10 October 2006

UNDERWORLD 2: EVOLUTION - Entretien avec MARCO BELTRAMI, UN HYBRIDE PARMI VAMPIRES ET LYCANS



« Plus que jamais, au plus profond des ténèbres, loin du regard des hommes se joue le sort du monde… »


Pendant des siècles, les Lycans ont été les esclaves des Vampires. Mais un jour, ces derniers se sont révoltés, sous la conduite de Lucian, légendaire maître de leur horde. Aujourd’hui, le combat millénaire qui oppose Lycans et Vampires entre dans sa phase la plus spectaculaire. Le fragile équilibre des forces est bouleversé. Face aux secrets, à la trahison, à l’insatiable soif de pouvoir d’un des premiers Immortels, il devient urgent de faire la lumière sur les origines de la guerre. Mais pour les peuples de l’ombre, faire la lumière est toujours un danger… Au cœur de cette guerre souterraine, la révélation de la vérité sur ses origines va tout changer pour Sélène, vampire incarnée par Kate Beckinsale, toujours hantée par le désir de venger le massacre de sa famille, et va aiguiser son désir de vengeance envers ceux qui l'ont trahie. A ses côtés, c'est Michael Corvin, un hybride mi-vampire mi-lycan, le premier d'une nouvelle race d'immortels, qui va réussir à s’imposer entre ces hordes sauvages et déchaînées.
Véritable maître d’armes musicales, Marco Beltrami a brillamment fait sien cet univers lunaire et désincarné, offrant au film un contrepoint gothique et puissant. Tel un vampire déployant ses ailes, le compositeur xXx…L a su se faire une place de Seigneur au cœur de l'assemblée des compositeurs afin d’imaginer le "Futur" de la musique de film.


KILL WILL 2

Votre avez composé beaucoup de musiques de films de vampires, loups garous et autres zombies (RESIDENT EVIL, BLADE, DRACULA et maintenant UNDERWORLD EVOLUTION). Est-ce un choix délibéré de votre part ?
MB) Non, c’est le choix des personnes qui font appel à moi. C’est en voyant ce que j’ai pu faire sur ce genre de films que les cinéastes me contactent pour faire le leur.

Etes-vous personnellement un fan de Comics, Marvels et autres univers fantastiques… ?
MB) Pas vraiment. Je m’intéresse avant tout à ce que je pense lui apporter en tant que musicien.


Comment êtes-vous arrivé sur le projet d’UNDERWORLD EVOLUTION ?
MB) Nicolas De Toth, le monteur du film, qui avait également travaillé sur TERMINATOR 3 : LE SOULEVEMENT DES MACHINES, a intégré certains extraits de mes musiques dans la partition temporaire d’ UNDERWORLD EVOLUTION. Le réalisateur Len Wiseman a beaucoup aimé cela, et c’est ainsi qu’il m’a demandé si j’étais d’accord pour le faire.



Pour préparer votre partition, avez-vous regardé UNDERWORLD, le film original, mis en musique par Paul Haslinger ?
MB) Oui, je l’ai fait. C’est une partition d’un genre totalement différent, beaucoup plus électronique et avec beaucoup plus de musique d’ambiance. Le réalisateur avait une toute autre ambition pour UNDERWORLD EVOLUTION, et par conséquent, il voulait une composition plus orchestrale.



A la différence du premier film, qui se déroulait exclusivement dans un cadre urbain, UNDERWORLD EVOLUTION se déroule dans une nature vaste et sauvage. Cet aspect a-t-il eu quelque importance dans votre approche de la musique ?
MB) Ce fut aussi un des arguments-clefs pour le choix d’un orchestre live, tandis que les influences pop et électroniques de la partition de Paul Haslinger convenaient mieux à la dimension exclusivement urbaine du premier film.

A ce propos, le producteur David Coatsworth a déclaré qu’ « entreprendre une suite exige toujours que l’on fasse mieux que la première fois. Le budget était plus élevé (…), le grand défi reposait donc sur la créativité : trouver le style visuel adéquat, l’histoire idéale… »
MB) C’est dans le même esprit que j'ai conçu ma musique. Tout dans ce film élève ce qui a été entrepris sur le premier. J'ai donc essayé de concevoir une partition plus large que celle du film original.



ETERNITY AND A DAY

Quels sont les principes qui gouvernent votre partition ?
MB) Ces principes sont très élémentaires. C’est avant tout une musique très simple et très rythmique.



