X-MEN 2, et prochainement de SUPERMAN RETURNS, de l’ÂGE DE CRISTAL et de X-MEN 3 ?
JO) Je l’ai rencontré sur le plateau de tournage d’un de mes collègues étudiants. Bryan était assistant de production (« p.a.). Il était sur ce film depuis le tout premier jour et l’équipe avait fini par l’appeler « super p.a. » tant il s’était impliqué dans tous les aspects du film. Le réalisateur n’aimait pas la façon dont son film avait été monté et il m’a demandé de le ré éditer. Bryan était avec moi pendant tout le processus. Je suis parvenu à tout remonter et à raconter une toute autre histoire. Ce fut une telle réussite que le film a reçu l’Oscar des films d’étudiant. C’est ainsi que Bryan, avec qui je m’étais lié d’amitié, m’a dit que s’il avait un jour l’occasion de faire un film, c’est à moi qu’il ferait appel pour le montage ! Je lui ai répondu que je ne souhaitais pas faire carrière dans cette branche, mais comme dans le cinéma, on ne sait jamais de quoi demain sera fait, j’ai pris ce qui se présentait à moi. Vous connaissez la suite… Plutôt inhabituel comme parcours : passer du montage à la composition !…

Comment expliquez-vous le succès de votre collaboration avec Bryan Singer ?
JO) Après avoir travaillé un certain temps avec quelqu’un, vous gagnez en confiance. C’est très important car cela vous permet de vous éloigner des sentiers battus, d’acquérir de l’autonomie. Cette confiance me permet d’être plus créatif, d’expérimenter des choses différentes. Bryan me laisse aussi carte blanche quand j’estime dès le début du tournage qu’une scène doit être coupée. Je sais très tôt si une scène ne va pas marcher dans le montage final. Autant la couper dès le début. L’avantage de travailler avec Bryan, c’est qu’il a acquis un certain poids dans le métier. Ce qui fait que c’est lui mon principal interlocuteur. Avec lui, il y a moins d’interférences de la part des producteurs qui ont toujours des idées différentes. Il me laisse faire ce que j’ai envie de faire, et c’est très appréciable.



Que vous apporte votre expérience de réalisateur lorsque vous mettez en musique le film d’un confrère ?
JO) Il y a parfois de l’incompréhension entre réalisateurs et compositeurs car ils ne parlent pas la même langue. L’un parle film, l’autre parle musique. Pour ma part, j’essaie de m’adresser aux réalisateurs en termes cinématographiques. Je ne leur parle pas d’harmonie ou de mélodie ; je leur parle d’émotion, d’énergie pour telle ou telle scène. Je me sens comme l’un d’entre eux. Je dirais que je suis un compositeur avec une sensibilité cinématographique… Cette double casquette me permet aussi d’avoir beaucoup de sympathie pour les réalisateurs. Je comprends leurs problèmes, leurs pressions, combien tout cela peut être suffocant de gérer absolument tous les aspects d’un film. Et notamment la musique. C’est souvent un moment difficile pour les cinéstes. La musique peut tout aussi bien sauver ou détruire un film. C’est un moment crucial de la production, et très délicat pour le réalisateur de trouver quelqu’un avec qui il va pouvoir s’entendre pour faire la musique de son film.



Votre carrière est dominée par les films sombres.
JO) C’est bien vrai ! Comme je vous l’ai dit, on se fait rapidement enfermer dans le genre de ses débuts. J’aime bien les films sombres, mais j’aime aussi quand m’arrivent d’autres projets, plus délirants comme ARAC-ATTACK ou qui sortent tout simplement de l’ordinaire comme PUMPKIN ou GOODBYE, LOVER de Roland Joffé. A travers ces films, j’ai pu me prouver à moi-même que j’étais capable de faire autre chose, et j’y ai pris beaucoup de plaisir.

Pour autant, les films d’horreurs ne sont-ils pas un lieu privilégié pour l’expérimentation, y compris musicale ?
JO) Tout-à-fait. On dispose de plus de latitude du point de vue créatif, à travers notamment l’utilisation de sonorités étranges, tant électroniques qu’orchestrales. Mais cela n’empêche pas qu’on peut être très créatif dans une comédie !


Comment avez-vous évolué depuis vos débuts dans les films d’horreurs jusqu’à votre tout dernier, LA MAISON DE CIRE ?
JO) Fallait-il que vous mentionniez ce film ?! Parfois, vous savez, on se lance dans un projet uniquement pour conserver certaines relations… Plus sérieusement, je dirais que grâce à ce parcours, j’ai pu me forger un style qui m’est propre, un son, une signature. Les gens commencent à me reconnaître. En écoutant ma musique, maintenant, on peut se dire « ceci est une partition de John Ottman ». Prenez les musiques de John Barry ou de John Williams. Ils ont été très prolifiques et ont abordé tant de styles différents, mais on peut toujours les reconnaître. Après les doutes et les angoisses de mes débuts, j’ai pu prendre confiance en moi pour vraiment m’exprimer personnellement et me sentir bien dans ma peau de musicien. Cela me permet d’avoir ma place dans le métier.

Et comment analyseriez-vous votre style ?
JO) Quelle question ! Je pense que ma musique est profondément romantique, non pas dans le sens amoureux, mais dans le sens où j’aime écrire dans la tradition des musiques de films des années 70-début des années 80, mis au goût du jour. Je suis très attaché à une approche thématique des personnages. Pour moi, les meilleures b.o. sont des partitions que l’on peut détacher du film, et écouter pour elles-mêmes en les laisser raconter l’histoire à leur façon. Beaucoup de b.o. d’aujourd’hui se résument à des sons atmosphériques. Cela peut bien fonctionner dans un film, mais elles ne peuvent durer dans votre tête et dans votre cœur. Mais c’est là tout le challenge du compositeur : raconter une histoire en musique. C’est difficile, mais cela le vaut bien. En tout cas, quand le montage final ne saucissonne pas ce que vous avez fait pour le mettre sans dessus dessous !…comme ce fut le cas pour LES 4 FANTASTIQUES. J’ai fini la musique quelques semaines avant qu’ils ne remontent le film, ce qui fait que je n’ai pas pu voir la version finale car j’ai dû partir pour l’Australie sur le tournage de SUPERMAN RETURNS. Ce que je regrette énormément car j’aurais vraiment aimé participer à cela, tant pour des raisons artistiques qu’humaines. J’aurais aussi été plus rassuré que la narration musique était respectée. Je me souviens de ce que disait Jerry Goldsmith : « quand on a abaissé la baguette de chef d’orchestre, mieux vaut ne pas se préoccuper de ce qu’ils vont faire de votre musique : ça vous tuerait sur place ! » Prenez ALIEN. On aurait pu penser que la musique de Jerry Goldsmith était formidable, mais le fait est que James Cameron ne l’aimait pas et qu’il a utilisé par endroits des extraits de FREUD, un film de Jerry des années 60 ! Ce dernier en a été littéralement horrifié : cela n’avait plus rien à voir.

Peut-on être aussi créatif dans un film de superhéros que dans un film d’horreur ?
JO) Je pense qu’on se doit d’essayer, mais qu’en général ce n’est pas possible. Les films de superhéros est un genre très codifié, avec des pré-requis très précis. Par exemple, les créateurs des 4 FANTASTIQUES tenaient absolument à avoir une fanfare typique du genre pour leur thème principal, avec l’approche leitmotivique classique des personnages. Devant ces contraintes, je me suis posé la question de savoir comment je pourrais écrire une musique qui ne donnerait pas l’impression d’avoir déjà été entendue. John Williams a fixé des standarts tellement forts que la tâche paraît presque impossible.



X-MEN 2 (et 3), LES 4 FANTASTIQUES, SUPERMAN RETURNS, L’ÂGE DE CRISTAL : après tant de films d’horreur, est-ce un tournant délibéré dans votre carrière ?
JO) Non, c’est quelque chose qui s’est passé comme ça, sans intention délibérée de ma part. Mais je ne m’en plains pas, bien au contraire : c’est agréable d’avoir un budget confortable pour pouvoir faire appel à un grand orchestre symphonique !

FANTASTIC PROPOSAL

Comment êtes-vous arrivé sur le projet des 4 FANTASTIQUES ?
JO) Je connaissais des gens à la Fox, et notamment Ralph Winter, qui avaient produit X-MEN 2 et qui s’apprêtaient à produire LES 4 FANTASTIQUES. Je l’ai donc appelé pour lui dire que j’étais intéressé. C’était moins sombre qu’X-MEN 2, ce qui veut dire que c’était le genre de film de superhéros sur lequel je pourrais vraissemblablement m’amuser ! J’ai aussi appelé le directeur musical de la Fox et d’autres dirigeants du studio. J’ai passé pas mal de coup de fil ! J’ai aussi appelé le réalisateur, Tim Story, pour obtenir un rendez-vous avec lui. Je voulais montrer à tous ces gens qu’ils avaient sous la main quelqu’un de très motivé et qui, par chance, avait déjà fait ses preuves sur un précédent film produit par le même studio !… Je dois dire que, tout comme pour X-MEN 2, je connaissais à peine ces personnages avant de faire le film. Je crois n’avoir jamais lu de comic book de ma vie et mes principales informations me viennent d’internet. Mais quand le réalisateur m’a parlé de son désir d’une grande partition dans le style des AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE et autres films de capes et d’épées, j’ai été très intéressé. C’était léger et virtuose à la fois, et c’est sur cette base que j’ai créé le thème principal du film : sérieux, mais pas sombre, à mi-chemin entre la comédie et l’action.

Vous avez choisi de mettre un extrait des PLANETES de Gustav Holst comme musique de la bande annonce de X-MEN 2. Si vous aviez eu à faire de même sur les 4 FANTASTIQUES qu’auriez vous choisi ?
JO) En tout cas, quelque chose de meilleur que ce qu’ils ont mis !…


Quelle est la structure thématique de votre partition?
JO) Le thème principal est héroïque bien sur, mais avec une bonne dose d’humanité car tous ces personnages sont reliés entre eux par un même destin et une même souffrance depuis qu’ils ont été irradiés. Ce thème se rapporte vraiment à ces quatre personnages. En outre, j’ai choisi de créer un thème spécifique pour Ben Grimm, La Chose, dans le style « Americana », avec trompette solo, qui rend compte de sa vie en tant qu’astronaute. C’est celui qui a le plus de regrets, car lui ne peut pas retrouver apparence humaine. J’ai beaucoup travaillé sur ses émotions et notament sur la tristesse que dégage ce personnage. Le thème du Dr. Fatalis est une version en mineur du thème principal car il est toujours connecté aux quatre héros, mais est passé en quelque sorte du coté obscur. J’ai voulu lui donner un coté gothique par l’utilisation d’accords massifs chantés par un chœur masculin, un peu à la manière du thème de l’empereur dans LE RETOUT DU JEDI.

En tant que superhéros classiques, les 4 Fantastiques, en marge de leurs exploits, vivent une vie comme tout un chacun. Comment avez-vous exprimé ces deux aspects de leur existance ?
JO) La séparation s’est faite naturellement dans la mesure où la vie humaine des 4 Fantastiques est rythmée par des chansons. La musique intervient principalement dans les scènes d’action.

A l’écoute de vos partitions, on relève chez vous un certain goût pour l’atonalité. Comment cela s’exprime-t-il dans les QUATRE FANTASTIQUES ?
JO) J’ai toujours de la place pour l’atonalité. J’aime à penser que le thème principal possède une touche d’atonalité. Mais plus largement, les moments étranges ou inquiétants sont le lieu privilégié de l’expérimentation orchestrale, notament par ce biais-là.

Pouvez-vous nous parler de l’utilisation des voix ?
JO) On écrit une musique qui semble géniale, puis on lui ajoute des chœurs et là, on atteint un niveau qu’on n’aurait jamais envisagé, en particulier quand il s’agit d’un véritable choeur. Prenez le meilleur moment musical de LA MAISON DE CIRE et n’importe quel moment des 4 FANTASTIQUES : il n’y a pas de comparaison. Dans un cas, les voix sont synthétiques pour des raisons budgétaires ; dans l’autre c’est un véritable chœur et cela vous donne la chair de poule. Le fait qu’il s’agisse d’un film de superhéros dotés de pouvoirs comme venus d’un autre monde m’a donné beaucoup de licence quant à l’utilisation du chœur. J’adore utiliser les voix. Elles apportent une couleur unique aux moments les plus sombres. Pour les 4 FANTASTIQUES, j’ai fait appel à un chœur mixte car j’avais besoin par moments d’un registre médium voir aigu, mais la plupart du temps je me suis concentré sur le registre grave à travers les voix d’homme. Lors de l’enregistrement, le l’ensemble vocal comptait une quarantaine de chanteurs.



Quel est votre moment préféré du film ?
JO) Difficile de vous répondre car ma scène préférée n’aura pas forcément la musique que j’ai prévue pour elle au vu du montage final. Le fait est que ma séquence favorite n’existe plus dans le film. Il s’agit du générique d’ouverture original. C’était un passage entièrement animé d’environ trois minutes. Seulement, une semaine avant le montage final, ils l’ont coupée car l’animation n’était pas concluante. Aujourd’hui, le générique se résume à une dizaine de secondes et le monteur musique a pris un extrait d’un autre morceau pour le coller là. C’est très frustrant, car c’est un plaisir pour un compositeur d’avoir un bon gros générique d’ouverture. Sinon, j’adore les moments où la Torche Humaine vole au-dessus de la ville sur fond de fanfare en triolets. L’union de l’image et de la musique fonctionne magnifiquement ici car c’est vraiment ce personnage qui m’a inspiré l’aspect « fanfare » du thème principal. Dès la lecture du scénario, mon imagination s’est « enflammée » et j’ai été transporté de voir que cette scène avait été filmée exactement de la manière dont je l’avais espéré.

SUPERHEROES


Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec votre orchestrateur et chef d’orchestre, Damon Introbartolo ?
JO) C’est avant tout mon meilleur ami et quelqu’un dont l’avis compte beaucoup pour moi. Il rend les choses tellements agréables. Il est rare d’avoir un collaborateur avec qui on est vraiment à l’aise et qui sait vous dire quand vous écrivez quelque chose de génial ou de la daube. Quand je lui envoie mes partitions, c’est toujours sous une forme assez complète grâce à mon logiciel de maquettes. De cette façon, le producteur et le réalisateur savent dès le départ comment cela va sonner. Le rôle de Damon est alors de tout améliorer, mais surtout d’organiser le tout rythmiquement car je déteste avoir à m’occuper des changements de mesure ! Et quand il passe de l’orchestration à la direction d’orchestre, Damon connaît tellement bien la partition et mes habitudes qu’un coup d’œil suffit pour se comprendre et modifier une intension. C’est grâce à cela que nous pouvons enregistrer des musiques en un temps record.


Comment décririez-vous l’orchestration des 4 FANTASTIQUES ?
JO) Traditionnelle mais détaillée. Il y a très peu de synthétiseur, environ 2% de la partition. Je préfère de beaucoup écrire pour l’orchestre. De plus, on perd tellement de temps à préparer les parties de synthétiseur, et la plupart du temps, elle ne tombe pas juste avec l’interprétation de l’orchestre. Au final, il faut que vous jouiez vous-même. Finalement, c’est tellement plus simple de composer quelque chose qui sera joué immédiatement devant vous par des musiciens de talent. On a beaucoup moins à s’inquiéter de problèmes techniques.

La tendance générale en musique de film semble d’ailleurs être à un retour à l’acoustique.
JO) Je trouve cela très encourageant. Si l’orchestre peut faire quelque chose, à quoi bon le remplacer par de l’électronique ? Le plus irritant, c’est lorsqu’on se contente de poser un doigt sur un loop de batterie, de rajouter des textures synthétiques sur un lit orchestral. Pour moi, ce n’est pas de la musique. Ceci dit, je pense que les synthétiseurs ont une place tout à fait légitime au sein de l’orchestre, à la condition qu’ils ne viennent pas se substituer à lui ou le diriger. Ils sont là pour un plus créatif, pour ajouter de nouvelles couleurs.

Avez-vous travaillé avec la monteuse musique des 4 FANTASTIQUES ?
JO) Absolument. Nous avons travaillé en étroite collaboration. Cela m’a beaucoup aidé d’être moi-même un monteur car cela m’a permis d’anticiper quelles scènes pourraient être changées. A partir de ces images, j’ai pu écrire des musiques faciles à monter. J’ai pu même écrire certaines musiques avant le tournage. Je me suis basé sur le scénario et j’ai écrit à l’avance des musiques qu’elle pourrait monter ensuite. L’une de ces scènes est celle dans laquelle Dr. Fatalis se rend dans un entrepot pour y trouver un pistolet. Je ne connais pas le résultat final, mais elle m’a assuré que cela fonctionnerait bien.

Comment se passe votre travail sur SUPERMAN RETURNS ?
JO) Nous en sommes à peu près à la moitié du tournage. Nous essayons autant que possible de respecter les délais. De mon côté, je m’occupe du montage préliminaire. C’est un énorme travail avec beaucoup d’écrans bleus, d’ordinateur, de grandes scènes demandant des semaines de préparation.

C’est un film très attendu.
JO) Je le sais. Tout comme je sais que beaucoup souhaitent que j’utilise une partie de la musique de John Williams. Je ne voudrais décevoir personne. Je me dis que ce serait stupide de ne pas utiliser son fameux thème. C’est un dilemme pour moi car j’adorerais écrire quelque chose de totalement original et faire en sorte que le film évolue vers une nouvelle génération. SUPERMAN RETURNS n’est pas un souvenir du passé, mais plutôt une façon d’aller de l’avant avec ce personnage. Mais dans le même temps, ce thème galvanise tellement les gens…Ma décision n’est pas encore prise définitivement. Les choses peuvent encore évoluer, et tout doit être fait dans l’intérêt de ce film. Tout ce que je peux dire c’est que ce thème sera présent d’une façon ou d’une autre.

En guise de conclusion, si vous aviez la possibilité d’acquérir un superpouvoir, lequel serait-il ?
JO) Ce serait l’invisbilité.

Pourquoi ?
JO) C’est personnel…

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13 October 2006

MISSION IMPOSSIBLE 3 - Entretien avec Michael GIACCHINO

« Bonjour Monsieur Giacchino.
Lalo Schiffrin, Robert Drasnin, Jerry Fielding, Gerald Fried, Benny Golson, Richard Markowitz, Neil Argo, John E. Davis, Ron Jones, Danny Elfman, Hans Zimmer : autant de compositeurs de renom qui ont marqué la saga MISSION : IMPOSSIBLE.
Vous venez d’accomplir brillamment votre première mission : reprendre le flambeau de cet impressionnant héritage et aller plus loin encore en composant une musique d’exception pour MISSION : IMPOSSIBLE 3.
Pour vous superviser sur cette mission, vous avez retrouvé votre complice J.J. Abrams, qui a créé avec vous les séries ALIAS et LOST et qui réalise aujourd’hui ce troisième opus cinématographique.
Votre nouvelle mission, si vous l’acceptez, sera de révéler tous les secrets de votre musique aux lecteurs d'Inter-activities : les origines du projet, les détails de la partition et de sa production, les liens avec vos autres musiques, et en particulier avec LOST, dont un cd des plus grands moments de la première saison vient justement de sortir.
Comme toujours, si vous accomplissez cette mission avec brio, le comité de rédaction d'Inter-activities se fera un plaisir de publier ces informations au grand jour.
Attention : ce document ne s’autodétruira pas dans cinq secondes. C’est l’intro de l’article de Christine & Jérémie. Ce serait trop bête de la supprimer !… »




MISSION : IMPOSSIBLE – 40 ANS APRES…

Le 17 septembre 1966 débutait sur CBS une série d’anthologie à nulle autre pareille, dotée d’intrigues sophistiquées, mettant à l’épreuve les nerfs du public et surtout ses facultés intellectuelles. Une série inédite dans laquelle les héros piègent avec une habileté machiavélique une stupéfiante brochette de « méchants » dans des joutes à rebondissements si serrées que la moindre seconde d’inattention plonge le téléspectateur dans une perplexité infinie.
Dès le pilote, la série s’annonce comme particulièrement originale et difficile. Du point de vue de l’écriture, d’abord : il faudra inventer pour chaque épisode une nouvelle intrigue, de nouvelles arnaques, tout en respectant scrupuleusement les canons très stricts définis par Bruce Geller, créateur de la série. Du point de vue de la préparation, ensuite : les gadgets, pour la plupart inédits, exigent une longue mise au point car ils doivent être parfaitement crédibles, fonctionnels et maniables en temps réel. Du point de vue des maquillages, aussi, qui prennent un temps considérable. Du point de vue du tournage, enfin: les épisodes, très découpés, contiennent deux fois plus de plans qu’une série ordinaire et abondent en inserts et effets spéciaux nécessitant l’intervention de deux équipes additionnelles.
Mais peu importe. Malgré des débuts aux résultats peu encourageants, la tenacité de son créateur et de William Paley, président de CBS, se soldent par six nominations et quatre victoires aux Emmy Awards de mars 1967.
Le mythe était lancé et pour pas moins de sept saisons sans la moindre baisse de régime. Largement diffusée en « syndication », et périodiquement reprise, la série a su conquérir le monde entier. Ses formules rituelles, son thème musical signé Lalo Schiffrin, tout cela participe désormais de notre culture, et l’on ne compte plus les parodies, les emprunts et les détournements qu’elle a inspirés.
En 1988, 171 épisodes plus tard, naissait la seconde mouture de la série, MISSION : IMPOSSIBLE – VINGT ANS APRES sur le réseau ABC, avant de donner lieu, trente ans exactement après la création de l’IMF (Impossible Mission Force) au premier opus d’une trilogie cinématographique à venir.


Nouveau succès. Le film ne se contente pas de donner un nouvel habillage, plus dynamique, plus actuel, à la série, de l’enrichir d’effets spéciaux, de cascades, de moyens et de décors spectaculaires. Il fait naître une nouvelle équipe, et pour la première fois, inscrit le drame en son sein, en inventant de nouveaux rapports personnels, des tensions, des amours, des morts, des doutes, … Un tournant qui s’affirmera autour de la personnalité toujours plus développée d’Ethan Hunt/Tom Cruise, comme ce sera le cas sur le deuxième volet cinématographique signé John Woo.
Le passage du petit au grand écran permet aussi l’ouverture vers un nouvel univers musical, marqué par l’arrivée de Danny Elfman, toujours aussi à l’aise dans le mélange de la pop et du symphonique, et de Hans Zimmer, plus sensuel que jamais avec la guitare d’or et de feu d’Heitor Pereira…
Aujourd’hui, avec J.J. Abrams et Michael Giacchino, c’est un pas de plus qui est franchi. A leur image, c’est par un retour aux sources que nous commençons notre aventure. Pour mieux créer l’avenir…


« A QUI SAIT BIEN AIMER, IL N’EST RIEN D’IMPOSSIBLE »



Difficile de ne pas songer à Ethan Hunt et à ses amours menacées dans MISSION : IMPOSSIBLE 3 à la lecture de ces mots tirés du Médée de Pierre Corneille.
Difficile, aussi, ne pas être impressionné par le chemin parcouru par la série depuis sa création.
Qui aurait pensé qu’un Tom Cruise pourrait à ce point ébranler les schémas établis depuis tant d’années pour nous emporter cette fois dans une aventure la plus explosive qui soit, mais aussi la plus intime, touchant à ce qu’Ethan Hunt, voyageur sans port d’attache, a pourtant de plus cher : son amour ? Et pourtant, c’est à ce spectacle sans précédent que nous invite ce troisième volet de la saga, plus « impossible » que jamais !
Dilemme, action, sentiments extrêmes, nous sommes bien dans le domaine de prédilection de Michael Giacchino, toujours au sommet de sa forme !




Comment avez-vous reçu votre ordre de mission pour la composition de la musique du film?
Michael GIACCHINO) J.J. Abrams et moi sommes complices depuis quelques années maintenant, depuis ALIAS et LOST. Nous aimons travailler ensemble et nous sommes de bons amis. C'est donc tout naturellement qu'il a fait appel à moi, d'autant plus que le genre se situait dans la continuité de nos précédentes collaborations, si ce n'est à un niveau plus élevé.

Comment avez-vous réagi à sa demande?
MG) J'étais vraiment très heureux. Je dois dire que je suis un grand fan de la série originale. De plus, j'adore les défis, et me retrouver dans la lignée des remarquables partitions de mes prédécesseurs, Danny Elfman et Hans Zimmer sur les deux longs-métrages en était un de taille! Mais le plus important pour moi, c'est simplement le plaisir de travailler avec J.J. C'est formidable d'être ainsi le spectateur privilégié de son évolution, le passage de son savoir-faire de la télévision au grand écran. J'estime que ma plus grande chance, c'est de pouvoir travailler avec les deux meilleurs raconteurs d'histoires de notre époque, J.J. et Brad Bird. C'est le genre de personne dont on n'attend qu'une chose, c'est de voir ce qu'ils vont inventer d'encore plus fou à chaque fois.



Avec J.J. Abrams, vous vous êtes en effet retrouvés l'un et l'autre en terrain connu.
MG) En effet, et ce dès la musique temporaire. Nous avons pioché largement dans mes œuvres : ALIAS, LOST, CALL OF DUTY, etc. Le but de cette musique temporaire était dès le départ d'utiliser le maximum de choses de moi. Ce fut d'ailleurs un gros avantage car, pour écrire ma musique, je n'avais pas à essayer d'être quelqu'un d'autre. Je pense vraiment que cela aide à donner un cachet unique à une musique de film, au lieu de vouloir imiter la musique d'un confrère choisie pour la partition temporaire. C'est ce qu'il y a de génial de travailler avec J.J. : il m'a donné carte blanche pour faire tout ce que je pouvais estimer être bon pour le film. Il m'a donné une liberté rare dans ce métier. Et c'est comme cela qu'il travaille avec l'ensemble de son équipe. Il fait confiance aux gens et leur permet tout simplement de faire leur métier comme ils savent le faire et ainsi d'exercer leur talent et leur créativité dans les meilleures conditions sans avoir les mains liées comme c'est le cas parfois.



Peu de temps après la semaine d'enregistrement de la partition du film, nous vous retrouvons de nouveau en studio pour enregistrer deux nouveaux morceaux. Vous travaillez à un rythme d'enfer!
MG) Pour ce film, tout, de la musique aux effets spéciaux, en passant par le montage, a été fait en même temps, en raison d'un timing extrêmement serré. La conséquence de ce mode de travail, c'est qu'il y a souvent des changements de dernière minute, des choses à refaire au dernier moment. Mais cela fait partie du jeu et je n'ai aucun problème avec cela. Je sais que J.J. et son équipe travaillent ainsi d'arrache pied pour que tout soit parfait à temps, et c'est la même chose pour nous, du côté de la musique. Par moments, c'est vraiment de la folie, mais je reste cool!


L'un des passages obligés de la saga consiste à arranger le fameux thème de Lalo Schiffrin. Comment l'avez-vous abordé?
MG) Par un déjeuner avec le compositeur! Ce fut un grand moment pour moi. C'est quelqu'un de formidable qui, pour tout conseil m'a simplement dit de faire ce que j'avais envie de faire avec son thème! C'est vraiment un musicien très ouvert et très intéressant. J'ajoute que, pour MISSION IMPOSSIBLE 3, je n'ai pas seulement utilisé le thème principal, mais également un autre thème de la série, The Plot. Ce fut une occasion passionnante de renouer avec cet héritage et de l'associer à un nouveau matériel. Je pense notamment à mes thèmes originaux, qui, je l'espère, sonneront suffisamment bien à côté des siens.



Cette association d'ancien et de moderne avait déjà fait sensation dans LES INDESTRUCTIBLES.
MG) Et tout comme pour le film de Brad Bird, la partition de MISSION IMPOSSIBLE 3 est totalement orchestrale. On n'y trouve ni électronique, ni loops d'aucune sorte. Tout est live. Cependant, il ne s'est pas agi de refaire la musique de la série originale. Même s'il y a des clins d'œil ici et là à Lalo, ma partition est très différente.



En effet, et cela se ressent dès votre arrangement du thème de Lalo Schiffrin, très différent de ce qu'ont fait vos confrères.
MG) J'ai eu beaucoup de plaisir à le faire car le film est beaucoup plus sombre que ses prédécesseurs. Il s'agit d'une histoire très grave, une confrontation entre deux individus. De ce fait, il ne s'agit pas de développer des gadgets incroyables ou d'aller désamorcer une bombe nucléaire… C'est une histoire humaine, ce qui est très rafraîchissant. Avec ce film, les personnages redeviennent le principal ressort du film. Le thème original est plutôt triomphant, toutefois, de notre côté, nous avons pris le parti de le rendre plus sombre. C'est toujours un bon gros film d'action, mais nous avons voulu souligner le fait qu'il renferme en même temps des éléments plus sérieux. Le challenge, c'était de faire coïncider les thèmes originaux et mes idées, le tout en tenant compte des besoins spécifiques du film.

En donnant des couleurs pop à leur arrangement, Danny Elfman et Hans Zimmer ont relativement atténué ce qui faisait tout le côté avant-gardiste de ce thème à l'époque, à savoir sa mesure irrégulière à 5/4.
MG) N'ayez pas d'inquiétude : la mesure à 5/4 est bien présente ici! D'ailleurs, cet aspect contamine l'ensemble de la partition, remplie de mesures très différentes: 5/4, 9/8 ou encore 5/8. J'ai tenu à ce que cette dimension originale soit bien là et bien identifiable.



Ce générique original avait quelque chose de très avant-gardiste, de très expérimental. C'est aussi le sentiment que l'on a à l'écoute de votre musique pour LOST, notamment.
Pour moi, la musique de MISSION IMPOSSIBLE 3 est un peu au croisement de celles d'ALIAS et de LOST, mais sur une plus grande échelle. Ne serait-ce que par la taille de l'orchestre, de 112 musiciens!

Qu'entendez-vous par croisement?
MG) On retrouve dans MISSION IMPOSSIBLE 3 le traitement très rythmique des cordes et des cuivres d'ALIAS. De l'autre côté, l'approche musicale de LOST est beaucoup plus expérimentale, et l'on retrouve également cet aspect dans ma partition. Ce fut d'ailleurs très intéressant d'essayer de marier ces deux approches dans un seul morceau, l'énergie rythmique et le côté expérimental.



Le passage du premier film au deuxième, davantage focalisé sur d'Ethan Hunt, a permis à Tom Cruise de considérablement développer et approfondir son personnage. Et l'on s'aperçoit que c'est encore davantage le cas sur ce troisième opus.
MG) En effet, la personnalité d'Ethan Hunt est ici considérablement enrichie. A ce propos, je voudrais dire que la partition de MISSION IMPOSSIBLE 3 ne comporte que très peu de musique triomphante. La raison en est que les enjeux de l'intrigue sont très élevés et que, par conséquent, il n'y a pas une minute à perdre, pas le temps d'être triomphant. La musique d'Ethan est plutôt nerveuse, agressive. Elle le pousse sans cesse, car le film est comme une bombe à retardement géante.


Absence d'héroïsme ne veut pas dire pour autant absence de cuivres.
MG) Oh non, pas de souci de ce côté-là, mais le fait est que le traitement est moins classique, plus agressif que véritablement bombastique.

Le thème d'Ethan se double d'un magnifique Love Theme, qui lève le voile sur une dimension méconnue de votre art.
MG) Le travail sur le personnage d'Ethan m'a en effet conduit à écrire un grand thème d'amour pour lui et sa fiancée. Cela a permis un contraste intéressant avec l'univers très "film d'action" de la saga. C'est une musique très orchestrale, principalement axée sur l'ensemble des cordes, avec un piano discret. C'est l'un des morceaux que je préfère dans cette partition. Cette histoire d'amour apporte un équilibre bienvenu dans ce film très agité! J'ai beaucoup apprécié que le film fasse une place à cet aspect, chose rare dans le genre.



Cependant, notamment à travers le retour de Luther, on garde bien la notion d'équipe propre à l'identité de la saga originale.
MG) Exactement. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à ce qu'il y ait un thème propre à l'IMF. Même si ce nouveau film se concentre sur un aspect de la vie d'Ethan Hunt que l'on n'avait encore jamais vu, il ne faut pas oublier que l'autre aspect fondamental de ce film se rapporte à cette équipe et à l'esprit qui l'anime. Par conséquent, à chaque fois que c'était possible, à chaque fois que cela donnait du sens au film, j'ai voulu que mon thème souligne le lien unissant tous les membres de cette équipe, car c'est ce lien qui leur permet d'arriver à leurs fins. Encore une fois, c'est cet aspect humain qui m'a le plus intéressé dans ce film. Cela n'enlève rien au fait que MISSION IMPOSSIBLE 3 renferme certainement les scènes d'action les plus incroyables jamais réalisées, avec une musique idoine, mais vous me connaissez maintenant, et savez ce qui m'intéresse le plus dans les histoires que je mets en musique.


Les percussions sont toujours très présentes dans vos partitions, et plus spécifiquement le bongo, ici.
MG) Nous avions pas moins de huit percussionnistes sur cette musique. Il y avait évidemment la batterie, mais également les tambours taiko, pas mal de métallophones ainsi que toutes sortes d'instruments exotiques, notamment des bâtons de bambou. Mais surtout, comme vous le soulignez, j'ai beaucoup utilisé le bongo. On le retrouve aussi bien dans les scènes d'action que dans les scènes calmes. Il permet de conserver une certaine attention et une certaine tension d'un bout à l'autre de l'histoire, et même d'augmenter cette tension dans les scènes les plus intenses et les plus agitées. Au lieu d'avoir des samples technos, je préfère de beaucoup des percussions plus organiques. C'est en tout cas ainsi que je ressens les choses.

C'est une sorte de signature sonore…
MG) En effet, c'est une sorte de signature pour le film, mais plus généralement pour le genre. Le bongo apparaît toujours plus ou moins dans les films d'espions, et MISSION IMPOSSIBLE 3 est vraiment un film de genre et je ne voulais pas perdre cet aspect. De ce fait, même si nous avons voulu renouveler le genre, nous n'avons pas souhaité pour autant supprimer ce type d'éléments forts qui font sa personnalité. Il ne fallait pas se couper du passé, mais bien plutôt lier le passé au futur.

Au-delà du traitement des personnages principaux, votre partition est remarquablement dense et structurée du point de vue thématique.
MG) J'essaie au maximum de faire en sorte que chaque section du film, et donc chaque morceau, ait son propre motif, développé de façon spécifique à l'intérieur de cet espace. De cette façon, il est possible de véritablement ancrer la musique dans le film et de faire en sorte que chaque section soit nettement différenciée, identifiée du point de vue musical. A terme, je voudrais qu'à l'écoute de chaque morceau on puisse se souvenir exactement ce qui se passe à l'écran. Quand j'écoute la musique de STAR WARS, je me souviens par exemple que tel motif est utilisé pour l'attaque l'Etoile de la Mort et pour certaines raisons, on ne travaille plus comme cela aujourd'hui. La musique des films d'action est devenue plus générique. Or je pense que ce n'est aucunement une obligation. On peut tout aussi bien être thématique dans une musique d'action. C'est cet aspect qui me manque beaucoup dans les musiques d'actions actuelles et avec lequel j'ai voulu renouer ici.



Tout comme la CIA dans ALIAS, l'IMF envoie ses agents aux quatre coins du monde, et c'est notamment au compositeur de la musique de nous plonger dans ces univers exotiques.
MG) Ce fut également le cas sur MISSION IMPOSSIBLE 3, mais pas énormément car j'ai estimé que le temps passé à expliciter musicalement la situation exotique d'une séquence pourrait distraire de ce qu'il y a de plus important : l'histoire. Certes, certaines percussions aident à situer certaines scènes géographiquement, mais je n'en ai pas fait une priorité.

Nous avons été frappés par la quasi absence de chansons dans ce film.
MG) C'est exact. Il peut y avoir quelque chose dans le générique de fin ou encore en toile de fond dans la scène de la fête au début du film, mais c'est tout. Tout le reste n'est que musique, et je trouve que c'est vraiment bien!


Merci à Jérémie NOYER.

WALLACE & GROMIT : DEUX BONNES PATES… A MODELER - Entretien avec le compositeur Julian Nott




Il y a seize ans, un inventeur excentrique, friand de crackers et de cheddar, nommé Wallace, et son fidèle compagnon canin, Gromit, faisaient leurs débuts à l’écran dans le court-métrage UNE GRANDE EXCURSION (A GRAND DAY OUT). Cette comédie dans laquelle Wallace et Gromit s’envolaient vers la Lune en quête d’une inépuisable réserve de fromage était la première création d’un jeune virtuose de l’animation « stop-motion » ou image par image, Nick Park.
UNE GRANDE EXCURSION marquait l’aboutissement de six années d’efforts, après de longues études à la National Film and Television School de Beaconsfield, où ce film devait constituer son diplôme de fin d’études. Arrivé à mi-parcours, il avait contacté Peter Lord et David Sproxton, d’Aardman animation, deux spécialistes réputés du stop-motion. Impressionnés par la qualité de son travail, ceux-ci l’avaient invité à achever le film dans leur studio. Ce fut le début d’une longue et fertile collaboration d’où naîtraient, entre autres succès, deux autres courts-métrages de Wallace & Gromit et le premier long métrage d’Aardman, CHICKEN RUN.
Une autre collaboration fertile avait débuté à l’école de cinéma de Beaconsfield, celle de Nick Park et du compositeur Julian Nott, qui a su, dès UNE GRANDE EXCURSION, donner un son et un thème à l’univers de Wallace & Gromit. Car rien ne saurait mieux incarner ce petit monde si attachant que cette musique typiquement « british », populaire et un rien désuète, interprétée par une fanfare du Yorkshire, présente à chaque nouvel épisode des aventures de cet attachant duo.
Une collaboration jalonnée de succès. En 1990, A GRAND DAY OUT obtenait une citation à l’Oscar du meilleur film d’animation, tandis qu’en 1994, THE WRONG TROUSERS décrochait la fameuse statuette pour le titre de meilleur court-métrage d’animation, performance réitérée deux ans plus tard avec RASE DE PRES (A CLOSE SHAVE).
Chaque nouvelle aventure amenait à Wallace et Gromit de nouveaux admirateurs aux quatre coins du monde, et plus encore aujourd’hui où nos deux héros passent aujourd’hui au long métrage avec WALLACE & GROMIT : LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU, avec une musique qui n’a rien perdu de son charme tout en revêtant une ampleur nouvelle.


DITES « CHEESE ! »

Pour le co-réalisateur Steve Box, « Réaliser un WALLACE & GROMIT de 30 minutes exige déjà énormément de temps, de soin et de patience. Un long métrage de 85 minutes revient à bâtir… la Muraille de Chine avec des allumettes ! Il a fallu cinq ans d’efforts ininterrompus, parce que chaque détail compte, y compris les plus minuscules. Je pense toutefois que le défi majeur fut d’inventer l’intrigue qui nous permettrait de passer d’un coup de 30 minutes à 85. »
C’est avec cette lourde responsabilité sur leurs épaules que Mark Burton (CHICKEN RUN), Bob Baker (UN MAUVAIS PANTALON ; RASE DE PRES), Steve Box et Nick Park se sont attelés à la tâche, dans un esprit de fidélité à l’esprit de l’original.
« Nous avons mis du temps pour trouver un concept qui tienne la route, se souvient Nick Park. Steve, les scénaristes et moi y avons réfléchi de longues heures avant de tomber sur cette idée du Lapin-Garou. Les films de Wallace & Gromit ont toujours fait référence à d’autres genres cinématographiques. Nous étions ravis d’adresser ce clin d’œil aux films d’horreur Universal des années trente et quarante. Leur fameux Loup-Garou devient ici un Lapin-Garou qui, au lieu de dévorer des êtres de chair et de sang, s’en prend aux légumes ! Et c’est ainsi que WALLACE & GROMIT : LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU est devenu le premier film d’horreur végétarien de l’histoire du cinéma. »
Un tout nouvel univers, donc, pour Wallace & Gromit, mais toujours dans le cadre intime d’une petite ville du Nord de l’Angleterre, avec cette touche « fait main », artisanale, propre à Aardman, et c’est précisément cette ambivalence que l’on retrouve dans la musique de Julian Nott.


Comme l’explique Nick Park, « Nous ne voulions pas d’une partition monumentale. Il fallait, là-aussi, coller à l’essence de Wallace & Gromit. LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU possède les atouts d’un long-métrage, mais il préserve ce côté artisanal qui me semble très important. Nous avons disposé de moyens considérables, mais nous avons tenu à ce que ce film semble être l’œuvre de deux gus qui n’auraient jamais quitté leur atelier de Bristol. Il fallait préserver ce côté « bricolé », car c’est bel et bien là que réside le charme de Wallace & Gromit. »
Un développement de la tradition qui n’a pas échappé au producteur de la musique du film, Hans Zimmer, directeur musical de Dreamworks, dont la délicate tâche fut de gérer ce fragile équilibre entre les ambitions « mondiales » d’un film produit par une major américaine et la nature propre d’un univers musical pré-défini, et extrêmement spécifique dans ses codes.

« Nous n’avons eu aucune difficulté à trouver la musique du MYSTERE DU LAPIN-GAROU car Julian en avait posé toutes les bases dans ses courts-métrages. Cependant, il m’a semblé opportun de simplement donner un peu plus de volume à la partition en faisant appel à une formation plus ample, et en conservant les sonorités familières d’une fanfare du Yorkshire. »


Laissons maintenant la parole à l’âme musicale de WALLACE & GROMIT, en la personne de Julian Nott.


LA GRANDE EXCURSION DE JULIAN NOTT

Monsieur Nott, votre parcours musical est pour le moins atypique.
JN) C’est le moins que l’on puisse dire, sachant que j’ai commencé par travailler dans le milieu bancaire de la City de Londres. J’ai également fait du journalisme financier juste après mes études de politique et d’économie à l’université d’Oxford. Ensuite, j’ai fait une école de cinéma, après quoi je me suis lancé dans la production de documentaires pour la télévision. Or, pendant tout ce temps je n’ai jamais cessé de faire de la musique, et il se trouve que l’un de mes camarades de promotion à l’école de cinéma était Nick Park. J’avais déjà composé les musiques de quelques films d’étudiants, et c’est la raison pour laquelle il m’a demandé d’écrire la partition de son film de fin d’études qui se trouve être le tout premier WALLACE & GROMIT, A GRAND DAY OUT (UNE GRANDE EXCURSION). A partir de là, nous avons retravaillé ensemble sur WRONG TROUSERS (UN MAUVAIS PANTALON), et le succès fut tel, que la musique a pris le dessus et que cela n’a plus jamais changé depuis lors.



Quelle est votre relation personnelle à Wallace & Gromit ?
JN) Ces deux personnages sont d’incurables optimistes, totalement dénués de cynisme, ce qui est rare dans la fiction britannique. On ne peut s’empêcher de les aimer. Je pense qu’il y a un peu de Wallace et de Gromit dans chaque personne qui a participé à la création de ces aventures, du scénariste aux animateurs en passant par l’équipe du son. Nous sommes tous optimistes, comme Wallace, et nous sommes tous très doux mais un peu excentriques, et aucun de nous n’est vraiment à la mode ; en bref, nous sommes tous très anglais.



Quel est votre genre de film préféré ?
JN) J’aime toutes sortes de films, mais je dois dire que j’ai une nette préférence pour les films populaires que pour les films intellectuels : les comédies et tous les films dont il se dégage une certaine chaleur.

Quel est votre compositeur de musique de film préféré ?
JN) Pour vous répondre, je dirais que pour moi la vraie question n’est pas de savoir qui est mon compositeur préféré, mais plutôt de savoir à quel compositeur je voudrais faire appel si je faisais un film. Et la réponse serait, sans hésiter, Carter Burwell, qui à écrit toutes les musiques des films des frères Coen. C’est quelqu’un de tellement inventif. En second lieu, je songerais à Danny Elfman, dont le talent est vraiment très impressionnant. Si je n’étais pas le compositeur de WALLACE & GROMIT je pense que ce serait vraiment lui le musicien approprié.



Comment s’est crée le style musical de WALLACE & GROMIT ?
JN) En fait, tout s’est mis en place dès le tout premier film. Nick Park tenait à avoir une musique nettement associée au Nord de l’Angleterre, car c’est de là qu’est issu Wallace. C’est une musique fondée sur des ensembles de cuivres, très simple, très chantante, avec des mélodies un peu vieillottes. Comme vous l’imaginez bien, ce n’est pas un style très répandu au cinéma, mais c’est tout à fait caractéristique de l’univers de Wallace. Au départ, Nick souhaitait faire appel à un vaste ensemble. Mais dans la mesure où il s’agissait d’un film d’étudiant, il n’avait pas le financement nécessaire pour se l’offrir et nous nous sommes rabattus sur un quatuor de cuivres. Le plus amusant, c’est que nous sommes restés sur cette idée de départ, et qu’on la retrouve dans tous les films de WALLACE & GROMIT y compris dans LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU.


Cela faisait t-il partie de vos styles préférés ?
JN) Vous savez, quand vous travaillez avec un réalisateur, il s’agit davantage de choisir des choses qui conviennent au film et non qui vous plaisent forcement. Dans le cas de WALLACE & GROMIT, le style musical a vraiment été insufflé par Nick Park et je pense qu’il a eu tout à fait raison. C’est vraiment la musique que, je pense, Wallace écoute. Il n’aimerait pas les musiques des clubs à la mode, ni même les musiques sophistiquées d’Hollywood, ni encore des musiques classiques par trop raffinées. Ce qui compte pour lui, je pense, c’est la musique de son pays, le Yorkshire.

Comment cela s’exprime t-il dans le MYSTERE DU LAPIN-GAROU ?
JN) Ce film est une sorte de synthèse de tout le travail que j’ai fait dans le passé sur WALLACE & GROMIT, que ce soit les trois courts métrages, les publicités, ou encore la série des CRACKING CONTRACTIONS. Ces films représentent la majeure partie de ma carrière, et il était important pour moi de participer à ce long métrage, en quelque sorte la forme cinématographique ultime que pouvait prendre la série.

On connaît certes les trois courts métrages de Nick Park mais on connaît moins CRACKING CONTRACTIONS que vous venez d’évoquer.
JN) Il s’agit en fait de très courts métrages d’environ deux minutes. A l’origine, ils étaient destinés seulement à être téléchargés sur le net. Maintenant je crois savoir qu’ils existent également en dvd. Du fait de leur taille, il était impossible d’y faire figurer le thème de Wallace et Gromit tel quel dans son intégralité au générique. C’est pourquoi j’ai décidé de le faire jouer un poil plus vite car je ne pouvais me résoudre à le couper.


Qu’est ce que le fait de passer du court- au long-métrage a changé pour vous ?
JN) Ce qui a changé, c’est d’abord le fait d’avoir pu commencer à travailler très tôt sur la musique. Pour les courts métrages, je n’intervenais que lorsque le tournage était bouclé et je n’avais que quelques semaines pour tout composer puis enregistrer. Pour LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU, j’ai été impliqué dès la phase de storyboarding. L’autre différence tient au fait que les studios américains de Dreamworks ont été très présents tout au long de la production et avaient beaucoup de demandes spécifiques, notamment en ce qui concerne la musique. C’est ainsi que j’ai pu beaucoup travailler avec Hans Zimmer et son équipe. Cette collaboration fut une façon de composer vraiment différente pour moi.

LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU est rempli de citrouilles, et autres monstres potagers. Comment avez-vous abordé l’aspect horrifique du film ?
JN) Cet aspect a posé problème car par le passé la musique de WALLACE & GROMIT a toujours joué sur le pastiche. C’est ainsi que pour la musique temporaire nous avons commencé en utilisant toutes sortes de musiques d’horreur. Seulement nous nous sommes très vite rendus compte que ce n’était pas une très bonne idée cette fois. Le fait est que, à la différence de la musique de thriller à laquelle nous avons fait référence dans WRONG TROUSERS, la musique d’horreur est très oppressante et il est difficile de l’associer avec des gags et de la comédie. Cela absorbe complément le rire, ce qui est une mauvaise chose quand on songe que le plus important dans WALLACE & GROMIT, c’est la chaleur et l’humour. Dans ces conditions, je me suis orienté vers d’autres clichés de la musique de films d’horreur : les comptines pour enfants que l’on retrouve très souvent dans ce genre de films, qui sont souvent très effrayantes, mais sans jamais plomber la dimension comique.

Votre partition fait également appel à un chœur, grande nouveauté dans l’univers de Wallace & Gromit. Comment l’avez-vous utilisé ?
JN) En effet. Quand nous avons commencé à rechercher des musiques d’horreur temporaires pour le film, nous nous sommes aperçus quelles comportaient beaucoup de chœurs, et cet aspect est, d’une certaine façon resté dans nos esprits. Le chœur s’intègre donc naturellement dans la texture tonale de la musique et participe de l’évolution de son timbre.



Une autre nouveauté de votre partition tient à l’utilisation du jazz.
JN) Le fait est que Nick aime beaucoup ce style, et plutôt sous forme de big band. Lorsque GROMIT anime la marionnette de la lapine-garou pour séduire le lapin ou encore qu’il essaie de faire fuir le lapin tandis qu’il est visé par Victor le chasseur, nous avons fait appel à ce genre de musique. De plus dans la deuxième scène, je l’ai fait en me basant sur le thème principal de WALLACE & GROMIT. Je l’ai fait car il se dégage quelque chose de sexuel du jazz qui pouvait permettre d’attirer le lapin-garou.



Votre traitement musical tient plus du film en prises de vue réelles que du Mickey mousing cher à l’animation.
JN) Je pense que, pour WALLACE & GROMIT, il était important de coller à la réalité et d’éviter toute chose qui pourrait empêcher le public de croire au drame qui se joue sous ses yeux. Dans un film d’animation, en général cela n’a pas d’importance parce que tout le monde sait bien qu’il s’agit d’un divertissement. C’est la raison pour laquelle on peut se permettre d’exagérer, ce qui n’est pas le cas en prises de vues réelles ni dans WALLACE & GROMIT. De plus, je trouve que de moins en moins de films d’animation font appel à cette technique. Auparavant, les dessins animés étaient plus basés sur les gags visuels, alors qu’aujourd’hui l’accent est plutôt mis sur l’histoire, ce qui fait que de plus en plus de musiques de films d’animation se tournent davantage vers les techniques des films en prises de vues réelles.

Comment expliquez-vous que la musique soit présente pendant la quasi-totalité du film ?
JN) C’est une autre différence par rapport à ce que je fais d’habitude pour des films totalement européens. L’histoire du MYSTERE DU LAPIN-GAROU est traitée ici de façon très hollywoodienne, et très rapide. Le point de vue change tout le temps et le rythme est très intense. Le résultat est presque épique. De ce fait, il faut beaucoup de musique pour soutenir autant d’action. Le problème, c’est que trop de musique peut vite devenir irritant. Il faut donc prendre cela en compte et faire en sorte qu’à aucun moment la musique n’ennuie le public. C’est quelque chose qu’Hans Zimmer connaît bien et maîtrise parfaitement. Il a certaines techniques pour rendre la partition plus cohérente.


Pouvez-vous nous en parler ?
JN) Le plus important, c’est d’être très thématique, de sorte que, même si l’on fait appel à des musiques différentes, la partition demeure basée sur un même corpus de mélodies. Cela permet au public de moins faire attention à la musique.

Justement, pouvez-vous nous parler des nouveaux thèmes que vous avez crées pour le film ?
JN) Le film est dominé par le thème du lapin-garou qui se trouve être la mélodie de comptine enfantine dont nous parlions tout à l’heure.

Pour vous, le thème principal de WALLACE & GROMIT incarne t-il ces personnages ou bien leur univers ?
JN) Je dirais les deux. Comme vous le savez maintenant, ce thème a été écrit pour le tout premier court métrage, UNE GRANDE EXCURSION. Du fait qu’il s’agissait d’une musique inspirée par le nord de l’Angleterre, cela permettait de fixer musicalement l’univers de WALLACE & GROMIT. Mais dans le même temps, sa simplicité et sa naïveté présentaient le caractère des deux personnages principaux. Seulement, avec le succès, ce thème est devenu une signature musicale et l’on pense immédiatement à Wallace et à Gromit en l’entendant.


Comment avez-vous travaillé avec Hans Zimmer ?
JN) Il est venu jusqu’ici, en Angleterre, pour me voir, et nous avons utilisé son propre système de composition. Du fait que le montage du film changeait pratiquement chaque jour et que le film nécessitait toujours énormément de musique, il n’aurait pas été possible à une seule personne de gérer tout cela. C’est la raison pour laquelle il a l’habitude de faire appel a toute une équipe de compositeurs et d’arrangeurs ainsi qu’au dernier cri en matière d’équipement électronique. Cette association entre l’expertise de Hans Zimmer dans son approche moderne et globale de la musique de film, et mon approche très anglaise fut des plus intéressante.

On connaît le talent de Hans Zimmer quand il s’agit de combiner des sonorités électroniques avec un orchestre live. Cela fut-il le cas sur LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU ?
JN) Non, tout a été enregistré en live. Il se peut que nous ayons utilisé un piano numérique à la place d’un piano acoustique par moments, mais c’est bien tout.

A quel type d’orchestre avez-vous fait appel ?
JN) Il s’agissait d’un très grand orchestre hollywoodien d’environ 90 musiciens, tout ce qu’il y a de plus conventionnel, à quelques détails près toutefois. Ainsi, il y avait plus de cuivres que d’habitude dans le but de faire écho à la tradition musicale de WALLACE & GROMIT.



La technique de Nick Park est très artisanale. N’y a-t-il pas un contraste important entre ce côté intime et fait main et la taille impressionnante de l’orchestre ?
JN) Il est vrai que la technique d’animation est très artisanale car elle ne peut être réalisée qu’à la main et en aucun cas par ordinateur. Le film est aussi artisanal dans le sens où Nick Park et Steve Box les deux réalisateurs se sont impliqués dans absolument tous les aspects créatifs de cette production. Cela ne veut pas dire pour autant que le film ne soit pas ambitieux. Ma musique s’accorde donc avec les grandes dimensions du film, tout en captant le charme particulier de ces deux personnages.

Avez-vous participé d’une façon ou d’une autre aux jeux vidéos tirés de la série et du film.
JN) Pas du tout. Néanmoins ils citent textuellement le thème principal de WALLACE & GROMIT.



On entend parler d’autres formes de films sur WALLACE & GROMIT. Aimeriez vous en faire partie ?
JN) Absolument. Il est question d’une série inspirée du mouton de A CLOSE SHAVE (RASE DE PRES) et je serais ravi d’en faire partie. J’aime trop Wallace et Gromit et je ferais tout mon possible pour continuer à travailler avec eux.

Quels sont vos prochains projets ?
JN) Aller surfer à Hawaï. J’ai travaillé si dur et sans arrêt durant ces deux dernières années que j’ai décidé de m’offrir de longues vacances !

Nick Park parle de WALLACE & GROMIT : LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU comme du « premier film d’horreur végétarien de l’histoire du cinéma ». Etes-vous végétarien vous-même ?
JN) Pas du tout, j’aime les gros steaks bien saignants !

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