Quelles sont les raisons de ces choix stylistiques ?
MB) L’aspect rythmique permet de faire vraiment avancer l’histoire, de lui apporter une dynamique, une énergie, une force. De plus le réalisateur Len Wiseman aime beaucoup les grosses percussions et les accords très cuivrés. Quant à la simplicité, elle est due au fait qu’il a beaucoup de choses qui se passent dans cette histoire. Nous voulions que la musique soutienne l’intrigue mais qu’elle ne l’entrave pas.

Votre partition semble se concentrer sur le registre grave, semblant craindre les aigus de la même manière que les vampires craignent la lumière…
MB) Effectivement. Len aime les sons graves. Au départ, j’avais prévu des musiques un peu plus aigues pour certains passages mais Len me demandait à chaque fois de les baisser. C’est comme si l’ensemble de la partition n’avait été joué qu’à la main gauche sur un piano. Cela renforce l’aspect sombre et ténébreux du film.



Dès la séquence d’ouverture, on ne peut qu’être frappé par la force et la compacité de vos cuivres.
MB) Les cuivres sont particulièrement puissants quand : a) ils sont nombreux, b) quand vous les harmonisez de telle façon que l’ensemble de l’orchestre aille dans le même sens. C’est la raison pour laquelle j’ai opté pour une harmonisation par triades, à la fois simple et efficace. En tant que chef d’orchestre, je leur ai également demandé de donner un son le plus cuivré possible, afin d'alimenter cette force.

A quoi ou à qui cette force fait-elle référence dans le film ?
MB) Cette force, c’est celle qui est contenue dans l’histoire elle-même, faite de violence et de combats pour la survie du plus fort. C’est donc une relation plus abstraite qui se noue entre la musique et l’histoire sans viser un personnage particulier.

Cette force est aussi ce qui structure le film.
MB) En effet. Ce motif a deux autres fonctions : attirer l’attention du spectateur sur des éléments importants (comme lorsqu’on découvre le bateau de Corvinus), et assurer la cohérence, la continuité de cette partition.


THE FUTURE

Vous parlez de motif. Votre musique est en effet très peu thématique. Quelle a été votre stratégie en la matière ?
MB) Très peu thématique en effet. Le seul véritable thème que j’ai écrit est celui qui unit Sélène et Michael Corvin. C’est une sorte de thème d’amour qui ne dit pas son nom car, pour les véritables scènes d’amour, Len a préféré reprendre le Love Theme du premier opus. Fort heureusement, mon thème a été conservé sur l’album sous le titre The Future, alors que dans le film, il a été purement et simplement remplacé. En dehors de cela, je parlerais plus de motifs que de véritables thèmes. Il y en a notamment un pour Corvinus, qui apparaît alors qu’il parle pour la dernière fois à son fils Marcus, puis lorsque le vieil homme est sur le point de mourir et qu’il transmet ses pouvoirs à Sélène. Mais il n’est pas beaucoup développé dans le film. La raison de cette quasi absence de thème est qu’il ne fallait surtout pas verser dans une musique mélodramatique. L’ambition première de cette partition est d’être complémentaire à la cinématographie et au jeu des acteurs, un peu comme peut le faire le directeur de la photographie, sans jamais trop attirer l’attention sur elle.


En d’autres termes, peut-on considérer que votre partition est plus verticale qu’horizontale ?
MB) Complètement, on ne peut pas dire que ma partition soit très mélodique! Elle est plutôt basée sur des accords et des ambiances.

C’est vraiment dommage que The Future ait été écarté du film car c’est un des plus beaux morceaux de cette partition.
MB) Je trouvais moi-aussi qu’il fonctionnait bien dans le film. Mais dès le départ, Len a précisé qu’il tenait à ce que certains morceaux du premier film figurent dans le second. J’ai quand même insisté pour faire un essai avec The Future. Nous l’avons enregistré et placé dans le film. Malheureusement, cela ne l’a pas convaincu ! Dommage, car je pense que cela aurait permis au film d’atteindre un autre niveau.

Quelle était votre vision de ce « futur » ?
MB) Cela commençait par quelque chose d’intime, à l’image de cette relation entre Sélène et Michael. Puis cela devenait plus intense, considérant qu’elle avait ce nouveau sang, celui de Corvinus, qui coulait dans ses veines et que, de fait, elle devenait le futur. C’est une musique évolutive, à l’image de cette évolution qu’elle incarne, à travers cette force qui grandit en elle et qui prépare à un nouvel avenir pour l’assemblée des vampires. Comme vous le voyez, on allait un peu plus loin qu’un simple thème d’amour!


BEWARE OF DOG !

UNDERWORLD EVOLUTION parle de vampires et de loups garous, mais également d’hybrides. Ce terme convient-il aussi à votre musique ?
MB) Il est vrai que ma partition comporte certains éléments électroniques qui la rendent hybride. Mais la majeure partie est live.



Le film s’ouvre sur une grande scène épique se déroulant au moyen-âge. Et pourtant votre partition semble intemporelle.
MB) Pour cette séquence, Len m’a demandé de me focaliser sur l’aspect percussif de la musique. La dimension historique étant simplement véhiculée par l’image, tandis que la musique apporte son énergie a ce combat.

Les percussions font partie intégrante de votre partition. Parfois elles semblent même s’apparenter aux battements d’un cœur.
MB) Si on trouve le bon tempo et la bonne hauteur, alors oui, les percussions se comportent comme un cœur qui bat. Et quand on augmente le tempo, on augmente la tension et on peut ainsi avoir une réelle action sur la façon dont le spectateur va recevoir ces images. C’est plutôt agréable de susciter une telle réaction.



Chaque film est un nouveau défi. Quel était le vôtre sur UNDERWORLD EVOLUTION ?
MB) Du fait de la nature très monochrome de ce film, la musique devait apporter une dimension supplémentaire pour donner vie à ce monde conçu par le réalisateur. Il fallait de la puissance, de l’énergie et de l’attention. Avec Len, nous n’en n’avons pas parlé en termes mélodiques, mais en terme de structure musicale, car le challenge, c’était d’être le plus cohérent possible.

Comme vous le dites, le film est très monochrome, basé sur différentes textures de bleu. C’est aspect vous a-t-il inspiré ?
MB) En effet, cela a directement inspiré ma musique. On pourrait dire que ma partition est aussi monochrome. C’est ainsi que, dans mes orchestrations, je n’ai utilisé que les cordes, les cuivres et les percussions et pratiquement pas de bois. Car ce sont souvent ces derniers qui apportent de la couleur à l’orchestre. Tout comme l’image, les couleurs orchestrales du film sont très basiques.


ETERNAL BATTLE

Pouvez-vous nous parler de votre expérience de cette partition en tant que chef d’orchestre ?
MB) J’ai dirigé la quasi-totalité de cette musique, à l’exception de deux ou trois pièces dont s’est chargé mon orchestrateur Bill Boston. Il y a une anecdote à propos de l’enregistrement. Durant une session, un téléphone portable s’est mis à sonner. J’ai arrêté l’orchestre et je me suis mis en colère. Je leur ai dit que nous n’avions que peu de temps et que cela avait fichu par terre toute la session. Puis nous avons entamé une autre session, avec un long morceau d’environ quatre minutes trente. Vers la fin du morceau, un téléphone portable s’est mis de nouveau à sonner. Là, je me suis mis dans une colère noire ; j’étais prêt à tuer quelqu’un… Jusqu’au moment où je me suis aperçu qu’il s’agissait de mon propre téléphone ! Tout cela s’est fini dans un grand éclat de rire général.



Quelle était la taille de l’orchestre ?
MB) Environ soixante cinq musiciens. Ce n’était pas vraiment un gros orchestre, mais il n’empêche que le rapport de force entre les familles d’instruments est très efficace.

Pensez-vous qu’UNDERWORLD pourrait devenir une trilogie ? Si oui, aimeriez vous de nouveau en faire la musique ?
MB) J’ignore si un tel projet est en route. Mais le fait est que je n’en ferais partie que si j’estime pouvoir apporter quelque chose de nouveau à cet univers.


On sait votre mentor, Jerry Goldsmith, souvent présent dans votre œuvre. Est-ce le cas sur UNDERWORLD EVOLUTION ?
MB) Pas particulièrement sur ce film, mais indéniablement sur THE OMEN. Comme vous le savez, Jerry a reçu un Oscar pour sa musique pour le film original. Et j’ai pour ma part conçu ce remake comme un hommage à Jerry.

De combien de temps avez-vous disposé pour composer votre partition ?
MB) J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de temps pour le faire : à peu près deux mois. Ce fut plutôt relax, à la différence de ce que je vis actuellement car aujourd’hui, je travaille sur trois films en même temps.

Lesquels?
MB) Il s’agit de THE OMEN pour la Fox, THE INVISIBLE pour Disney, et CAPTIVITY pour Roland Joffé.


Si vous pouviez choisir votre prochain film, de quel genre serait-il et avec quel réalisateur?
MB) Ce serait un western dirigé par John Moore, le metteur en scène de THE OMEN.
FreeCompteur.comFreeCompteur Live

No comments: