28 December 2006

Arthur et les Minimoys - Entretien avec Céline Garcia

Il y a une légende qui raconte qu'il y a bien longtemps, dans l'ombre d'un monde fantastique, une Fée donna naissance en quelques coups de baguette magique à un petit garçon nommé Arthur et à une princesse, Sélénia. Nous avons, par magie et par enchantement pu parler avec cette Fée. Elle s'appelle Céline Garcia, et nous sommes tombés sous le charme de sa candeur. Elle est co-scénariste et inspiratrice de l’histoire d’Arthur Et Les Minimoys. Plasticienne, Céline collabore depuis une vingtaine d’années avec son époux Patrice.Cet entretien fut un rare et touchant moment d'émotions, et nous souhaitons le partager avec vous...
Céline, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai commencé en tant que scénariste dans la BD avec Patrice. Il faut dire que nous avons presque toujours travaillé à deux. Ensuite, nous avons eu un petit garçon, Gabriel. Puis j’ai repris mes études aux Beaux-Arts et depuis je suis plasticienne. Et au gré de nos différents projets communs à Patrice et à moi, nous en sommes venus à Arthur.

Quel est votre univers ?
Mon univers, c’est plutôt le monde souterrain des lutins, des fées, des trolls. J’ai une grande admiration pour toute cette mythologie qui me parle plus que la science fiction par exemple. C’est la raison pour laquelle je ne participe pour ainsi dire pas aux projets SF de Patrice car c’est un univers que je n’arrive pas saisir. J’adore les films comme Star Wars et Alien, mais je suis totalement incapable d’écrire sur ces sujets-là car je n’ai pas cette fibre. Je suis plutôt du côté terrien, ancré, et plus dans le passé que dans le futur. Et puis, j’ai la chance d’avoir gardé un regard d’enfant, ce qui fait que j’aime raconter des histoires de nounours, de poupées, etc… Mon univers à moi, c’est donc plus l’univers de l’enfance avec tout le côté merveilleux que cela peut sous-entendre. J’ai du mal à rentrer dans des choses un peu plus sombres.

Du projet initial de lettres d’amour au film, quelle a été votre implication dans l’aventure d’Arthur ?
C’est moi qui avait écrit ces lettres que nous avons proposées. C’était une envie, au travers de l’univers créé par Patrice, avec ces petits êtres dans le jardin, de raconter de mini-histoires sous forme de lettre d’amour autour de ces petits personnages. Et lorsque nous avons proposé cela à Intervista, Pascal Parisiot, qui dirige cette maison d’édition, a montré ce livre à Luc qui a tout de suite eu un flash sur les personnages de Patrice. Il nous a demandé de venir le rencontrer et nous a dit qu’il avait envie d’en faire un film. A nous, alors, de lui raconter une histoire. On est rentré à la maison un peu secoué par la proposition car on ne s’attendait pas du tout à cela. « Qu’est-ce qui nous tombe sur la tête ? » C’était terrible sur le moment car on se demande si on est à la hauteur de cela. Et finalement on s’est dit : « qu’est-ce qu’on risque à proposer une histoire. Si elle plaît à Luc, tant mieux, sinon tant pis. » C’est donc ce que j’ai fait. J’ai repris un personnage d’une histoire que j’avais écrite et je l’ai développé autour d’Arthur. Mon travail par rapport au film a donc été d’apporter un premier jet, un premier séquencier avec Arthur, sa grand-mère, une course au trésor à travers un univers fantastique qui est celui des lutins. Il est vrai qu’à l’époque ils ne s’appelaient pas les Minimoys. C’est Luc qui les a appelés comme cela car il voulait en faire une race bien déterminée. Pour moi, au départ, ils n’avaient pas de nom. C’était simplement le monde souterrain, avec une quête plutôt souterraine elle-aussi, pour arriver jusqu’au trésor. En en discutant avec Luc, il l’a alors replacée à la surface, dans le jardin, alors que moi j’étais dessous. Luc a aussi ajouté des personnages qui lui tenaient à cœur. La rencontre des deux a donné l’histoire que vous connaissez aujourd’hui.


Chacun y a mis de sa propre vie, et de son entourage. Patrice nous a parlé de Julien par exemple.
C’est mon filleul, le fils de ma petite sœur. On s’est toujours beaucoup inspiré de notre entourage le plus proche pour nos projets. D’ailleurs, pour une des BD de Patrice, les personnages étaient nos parents et nous qu’on avait pris en photo et on s’était éclaté à mettre nos visages dans la BD ! C’est notre façon de travailler.

Est-ce que Gabriel est présent ?
Absolument, car toutes ces lettres d’amour que j’ai pu écrire au début s’adressaient à lui essentiellement. Et lorsque j’ai repris Arthur, j’ai tout simplement raconté ce que j’ai vécu au travers de mon fils. La grand-mère, c’est la mienne. Et ce petit garçon un peu introverti, un peu réveur, mais aussi un peu casse-cou, aventurier, du genre « je mets les mains dans la terre », c’est bien sûr Gabriel. Je crois cependant que ce sont des traits communs à pas mal de petits garçons qui ont la chance de pouvoir jouer dans un jardin. Ils rentrent vite crottés ! Mais Gabriel reste pour moi mon sujet de prédilection.

Dans ces conditions, est-ce que Sélénia est un personnage de votre entourage ou votre vision de la princesse de conte de fée ?
Sélénia, c’est la princesse guerrière. C’est loin d’être la princesse en robe brillante avec de jolis diadèmes. Dans notre travail à Patrice et à moi, on a toujours mis en scène des princesses plutôt guerrières. Et c’est d’autant plus vrai que Sélénia est en plus celle qui veut être plus forte que les garçons. Mais cela, c’est plus un souvenir de ce que j’ai vécu dans mon adolescence, mon côté un peu garçon manqué. De tout manière, je crois que tous les personnages que je travaille ou dont je parle sont en lien direct avec ce que j’ai vécu, avec mon entourage ou mes souvenirs. Ils viennent de ce qui m’amuse, ce qui me fait rire, des amis de mon fils, qui viennent à la maison, que je vois grandir et bouger. Tout cela vient de mon observation. Sélénia, c’est aussi un personnage que Luc a beaucoup aimé, auquel il s’est énormément attaché et à qui il a donné une part de ce qu’il connaît. Je crois savoir qu’il l’a fait ressembler à l’une de ses filles. Cette histoire a beaucoup parlé à notre côté papa-maman. Mon côté maman a beaucoup parlé, mais je crois que cela a réveillé en Luc ce côté-là, en plus de ses propres souvenirs d’enfance. C’est cela qui est génial sur ce projet !

Sélénia n’aurait-elle pas un petit côté Leeloo, du Cinquième Element ?
Là, je ne m’avancerai pas car nous n’en avons pas parlé avec Luc. C’est vrai qu’elle ressemble d’une certaine façon à Leeloo, mais je crois surtout qu’elle ressemble aux personnages féminins de Luc en général, ces femmes battantes, ces femmes d’apparence fragile, mais qui à l’intérieur sont des guerrières. C’est un trait récurrent chez ces héroïnes, féminines à l’extérieur, mais qui bouent à l’intérieur. Pour moi, il y a du Leeloo dans Sélénia, mais on peut y reconnaître du Nikita, et même une forme de Jeanne d’Arc.

Comment se passe le travail en couple ?
Avec Patrice, c’est extraordinaire. On s’apporte beaucoup. On a découvert au début de notre rencontre qu’on avait beaucoup de choses en commun, notamment au niveau de nos imaginaires, et depuis le début, on se raconte des histoires tous les deux. Des histoires de guerriers, de fées,… C’est d’ailleurs comme cela que tout a commencé. J’avais 19 ans, on est allé boire un thé près de chez nous et on a commencé à se raconter l’histoire d’un lutin qui est devenu le héro de notre première BD. C’est vrai qu’on partage beaucoup de choses. Patrice me demande souvent mon avis sur ce qu’il fait et vice versa. Lorsque j’ai envie de raconter une histoire, je la lui raconte à lui d’abord, et si elle lui plaît, si elle le touche, pour moi, c’est déjà gagné. Si je peux partager cela avec lui, c’est génial. Mais il est vrai que travailler à deux ce n’est pas toujours évident car on peut avoir l’impression que l’autre vit des choses plus fortes que vous. C’est ainsi que Patrice a été beaucoup plus présent que moi sur Arthur, ce qui fait que je l’envie un peu. Mais en même temps, il me ramenait des tas de choses et il me racontait tout, ce qui fait que je n’étais jamais bien loin.



Vous qui êtes à la fois scénariste et plasticienne, qui êtes donc passée par toutes sortes de formes d’expression, quel bilan tirez-vous de cette énorme expérience cinématographique ?
C’est une question difficile. Cela m’a très certainement ouvert de nouveaux horizons et m’a donné envie d’aller plus loin. De continuer à raconter des histoires et d’aller plus loin dans ce que j’aime raconter. Cela m’a donné confiance, aussi. Mais la chose qui m’a le plus touchée dans cette expérience, ce sont les larmes de joie de ma sœur quand nous sommes allés à l’avant-première de Toulon, le 10 décembre dernier. Il est vrai que j’ai beaucoup de chance car Luc est certainement l’un des plus grands réalisateurs qu’on ait en France, quelqu’un qui aime prendre des risques, aller au delà de ce qui lui est proposé et qu’il m’a fait confiance. J’en suis très fière et je ne le renie absolument pas. Mais au-delà de la rencontre et du partage avec Luc, ce qui m’arrache une larme et un sourire à la fois, c’est ma famille, ce qu’ils ressentent au travers de tout cela, mon papa qui me prend dans ses bras, qui ne me dit pas un mot tandis que je sais ce qu’il a dans son cœur. C’est cela qui me pousse, qui me fait vivre. C’est aussi mon fils, qui avait 9 ans quand on a démarré, qui était un petit bout de chou, et qui en a aujourd’hui 15, pour 1m 83 ! Lui qui me regarde avec son air fier et qui me fait son sourire en coin de l’air de dire : « c’est bien maman ».

Est-ce que cette expérience vous a donné envie de travailler avec d’autres réalisateurs ?
Pour moi, rien n’est acquis. Je suis encore moins sûre demain de refaire quelque chose car cette proposition tenait déjà du miracle. Continuer le rêve, ce serait continuer à raconter des histoires pour le cinéma. J’espère qu’un jour quelqu’un aura envie de faire appel à moi, mais je pense en même temps avoir les pieds sur terre, et je me dis que pour pouvoir continuer il faut se battre comme tout le monde car c’est un milieu où il y a beaucoup de gens de grand talent. Aujourd’hui, Arthur vit, Arthur existe en dehors de moi, il fait le tour du monde, il visite des pays où je n’irai jamais. Pour ma part, il faut rester humble, rester zen.


Quelles autres personnalités pourraient donner vie à votre univers ?
Je pense avant tout à Jean-Jacques Annaud. Rien que de rencontrer un tel monsieur, ce serait déjà extraordinaire ! Maintenant, seul lui pourrait me dire si mon univers pourrait se rapprocher du sien. Si je continue le rêve, après avoir travaillé avec Luc Besson, travailler avec Jean-Jacques Annaud, ce serait « voir Venise et mourir » ! Je ne sais pas si j’aurais le courage de faire ce genre de chose, mais qui ne risque rien n’a rien. On est toujours sûr du non, le oui est un cadeau, un miracle.

Quel est LE Jean-Jacques Annaud qui vous a touché ?
Le Jean-Jacques Annaud que j’aime, c’est celui qui travaille le silence. Celui qui est capable de poser sa caméra, de filmer et de nous faire rentrer dans un univers sans qu’il y ait besoin de texte, de mot. Celui qui est capable de nous prendre et de nous transporter au travers de sa caméra dans un univers unique. Prenez la Guerre du Feu : il prend le temps d’observer, de s’arrêter sur les choses. C’est fabuleux d’être capable de raconter des histoires au travers du silence. Un silence qui n’est jamais vraiment un silence, car on entend des bruits de fond, on entend la vie autour. Mais il n’a pas besoin de mots ou de grande phrase. J’admire cela. Il faut être très fort pour raconter les choses sans les dire.

Qu’aimeriez-vous lui dire si vous le rencontriez ?
Ce serait « Merci ! ». Parce que c’est ce genre de monsieur qui donne envie de raconter. Parce qu’il a un univers, une narration et une façon de raconter les choses qui sont d’une pureté et d’une clarté indiscibles. Alors, oui, merci monsieur Annaud de nous raconter sans nous dire !

Comment réagiriez vous face à lui ?
Rires. Je serais dans mes petits souliers. Si vous voulez voir quand je me transforme en petite fille, avec le rouge aux joues, les genoux qui tremblent, les yeux baissés qui regardent par terre, ou en train de chercher un endroit ou ficher le camp… Mais c’est aussi de cette manière là que j’ai rencontré Luc Besson. Avec les genoux qui tremblaient, je me demandais : « Mon Dieu qu’est ce qu’il va me dire, comment cela va se passer ? ». Alors on croise les doigts en priant très très fort d’être à la hauteur…

Comment Luc Besson a-t-il réagi devant cette émotion ?
C’est quelqu’un de génial à ce niveau-là. Il a été très touché par mon émotion et m’a souri tout de suite en me disant que tout allait bien se passer. Ce n’est pas quelqu’un qui pourrait profiter de cette situation d’intense émotion. Au contraire, il va être à l’écoute et va vous rassurer. Vous avez l’impression d’être en face d’une personne que vous n’auriez jamais imaginé rencontrer, vous ne faites que bafouiller, vous ne trouvez plus vos mots, vous avez un QI de moule, et il rattrape très vite cela presque en vous prenant la main et en vous disant que tout va bien. Alors vous respirez et c’est génial : tout se passe dans la douceur. Au-delà du projet, vous partagez aussi un moment avec une personne incroyable.

C’était à quelle occasion ?
C’était le jour où il nous avait donné rendez-vous pour parler de ce fameux livre et de ce que lui avait envie de faire exactement. On arrive là en plus avec l’appréhension de ce qu’il pourrait vous dire. Est-ce qu’il a aimé, est-ce qu’il n’a pas aimé? Et en fait, c’est quelqu’un de très gentil ! Ca a l’air idiot de dire que quelqu’un est gentil, mais pas du tout. C’est quelqu’un d’accueillant et qui vous écoute. Et même si ce que vous lui racontez ne lui plaît pas, il ne va pas vous faire peur en tapant du poing sur la table. Non, c’est quelqu’un qui ne vous surprotège pas parce que vous êtes sensé être un professionnel ou tout au moins un adulte. Mais il est très respectueux et il ne vous enfoncera jamais un couteau dans le cœur.


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27 December 2006

Arthur et les Minimoys - Entretien avec Patrice Garcia - Part 2

C'est avec gentillesse, générosité et simplicité que Patrice GARCIA a accepté de nouveau de nous parler plus avant de son travail, sur les origines d'Arthur, mais aussi sa rencontre avec Luc Besson, son implication sur le Cinquième Element... De nouvelles aventures passionnantes vous attendent!



Pouvez-vous nous parler de votre parcours artistique ?
Patrice Garcia - Dans mon enfance, le dessin a très vite été un moyen de m’évader. Je recopiais des trucs dans les comics, je dessinais des histoires de guerrre, etc, et c’était vraiment un refuge. J’ai fait cela de 7-8 ans à aujourd’hui. Au lycée, j’ai rencontré des collègues qui tournaient un western et j’avais trouvé cela super génial. Cela m’a donné envie de tourner mon premier court-métrage en super 8 avec ces collègues. Dans ma tête, c’était comme une cocotte-minute. Puis je suis passé en 16 mm et à chaque fois, j’ai monté la barre, tout en continuant à dessiner. A un moment, il a fallu rentrer dans la vie active, ce qui n’es pas très simple quand on a des envies qui semblent irréalisables. Il faut rentrer dans un créneau « normal », qui ne correspond pas du tout à ce que vous imaginez, et c’est un peu douloureux. Un jour, je suis parti à Paris avec mon sac et j’ai fait la tournée de tous les ateliers d’effets spéciaux de Paris. Michel Soubeyran, qui avait son atelier là bas et qui faisait des bestioles en latex pour des pubs, m’a embauché pour que je dessine. Et dès que je me suis mis à dessiner, il m’a fait passer à la sculpture et du coup je me suis amusé à faire des marrionnettes et d’autres trucs comme cela. Je me suis régalé. Ensuite, j’ai continué à faire des courts-métrages, tout en faisant des petits boulots à droite à gauche. Je suis alors retourné dans le Sud, où j’ai rencontré ma femme qui m’a dit que je devrais faire de la bande-dessinée. Il faut dire qu’à l’époque où je réalisais des courts-métrage, je vivais à six dans un studio, et j’avais un copain qui faisait des BD. Quand j’ai vu cela, je me suis dit : « quelle horreur ! ». Dessiner et mettre cela dans des cases, je trouvais cela rébarbatif, fastidieux et solitaire. Mais quand Céline m’a proposé cela, je m’y suis mis. J’ai eu des propositions avec Allande et aux Fils de la Nuit. Je suis monté à Paris et on a réussi au premier rendez-vous à vendre une série, c’était Allande. A partir de là, je suis vraiment rentré dans le monde du travail par le dessin.


Comment avez-vous rencontré Luc Besson ?
C’est bien simple. A cette époque, je faisais de la BD avec Céline. Un matin, je buvais un café dans le troquet qui était en bas de chez nous et je vois dans le journal que Besson passe à Toulon pour parler d’Atlantis. Quand je vois sa bouille dans le journal, je me dis : « c’est maintenant, il faut que j’y aille, que je lui montre ce que je fais, on ne sait jamais… ». C’était complètement illusoire et totalement décalé par rapport à la réalité du métier, mais j’y suis allé. J’ai passé les vigiles pour l’atteindre et il m’a donné l’adresse des Films du Dauphin à l’époque. J’ai essayé d’insister, mais il m’a redonné la même adresse, et je ne l’ai pas notée. Par contre, j’avais noté qu’il allait au cinéma Gaumont qui se trouvait Place de la Liberté à l’époque. Je suis donc allé de la Fnac où il se trouvait au cinéma. Avec Céline, on lui avait préparé un petit dossier avec une lettre et des dessins. Je vois Eric Serra, je l’attrappe et je lui mets mon dossier entre les mains en lui disant : « aujourd’hui, j’ai fait ce que je devais faire. Au revoir. Tu fais ce que tu veux. Tu le jettes si tu veux. En tout cas, je te remercie, c’est gentil. » Un an après, à la naissance de mon fils, un coup de téléphone de Besson qui voulait nous rencontrer pour travailler sur ce qui allait devenir le Cinquième Elément.

Pourquoi Besson ?
J’avais été interpelé par le Dernier Combat, et j’étais un vrai fan du Grand Bleu. C’est un film qui m’a immédiatement touché –je suis quelqu’un qui réagit beaucoup par impulsion- et c’est aussi le premier film que je suis allé voir avec ma femme. Donc, pour moi, c’était une évidence. Le cinéma a toujours été un désir, mais voir Besson s’est imposé à moi.

Quel a été votre rôle sur le Cinquième Elément ?
Je faisais partie d’une équipe de plus de dix dessinateurs, l’équipe de graphistes, et on a développé l’univers, pendant un an sur Paris. Je dormais dans les bureaux, de très beaux bureaux d’ailleurs, qui abritent maintenant la société Xilam.

Cela fut-il difficile du point de vue familial ?
En effet, ce fut un vrai investissement. Mais je n’ai pris aucune décision tout seul dans mon coin. J’ai décidé cela avec ma femme, qui connaît ma passion. Ce fut un choix difficile, notamment parce que mon fils venait de naître. Ce fut un vrai sacrifice, d’autant plus que tout ce que j’ai pu faire dans le passé dans le cadre de mon métier, a toujours été fait en étroite relation avec ma femme. Que ce soit les pubs ou autres, tout a toujours été fait avec son regard. Vous comprenez alors que ce ne fut pas simple…



Qu’avez-vous créé de l’univers du Cinquième Elément ?
J’ai participé à tout car c’était un travail d’équipe. Le travail de l’un faisait rebondir l’autre et ainsi de suite. C’était vraiment très chouette, et les amis de cette époque sont toujours des amis. Besson avait réussi à rameuter une équipe de jeunes branleurs autour de lui qui ont mis toute leur énergie et toute leur créativité pour nourrir ce projet. Ce fut très familial et quelque chose d’assez rare à vivre.

Pouvez-vous nous parler de la conception des personnages, par exemple ?
Vous savez que les costumes ont été conçus par Jean-Paul Gautier, mais il y avait un autre designer sur le projet, Jacques Rey, qui a aussi fait de très belles choses, qui ont nourri Jean-Jacques Gautier. C’était un peu le fer de lance de l’équipe graphique que nous étions. C’est ainsi que nous avons participé à la création des costumes, de monstres, de décors, d’engins volants, de la diva… on s’est vraiment occupé de tout. Il y avait un côté étudiant déjeanté qui m’a beaucoup plus.

Vous avez également participé au jeu New York Race.
C’était dans la continuité de ce travail. J’ai fait quelques boulots entre temps, mais à un moment, Henri Magalon, le producteur du jeu, et Marc du Pontavice, qui dirige Xilam aujourd’hui, nous avaient mis dans un coin, Hélène Giraud –la fille de Moebius- et moi, pour faire les prémisses du design pour ce jeu. On s’est amusé à créer des obstacles, des choses comme cela. Beaucoup de roughs, mais cela a permis, pendant deux mois, de lancer des pistes pour les graphistes.

Quelles étaient vos sources d’inspiration à l’époque ?
J’ai toujours été fasciné par les univers de Bilal et de Moebius car ce sont de vrais univers, très cohérents graphiquement. J’ai beaucoup de respect pour cette forme d’intégrité. Mais il paraît qu’on retrouve plus l’influence de Philippe Druillet dans mon travail. Il faut dire que c’est un auteur dont je décortiquais les dessins quand j’avais 12-13 ans, et il faut croire que c’est resté… J’étais aussi un très grand fan de Christopher Foss, un ancien garagiste qui s’est mis à la peinture. Ca ne l’a pas beaucoup passionné, et il s’est plus ou moins arrêté de peindre aujourd’hui, ce qui est plutôt navrant. Il a peint des images assez extraordinaires de vaisseau spaciaux, et il a notamment travaillé sur Alien. Pour le premier Dune, qui devait être fait par Jodorovski à l’époque, Chris Foss était designer. Hans Giger a aussi beaucoup marqué mon travail, un peintre suisse allemand, qui fait des choses très torturées et qui a été le designer d’Alien, qui m’a bouleversé à sa sortie. Plus exactement, je l’ai trouvé nul en sortant du cinéma, et quand je suis rentré chez moi, je me suis dit que ce n’était pas possible et que ce film était magnique ! Depuis je l’ai revu plein de fois et je considère maintenant que c’est du pur génie.



A première vue, on est assez loin des lutins de Céline !
Ce sont bien des univers, des créations d’univers. Et que ce soit des lutins ou des extraterrestres, ce qui est intéressant, c’est de créer des univers fantasmagoriques qui soient des retranspositions de choses de notre réalité et qui vont permettre de dire des choses qui nous concernent tous. Lutins ou aliens, c’est pareil. Ce qui est intéressant, c’est d’avoir un support fantastique qui permet de toucher des histoires qui nous touchent tous, de transposer la réalité pour rêver un peu et fantasmer cette réalité, la sublimer ou utiliser le fatasme pour dire des choses finalement très terre-à-terre. Donc la rencontre n’est pas si incompatible que cela.

Et elle a justement produit une grande tendresse dans Arthur, qui parle à l’humain qui est en chacun de nous.
Vous avez raison de parler de tendresse pour Arthur. C’est ce qui intéressant dans l’imaginaire, c’est quand on arrive à toucher aussi profondément les gens. Prenez Big Fish de Tim Burton. Pour moi, c’est un film extraordinaire parce qu’il nous balade entre le fantastique et le réel. C’est du Tim Burton, pas dans le visuel, mais dans l’âme. La substance est là, elle fait toucher quelque chose de très précieux dans la relation père-enfant, et plus largement parent-enfant, et il a utilisé le fantastique pour sublimer, fantasmer ce lien et l’analyser un peu. Le fantastique est là, et il est utile pour dire ces choses. C’est la même chose dans Arthur.

A propos d’Arthur, lors de notre précédent entretien, vous nous aviez parlé de la réalisation d’un pilote, qui allait dans une direction inverse des choix finaux du film. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pour le pilote, l’idée était de filmer la nature, mais en maquettes parce que c’était plus gérable par rapport au système d’incrustation. On a donc construit des décors que l’on a filmés dans une belle lumière avec de la fumée et des particules en suspension sur fond bleu, avec des matte paintings pour prolonger le tout. Nous avons beaucoup travaillé sur la matière de la nature : les mousses, les cailloux, la terre… Et à l’intérieur de cela, on a incrusté un personnage en 3D traité par comme un élément comme dans les films Pixar, très propre, mais plutôt presque sale.



Un peu comme George Lucas l’a fait pour son premier Star Wars…
Tout à fait. On s’est dit que la 3D était un superbe outil, mais que, pour l’intégrer à la réalité, il fallait la salir. Et on y est allé à fond ! D’autant plus qu’on était dans un rapport de taille différent avec nos petites créatures : les textures de peau n’ont rien à voir avec celles de personnes d’1,70m. C’était cela le challenge, afin de voir si cela marchait ou pas. On a donc tourné nos maquettes et Buf Compagnie a incrusté des personnages. Luc était très content. Il a dit « Bingo, on y va ! ». A la suite de cela, les maquettes du film ont été construites, mais comme les choix de cadrage et la façon de travailler de Luc était tels qu’on pouvait se retrouver à filmer la maquette dix jours, un mois plus tard pour essayer un autre angle –ce qui est tout à fait normal au demeurant. Cela pouvait rendre les choses très compliquées car il fallait alors remettre la maquette en place et refaire venir une équipe de tournage, etc. Buf a donc opté pour l’idée sage de photographier la maquette sous tous les angles et utiliser ce qui a été photographié comme du maping pour tout reconstruire en 3D. C’est donc ce qu’ils ont fait. Par ce moyen, on pouvait conserver le même rapport à la matière, et dans la mesure où tout le décor était modéliser, de répondre aux besoins du réalisateur. On n’avait plus le grain d’un film en prises de vue réelles avec 3D rajoutée, mais avec 3D et personnages 3D.

La magie opère totalement ainsi, que ce soit dans le passage des prises de vue réelles à l’animation ou dans la représentation de la nature, et notamment de l’eau, magnifique de réalisme.
L’eau est en effet en 3D. C’est le fruit du travail de Pierre Buffin et son équipe. Ils ont essayé au départ de gérer avec des prises de vue réelles, mais l’eau s’est vite révélée incontrôlable. Emmanuel Prévost, le producteur, a même fait venir une caméra, une fois, qui pouvait filmer l’eau à je ne sais plus quelle cadence. Un truc incroyable qui coûtait une fortune. Et finalement Pierre Buffin a pris le parti de faire quelque chose de beaucoup plus simple. C’est ainsi que tous les décors ont été filmés sans eau, et que l’eau a été rajoutée après. C’est ce qu’il y avait de plus simple à faire. Des impacts aux interactions avec les objets, toute l’eau est numérique. Et c’est vraiment bluffant. Pierre Buffin aurait voulu aller encore plus loin dans ce rendu, mais le résultat actuel est déjà impressionnant.

C’est d’autant plus impressionnant que c’est un travail exclusivement français !
On avait jamais fait ce genre de cuisine en France à ce niveau. C’était d’autant plus risqué que c’était une grosse production. Après, c’était vraiment un travail acharné et un vrai regard artistique des équipes de Buf et de Pierre Buffin en particulier. Avec lui, je discutais 2-3 minutes et il savait où il fallait aller. Pas besoin de long discours. Il a l’œil, c’est tout. Ce mec est une brute totale ! Je le revendique ! Ce mec a un talent… Entre le technique et l’artistique, il a les deux, ce qui est plutôt rare.



On parle beaucoup d’une première française pour Arthur. Mais il y eu Kaena, il y a quelques temps.
C’est vrai, mais on n’a absolument pas regardé Kaena pour faire notre animation. Je ne dénigre pas le travail des équipes de ce film, loin de là. On avait simplement un travail à faire et on n’a pas été regarder sur ce qui se faisait à côté. On avait vraiment la tronche dans le guidon et on a tout fait pour que notre travail fonctionne. On n’a pas cherché la moindre comparaison. Par rapport à l’idée de première, je dois dire que je n’ai pas cette vision. J’ai juste une vision artistique qui consiste à chercher à ce que tout ce qui est fabriqué soit regardable par tout le monde avec une qualité maximale compte tenu d’un timing et d’un budget. Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’on puisse parler de première. Il n’y a rien de nouveau dans le fait de filmer des maquettes et d’y injecter des personnages en 3D. Ca fonctionnait déjà très bien sur Le Seigneur des Anneaux, avec des maquettes gigantesques. A mes yeux, il n’y a rien de vraiment innovant. C’est juste le fait qu’il y a eu de vrais risques de pris afin que le final ait un niveau de qualité jamais atteint. A aucun moment on peut dire que l’incrustation se fait mal. Bien sûr, il reste des défauts comme dans tous les films, mais cela reste d’une cohérence sur la longueur du film qui reste hypra acceptable. Et s’il y a une première avec Arthur, elle est bien là, dans le fait d’aller au bout du process de fabrication et d’optimisation de la qualité en fonction des conditions de production.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les choix artistiques par rapport à l’animation des personnages ?
Il fallait monter une équipe d’animateurs et aller très vite. Très tôt, on s’est posé la question de savoir comment tous les animateurs vont pouvoir travailler sur le même jeu de comédien. L’option a donc été de tourner avec des comédiens, ce qui allait devenir la charpente pour l’animation. Les acteurs ont donc joué chaque scène à fonc, puis chaque animateurs, quel qu’il soit, va pouvoir travailler à partir d’un même matériel dirigé par Besson. Après, chacun va y mettre sa propre patte, mais la charpente transpirera toujours jusqu’au bout. Et comme les animateurs sont venus d’un peu partout, cela permettait d’être plus efficace et plus rapide, sans trop se poser de question. De cette façon, cela nous a éviter de partir dans une organisation complexe de l’animation, avec des directeurs de l’animation et autres… Il fallait à tout prix qu’on vérouille l’animation. On laissait un peu de liberté, mais avec une certaine contrainte de jeu.

Il s’agit de jeu, mais aussi de danse…
En effet. Nous avons fait appel à de vrais danseurs, ou encore à des personnes spécialisées dans le combat à l’épée pour le combat de Sélénia. Tout a été tourné avec de vraies personnes, selon le même cadrage que dans le film final.

Quand on arrive chez les Minimoys et qu’on voit le village en plan large avec tous insectes allant dans tous les sens, on sent comme un parallèle avec le New York du Cinquième Element.
C’est plutôt l’expression du mouvement, de la vie. Il n’y a pas vraiment de parallèle délibéré.

Et au niveau de Sélénia, par rapport à Leeloo ?
Vous savez, on a proposé des Sélénia avec des cheveux mauves, verts, et plein d’autres pistes. Et finalement, elle a les cheveux rouges parce que son frère, Bétamèche, qui a été validé beaucoup plus tôt, était rouquin. Il était donc dans la logique des choses de lui donner ces cheveux rouges. En plus, lorsque j’ai rencontré pour la première fois Mila Jovovitch sur un plateau, elle avait les cheveux de toutes les couleurs ! Plus sérieusement, et au delà du conscient et de l’inconscient, je dirai qu’elle est dans la droite ligne des personnages féminins validés par Besson. En tant que designers, nous avons essayé autant que possible de s’extraire de certaines références, mais à un moment, les choses nous échappent et la logique du processus est allée dans ce sens.

Le montage, très rapide, est caractéristique du style Besson.
Oui, et parfois, je trouve même que cela va trop vite. Il y a des passages du film comme la bataille des moustiques, qui devient presque hermétique à cause de cette vitesse, mais ce n’est que mon avis. Après, il est vrai que les enfants d’aujourd’hui sont prêts à ce genre de montage cut-cut. Mais les plus petits pourront avoir du mal avec cela.

Avez-vous une émotion particulière que vous avez ressentie lors du processus de création du film, que vous voudriez partager avec nous ?
Il y a eu beaucoup. Mais je pense que lorsque les maquettistes sont arrivés pour construire l’univers des Minimoys, c’était vraiment génial car enfin, cela commençait à sortir du papier, de la 2D. C’était là et ça prenait forme, ce qui faisait de ce moment quelque chose d’émouvant.

Arthur a été abondamment couvert par les médias. Mais y a-t-il un aspect du film qui n’a pas été suffisamment évoqué à votre goût et sur lequel vous voudriez attirer notre attention ?
La poésie de ma femme. Elle écrit des choses fabuleuses qu’elle est prête à jeter, et elle me scotche. Si elle écrivait enfermée dans une pièce, je prendrais tout ce qui tomberait de sa table pour le divulguer au monde entier !

Quels sont vos projets ?
Pour l’instant, je n’ai pas été rappelé pour le prochain Arthur. Sinon, j’ai un projet de série de marrionnettes pour les enfants, et un truc sur l’environnement, sur les forêts, afin d’aider les enfants à avoir un regard sur un arbre, une fleur, des choses simples.

Etes-vous sensible à l’art de Myiazaki ?
J’adore ! J’adore sa façon de voir les enfants. C’est un maître de l’animation qui a une sensibilité extrême, et quand il montre des enfants, il a des gestes justes. Il vous emporte dans son monde, il vous emporterait n’importe où. Et il a un vrai rapport à la nature, que ce soit dans Mon Voisin Totoro ou dans le Château dans le Ciel.

Et vous aimeriez travailler dans ce sens, donc ?
Ce n’est pas que j’aimerais. Cela se fait tout seul. Je ne me pose pas la question. C’est une mouvance personnelle. Les peintures person que je fais sont très panthéistes. Je ne peux pas faire autre chose. J’ai même écrit un séquencier avec une sorte de rencontre du troisième type, mais avec rien d’extraordinaire, pas d’extraterrestre ou autre. C’est plutôt la rencontre et l’acceptation de l’autre, qu’on ne comprend pas, qui est complètement différent. Mais il se passe des choses au delà des mots qui font que l’autre est magnifique, que l’être humain est magnifique. Je suis plus dans cet optimisme suicidaire !…

12 December 2006

Arthur et les Minimoys - Entretien avec Patrice Garcia

Sauver sa maison d’un promoteur véreux quand on n’a que 10 ans, c’est déjà pas facile. Mais sauver un monde entier de la destruction quand on ne mesure que 2 millimètres, c’est carrément « mission impossible » !
Pourtant, les spectateurs d’Arthur et les Minimoys vont pouvoir s’apercevoir que la valeur n’attend ni le nombre des années… ni la taille !
Tout comme pour la création du film. De prémisses intimes et délicats créés par Céline et Patrick Garcia, Luc Besson est parvenu a créer un véritable univers unissant la magie de l’animation aux prises de vue réelles, avec sa patte si caractéristique, nerveuse et naïve à la fois.
C’est encore sous le charme du film que Inter-activities a eu le plaisir de pouvoir en discuter avec son directeur artistique, Patrice Garcia, lors de l’avant-première toulonaise. Un petit entretien pour un grand artiste à l’origine des Minimoys…

Quelles sont les origines d’Arthur et les Minimoys ?

Patrice GARCIA) A l’origine, Arthur, c’était un recueil de lettres d’amour écrites par Céline Garcia, avec des images de petits lutins. Céline a inventé toute cette histoire à partir de souvenirs de son enfance, de parents, d’amis, de voisins. En fait, monsieur Davido, c’était un voisin qu’on avait à l’époque, et Bétamèche s’appelle en réalité Julien, un petit garçon de cinq ans aujourd’hui, etc. L’histoire existait donc avant qu’on propose ce livre de lettres d’amour. Et c’est en les lisant que Luc et la maison d’édition d’Europa, Intervista, nous ont proposé d’en faire un film. Un pilote a été alors fabriqué pour savoir si le projet était envisageable, et combien ça allait coûter. Tout est aussi parti de petites photos faites dans mon jardin avec des personnages en papier découpé posés dans l’herbe, photographiés et retravaillés avec Photoshop. Comme vous le voyez, ce grand projet est né de toutes petites choses…

Comment s’est passée la rencontre entre Luc Besson et les Minimoys ?

En fait, quand Besson a vu les images, il a adoré le tout premier personnage d’Arthur. C’était pourtant une toute petite aquarelle sur papier, un peu mal foutue –et ce devait être pourtant la couverture des premiers livres. Ce petit personnage lui a plu, a évoqué chez lui quelque chose de tendre.. dans ce monde de brutes. Il a donc flashé et c’est ainsi qu’il a pris le parti de dépenser un peu d’argent pour voir si c’était faisable en film. Je pense tout simplement qu’il a été touché par cet univers, tout comme les gosses qui ont découvert les premières couvertures de livres. A partir de là, Luc a décidé, avec sa puissance de tir industrielle du cinéma, de jouer le jeu. Les choix techniques du pilote étaient complètement à l’opposé du résultat final – vous le découvrirez probablement dans les bonus du dvd-, mais cela a prouvé qu’une telle approche, hybride, était tout à fait envisageable, une 3D, certes, mais avec une patine intéressante à mon goût.

Où avez-vous puisé votre inspiration pour les personnages d’Arthur, des minimoys aux séides ?

Dans les choix de départ, j’ai été très inspiré par le travail de Patrick Woodroffe, un peintre anglais, qui avait travaillé sur ce principe de petits bonhommes qu’il fabriquait et qu’il mettait en situation pour un ouvrage qui s’appelait Hallelujah Anyway et j’avais trouvé cela intéressant. Ce fut ma première source d’inspiration. Ensuite, j’ai vu des films et j’ai lu des livres sur cet univers, ce monde de féérie qui fait partie de ma culture et j’en ai fait un mix. Quand on se retrouve à travailler sur un projet comme celui-ci, on doit digérer beaucoup de choses d’Europe de l’Est, de Bilal, etc, de sorte à arriver à un univers cohérent, ayant une résonnance pour chaque spectateur.

Pour le grand public, Arthur a tout d’abord été un succès d’édition.

En fait, le livre a été écrit après le scénario. Il y a d’abord eu un séquencier d’à peu près 80 pages fourni par Céline Garcia, qui a été livré après un long moment d’attente car c’était une grosse machine qui devait être lancée. Luc a récupéré ce séquencier, a écrit un scénario et suite à cela il a écrit les deux premiers tomes d’Arthur qui ont amené le film.

Quand on regarde les couvertures des livres, on s’aperçoit que le design des personnages a changé.

Ca a changé, ça a évolué. Certains personnages ont été créés très vite, tandis qu’il a fallu quatre ans pour Sélénia. Et ce n’est même pas moi qui ait trouvé sa forme définitive, mais un des membres de Buf. Cette Sélénia est vraiment une chipie !

Le casting vocal du film est très impressionnant.

C’était un véritable jouet pour Besson et je crois qu’il s’est fait plaisir en travaillant avec les artistes qui ont participé à cette croisade. Le fait de faire appel à des stars pour le doublage de dessins animés fait partie du système, et je crois qu’il est parti de là pour pouvoir travailler avec Bashung, Farmer, Lavoine… On aurait pu prendre d’autres voix, mais c’était vraiment son désir de faire ainsi.

L’histoire se déroule aux Etats-Unis, dans le Connecticut. Pourquoi ce choix pour un film imaginé en France ?

Je pense que c’était un choix de Luc de basculer tout cela vers les Etats Unis. On a longtemps réfléchi pour savoir si on restait en France ou pas. Mais vu qu’on travaillait sur un produit destiné au marché international, il valait mieux s’ouvrir cette porte vers l’Amérique, sachant que les Américains sont très frileux par rapport aux pays étrangers. Dans le même temps, je sais que l’Amérique des années 50 amuse beaucoup Luc Besson, et il a donc basculé du côté qui l’amusait.

Un film en 3D entièrement animé en France: une première à souligner!

Oui, et c’est à espérer que cela se reproduise. L’animation française, ce sont en général de petites et moyennes productions. Quand on en arrive à ce genre de choses, c’est du gros. On était jamais allé là dans la production française de l’animation. Besson et Europa ont mis tous leurs moyens pour mener ce projet à bien. Tout le monde était d’accord sur le fait que cela allait ouvrir des portes à ce regard particulier qu’on a sur l’animation en France. Il était très intéressant que ce travail soit, au final, très respectable pour que les gens puissent considérer l’animation française comme un cinéma à part entière. Ce qu’on a pu observer sur Kirikou ou d’autres films. Notre démarche n’avait rien de prétentieux du tout. C’était simplement se dire qu’on pouvait aller encore plus loin. Et Europa avait les capacités pour que ce produit existe. C’est un rêve que le monde de la production puisse voir l’animation sous un autre angle. L’animation japonaise ou américaine, c’est très bien, mais il y a l’Europe…Europa.

Une animation produite par la société Buf Compagnie, à qui l’on doit également l’animation de Silent Hill et The Prestige.

Buf Compagnie, c’est la société qui s’est occupée de finaliser toute la partie Minimoys, mais aussi toute la partie live du film, avec les comédiens, qui a subi un traitement numérique. C’est eux qui ont modélisé, refabriqué les décors en 3D et animé. C’était un travail énorme avec des centaines de personnes. Les gens de Buf et Compagnie ont été exemplaires et ont beaucoup donné sur cette production. Nous avons eu plus de 100 graphistes à l’ouvrage, et cela a beaucoup tourné car les gens se sont épuisés et ils ont été obligés de les changer.

Quels furent vos choix artistiques quant à la technique d’animation utilisée ?

En fait, je ne voulais pas qu’il y ait de motion capture car c’est lourd à récupérer comme information. L’idéal s’est révélé être de tourner d’abord avec des comédiens. D’entrée, c’était positionné comme cela, y compris sur le pilote. Nous voulions que des comédiens qui insufflent le jeu, les mimiques, des petites finesses afin de faciliter le travail de l’animateur qui se retrouve confronté sinon à un exercice purement technique. Il fallait donc qu’on nourrisse les animateurs. On a filmé des acteurs sur un grand plateau, cadrés comme les personnages allaient apparaître à l’écran. Et sur leurs ordinateurs, les gens qui faisaient la 3D repassaient ce film en petit sur leur écran, et à côté, ils redessinaient à leur manière les mouvements et les attitudes des comédiens.

Comme les Disney des années 50…

Exactement. Et ça nourrit l’animateur qui se passe sa scène en continu et ne fait qu’accentuer tel ou tel trait. On a aussi fait cela pour gagner du temps parce que si on laissait les animateurs dans une sorte de création dans le jeu, cela aurait été beaucoup plus long. Il a donc fallu canaliser les équipes techniques pour qu’elles soient sur la même longueur d’onde.

A quels logiciels avez vous fait appel pour l'animation 3D?

Ce ne sont que des logiciels maison qui ont été utilisés pour ce film.

Arthur, c'est une saga en quatre tomes dont deux seulement ont été portés à ce jourà l'écran. Peut-on espérer une suite?

Il y aura une suite, normalement. Besson vient de l’annoncer. Et sa fabrication est sensée commencer l’année qui vient. Deux autres films normalement.

Arthur et les Minimoys a mis cinq ans pour voir le jour. Devra-t-on attendre autant ?

Non, parce que tout ce qui a pris beaucoup de temps à être fabriqué est là dans les ordinateurs ce qui va réduire le temps de fabrication.

Merci à Roselyne, Patrice & Alain

Lost - Les Disparus: Entretien avec Michael GIACCHINO

48 survivants, rescapés d’un mystérieux crash aérien. Une île d’apparence paradisiaque. Vaste, calme mais oppressante, avec derrière chaque arbre, chaque buisson, chaque montagne, la terrible possilibilité de voir surgir une créature féroce, un phénomène inexpliqué ou d’ « autres » gens, à l’image d’Ethan Rom (anagramme d’ « other man »), aux intentions plus que douteuses. Entre huis clos intimiste et scènes d’actions fantastiques, LOST est une expérience inédite, tant sur le plan narratif que musical, dont il est difficile de ne pas devenir accro. La sortie de la saison 2 en DVD saura-t-elle lever le voile ? C’est ce que nous avons tenté d’élucider avec le compositeur Michael Giacchino (ALIAS, LES INDESTRUCTIBLES, MISSON : IMPOSSIBLE 3).

La musique de LOST est très expérimentale, mais en même temps très humaine. Comment la décririez-vous ?

MG) Dans LOST, il y a certes beaucoup de matériel expérimental, mais il n'en demeure pas moins thématique. Même dans ce contexte très atmosphérique, j'essaie autant que possible de rester thématique. Chaque personnage de la série a son propre thème et chacun d'eux est exploré et développé en fonction des événements. Au milieu de toute cette folie expérimentale, on trouve vraiment des mélodies beaucoup plus classiques, beaucoup plus terre à terre. C'est toute l'âme humaine qui peuple cette île.

En parlant de thèmes récurrents, certains épisodes finissent sur le même thème, à la fois sobre et envoûtant aux cordes.

MG)J'apprécie beaucoup que la série me permette de faire ce genre de choses. Beaucoup de séries finissent leurs épisodes en balançant une chanson. J.J. fait partie des rares personnes dans le métier à vous autoriser à conclure des épisodes avec une musique originale, et je pense que cela fonctionne beaucoup mieux. Cela permet de garder l'ensemble unifié du point de vue thématique. On retrouve d'ailleurs bon nombre de ces musiques de fin sur l'album.

Comme vous l’avez dit, chaque personnage a son propre thème, mais l'île en a-t-elle?

MG)Elle a un petit motif obsédant de cinq notes qui se répètent sans cesse. C'est un motif très simple et mystérieux à la fois, quelque chose d'impalpable. Il y a aussi deux autres sous-motifs que j'ai créés pour les moments où les naufragés explorent l'île.

Au vu de la progression musicale des deux saisons, on a l'impression de retrouver la même stratégie que celle que vous avez développée au fil de la série ALIAS, à savoir le passage d'une musique atmosphérique, abstraite, à une musique de plus en plus thématique et orchestrale, à mesure que la personnalité des personnages est approfondie.

MG)Absolument. Si l'on fait son travail sérieusement, c'est ce qu'il faut faire : suivre au plus près l'évolution de l'histoire et donc des personnages. La particularité de LOST, c'est qu'à mesure que l'histoire avance, on pénètre de plus en plus profondément dans la vie de ses héros, non seulement en ce qui concerne leur vie sur l'île, mais également en ce qui concerne ce qui leur est arrivé dans le passé, que l'on découvre au cours des fameux "flash-back". L'idée est qu'à la fin de ce voyage, on connaîtra véritablement tous les aspects, tous les recoins de la personnalité de ces personnages, ce qui, musicalement parlant, implique le développement d'un canevas quasi infini.

Au niveau de l'écriture, y a-t-il des passerelles entre ALIAS et LOST?

MG)Tout à fait. Parfois, quand j'ai trouvé quelque chose de particulièrement efficace ou amusant sur LOST, on me demande de l'utiliser également dans ALIAS. Cependant, j'essaie autant que possible de garder les deux séries nettement séparées, de sorte qu'elles gardent chacune leur propre identité. De fait, elles sont nettement différentes, mais certains éléments peuvent transpirer de l'une à l'autre, comme ils ont pu transpirer des séries à MISSION IMPOSSIBLE 3.

Certains indices quasi-subliminaux à propos de l'île parcourent la série. Y a-t-il un "lost-code" musical?

MG)J'y ai souvent songé, mais je n'ai jamais rien fait de tel délibérément. Principalement parce que je n'ai que deux jours pour écrire et orchestrer la musique d'un épisode : je n'ai pas vraiment le temps d'envisager autre chose. Mais je le ferai sans doute un jour ou l'autre. Cela me plairait bien! J’espère seulement ne pas me perdre en chemin !

Avez-vous une théorie quant à la vraie nature de ces phénomènes et de cette île?

MG)J'ai lu à peu près tout ce qu'on a écrit sur le sujet. Pour ma part, je pense que cela a à voir avec la spiritualité. Ce que cela signifie pour chacun d'entre nous et comment cela nous relie à l'endroit où nous vivons, notre planète. C'est une manière fascinante d'examiner tout ce que les gens ont pu faire dans leur vie et de voir comment chaque décision peut nous amener quelque part, en un endroit unique qu'on ignorait avant d'y être arrivé. C'est un véritable regard sur la vie, sur le sens de la vie. Je n'essaie pas de voir plus loin ; j'essaie seulement de vivre au mieux l'expérience de chaque épisode.

Les titres de vos morceaux sont plutôt amusants, avec parfois de savoureux jeux de mots comme The Eyeland

MG)La plupart du temps, c'est mon monteur musique, Steven Davis, qui nomme mes morceaux. C'est quelqu'un de très drôle. En ce qui concerne la pièce que vous citez, c'était une façon de souligner le fait que la première chose que l'on voit dans le pilote de la série est un œil, celui de Jack, juste après le naufrage.

Il y a aussi Monsters Are Such Innnnnteresting People!

MG)(rires) Celui-ci est tiré d'un vieux cartoon de Bugs Bunny!

Ce brin d'humour dans une série aussi sérieuse est très rafraîchissant.

MG)Le fait est que nous nous amusons beaucoup sur cette série, et notamment lors des séances d'enregistrement. C'est une merveilleuse ambiance de travail!


FreeCompteur.comFreeCompteur Live

10 December 2006

SHEITAN, Entretien de N'GUYEN LE, par Christine BLANC


« Seigneur, ne leur pardonnez pas car ils savent ce qu’ils font »

La veille de Noël, Bart, Ladj, Thai, Yasmine et Eve quittent une soirée qui a mal tournée. Eve, très allumeuse, les invite chez elle. Mais lorsque la jeunesse des villes se retrouve dans les griffes de Joseph, l'étrange gardien de sa maison de campagne, la rencontre bascule dans le conte sanglant...


Sheitan est un film Diabolique. Soit vous adorerez, soit vous le détesterez. Mais personne n'y sera insensible. Une première dans l'univers cinématographique français, dans lequel Kim Chapiron nous emmène faire une virée hallucinante, dans la campagne profonde. Un groupe de jeunes de la banlieue font une virée chez un berger déjanté, préparant une nuit de culte santaniste. Ambiance glauque, athmosphère malsaine, violence, humour noir, cynisme et sadisme sont de la partie.
C'est un compositeur franco- vietnamien NGuyen Lê que Kim à choisi pour composer une partition très variée comme les origines multi ethniques, dynamique pour accompagner la rencontre explosive d'un univers urbain avec un monde rural démoniaque!

Au commencement il y eut...


Monsieur, NGUYEN Lê, pouvez vous nous raconter comment vous avez commencé à apprécier et à pratiquer la musique ?

NL-J'ai commencé la musique très tard. D'ailleurs, les premières notes qui m'ont vraiment marqué sont celles de Deep Purple, j'étais alors en classe de 6eme. L'énergie et l'électricité du hard rock m'ont plu. J'ai toujours gardé ces 2 éléments, pour moi proches de la transe, dans mon jeu. Puis j'ai été batteur dans un groupe de lycée. Notre musique était déjà très improvisée, avec une couleur King Crimson. Un jour, le guitariste a laissé son instrument chez moi. J'ai pris sa guitare et j'ai ressenti un nouveau déclic. C'est donc à l'âge de 16 ans que j'ai définitivement choisi la guitare. J'ai alors commencé un apprentissage en autodidacte, ce que je suis resté jusqu'au bout.
Quel est votre parcours (formations, expériences,...)

NL-Principalement : Ultramarine, l'ONJ, puis mes disques solo.

Quels sont vos goûts musicaux, (type de musique, musiciens, compositeurs favoris, instruments de prédilection...)?

NL-La musique européenne classique (Bach, Mozart) & moderne (Debussy, Ravel, Bartok). Le Blues des origines (Big Bill Bronzy & Albert King) Le Jazz, de Django Reinhardt à Miles Davis. Le Rock de Jimi Hendrix, Le Funk de Prince. Les musiques traditionelles de tous les pays, du Vietnam au Mali en passant par l'Inde. En quoi cela vous influence dans vos diverses activités musicales.


Quel impact dans vos compositions ?

NL-Tout est là, d'une maniere ou d'une autre, à un moment ou un autre. Je crée mon identité en puisant dans tout ce qui m'a formé & en me le réappropriant.

On connaît votre fascination pour Jimi Hendrix. Est t’il en quelque sorte un mentor pour vous, un guide spirituel, qu’est ce qu’il représente pour vous d’un point de vue humain, mais aussi musical ?

NL-C'est un père car il a inventé l'instrument que je joue, la guitare électrique. Je lui dois donc cet hommage, mais comme avec tous les pères, nous devons nous libérer de cet héritage pour devenir nous mêmes. C'est aussi le symbole d'une génération & un des premiers musiciens noirs à avoir eu le succes aupres du public blanc.




De même, comment conciliez vous vos origines Vietnamiennes et votre éducation Française. Comment gérez vous cela d’un point de vue musical ?

NL-Mon premier projet abouti dans cette problématique a été le projet " Tales from Viêt-Nam"(CD en 1996). Depuis mon 1er CD "Miracles" je voulais faire quelque chose autour de mes racines, mais il n'y avait rien de très abouti jusque là. J'ai donc attendu de me sentir assez "mature" - d'avoir acquis une certaine maitrise du language jazz - pour faire " Tales from Viêt-Nam". Travailler sur le répertoire, le phrasé & avec des musiciens traditionnels a été pour moi une manière de retrouver la vérité de mes racines, mais aussi, en quelque sorte, de dire à mes ancêtres : " voilà comment je comprends votre culture et comment je la rends mienne ". Pour moi, le Viêt-Nam ne va pas de soi : La part qui en émerge de moi, je l'en ai fait sortir, comme une tradition réinventée. Pour moi, il y a un avant et un après ce disque. Depuis, je continue cette mission que je me suis donnée : faire aimer la musique & l'ame vietnamienne au plus grand monde, & l'amener à la modernité avec plusieurs CD avec la chanteuse Huong Thanh.

Dans Le Club

Comment avez vous eu l'opportunité ou l'envie de travailler dans la composition de musiques de film?
NL-Kim Chapiron est le fils d'une amie vietnamienne de longue date. Il adorait mes albums avec Huong Thanh & a insisté pour que je sois le compositeur de son 1er long métrage "Sheitan". J'adorais son travail chez Kourtrajmé & j'ai accepté avec enthousiasme. Mais ce film n'avait rien à voir avec le Vietnam. Au contraire du 2e film, "Saigon Eclipse" d'Othello Khanh (à paraitre en 2007), son directeur musical Alex Sosno connaissait mon travail sur la musique du Vietnam : ce film étant réalisé par une société basée à Saigon, nous avions les mêmes problématiques de "modernité vietnamienne". Je ne pouvais qu'être le compositeur de ce film.



Pouvez vous nous décrire vos processus d'écriture ? (Contexte, rituels, matériel technique...)

NL-Pour les musiques de films le réalisateur a toujours des idées sonores autour de ses images. Je les mets en oeuvre musicalement tout en proposant ma propre musique en même temps. Tout se fait devant l'ordinateur (un Mac) avec le logiciel de musique Digital Performer, qui permet de visualiser le film & de synchroniser très précisément la musique.

Vous êtes musicien de Jazz. Vous expliquiez dans une interview que cela vous permettait de réunir diverses influences. Pouvez vous nous en dire un peu plus ? NL-Le Jazz est une musique d'improvisation, basée sur l'écoute & le jeu avec les autres ("interplay"). Il y a un esprit d'ouverture inhérent à cette musique qui peut du coup se lier à d'autres plus facilement si on en a le sincère désir.

En quoi le Jazz vous influence dans la musique de film ? NL-Je ne pense pas du tout au Jazz dans ce contexte. Si on a besoin d'un son "Jazz" à cause d'une certaine scène, je le ferai bien sur. Quel impact sur votre carrière ont vos différentes origines culturelles ? La nationalité française à t-elle été pour vous un handicap ou un avantage dans le milieu cinématographique et musical ?

NL-Je ne me pose pas la question - j'avance avec ce que je suis. Par rapport au Jazz qui est une musique américaine, je peux penser que si j'habitais NYC j'aurais eu un succès plus rapide & large. Mais ce n'est pas ma plus grande préoccupation.



Comment avez vous choisi d’utiliser telle orientation musicale par rapport a telle ou telle scène ?

NL-Kim a toujours été le décisionnaire.

Concernant plus particulièrement votre travail pour Sheitan, on sent dans votre partition plusieurs orientions musicales. Pouvez vous nous les décrire ?

NL-La partie rythmique/festive étant aussurée par les rappeurs amis de Kim, mon travail était de développer 2 aspects que le rap ne pouvait faire : le rêve & la poésie d'une part, & le suspense, la tension & l'angoisse d'autre part. Le 1er coté a été très mélodique, autour d'une berceuse de Noel qui a subi plusieurs déclinaisons, des plus enfantines aux plus étranges. Le 2e coté était un travail électro-acoustique sur des sons sans origine distincte mais à fort pouvoir émotionnel.

Quelles ont été les directives qui vous ont été données pour votre travail: Temps imparti, moyens humains, financiers et matériels (partition temporaire, choix orchestre...) ?

NL- L'aventure a duré a peu près un an. A la fin c'était de plus en plus pressé car j'étais tout le temps en tournée. La production m'a demandé une maquette de mes ébauches au début. Pour l'orchestre & la partiton j'avais la liberté de mes choix.


Pouvez vous nous parler de votre collaboration avec le réalisateur, le directeur et le reste de l’équipe? Y a t’il eu bonne entente ? Aviez vous la même vision, les mêmes conceptions, les mêmes orientations?

NL-Je n'ai travaillé qu'avec Kim qui était très directif dans les moindres détails. Il y a une équipe comme dans tout film, mais je n'ai pas eu vraiment de contacts avec eux, juste un peu avec le monteur puis l'équipe du mixage & de sound design pour une bonne collaboration surtout technique.

Avez vous utilisé l'informatique ? Dans quelle proportion et à quelle fin ? Avez vous utilisé des instruments traditionnels, spéciaux ?

NL-Au début du travail j'ai constitué une banque de sons enregistrés à partir d'un piano préparé ou joué à l'intérieur avec des objets. Après traitement électronique ils sont devenus une sorte de "vocabulaire d'ambiances" souvent reliés a des scenes ou des personnages précis. Le Mac était au centre de la production musicale, du début à la fin. A la fin j'ai remplacé quelques parties par des vrais instruments (marimba, glockenspiel, flutes, harpe) qui au moment de l'écriture était simulés par des synthés/samplers.

Avez vous travaillé avec un orchestre, quelle était sa taille ? Votre budget temps et financier?

NL-Le budget était maigre car c'était le 1er long métrage de Kim. Je n'ai pas eu besoin d'orchestre, Kim n'ayant pas le désir de cette sonorité.




Votre score est-il thématique, ambiantal,... ? Pouvez vous expliquer vos orientations et choix en la matière. Vous participez depuis de nombreuses années à des concerts, vous produisez vos propres albums… Est ce que cette expérience cinématographique va changer vos activités musicales ? Etes vous satisfait du milieu de la musique de film ou préférez vous ne pas renouveler dans cette voie ? NL-La musique de film est qqch de très différent de la maniere dont je fais la musique habituellement. D'abord parce que dans le film chaque note a une fonction & un sens, chaque musique sert l'image (& non le contraire). Je ne fais jamais d'habitude la musique pour que ça soit triste ou angoissant. Je préfère qu'elle soit abstraite pour que chacun puisse voyager dessus. Ensuite parce que je ne suis pas le "chef d'orchestre", au contraire de la majorité de mes projets habituels. Ce manque de liberté peut être qqfois frustrant, mais en même temps l'expérience de créer une musique qui porte & magnifie l'image peut être merveilleuse & exhaltant.

Saigon Remix

Vous m'avez dit être très occupé actuellement et pour une longue période, sur quoi travaillez vous actuellement, et pouvez vous nous dire quels sont vos projets futurs ?

NL-Je viens de finir une commande d'écriture pour un trio de musiciennes classiques coréennes basées à NYC, le "Ahn Trio" (que m'a d'ailleurs présenté Kim Chapiron). Il y aura une création au festival Laguna Beach à LA en janvier. Auparavant je finissais le score de ma 2e musique de film "Saigon Eclipse". Maintenant je commence l'écriture d'un 4e album pour Huong Thanh. Le tout tout en continuant concerts & tournées dans le monde entier (voir "planning" sur mon site)


Si vous pouviez choisir un de vos prochain projet, sur quel type de film, avec quel réalisateur, directeur, acteurs voudriez vos travailler ?

NL-J'aimerais travailler sur un film qui serait écrit à partir d'une musique que j'aurais écrite ! :=)


Auriez vous un message particulier à passer aux lecteurs de cet interview ? NL-NL-Peace !

Un film avec:


Vincent Cassel, Roxane Mesquida, Olivier Barthelemy, Ladj Ly, Nico Le Phat Tan, Leïla Bekhti, Julie-Marie Parmentier, Monica Bellucci.

FreeCompteur.comFreeCompteur Live

07 December 2006

JEFF DANNA & AKIRA YAMAOKA: DES OMBRES DANS LE BROUILLARD DE SILENT HILL






SILENT HILL pourrait n’être qu’un film de plus sur la liste des adaptations cinématographiques de jeux vidéo du type « survival-horror » (RESIDENT EVIL , ALONE IN THE DARK…). Cependant, à scruter plus avant à travers l’épais brouillard qui obscurcit les rues sinistrement désertes de Silent Hill, l’on pourra y faire d’étranges rencontres. Au détour des ruelles de la ville, il est des créatures inquiétantes, bien connues des joueurs de la série des quatre SILENT HILL, que l’on n’aimerait pas croiser sur son chemin. Mais il est aussi de ces joueurs qui ont dû passer des nuits blanches terrifiques, encore plus tourmentées que leurs pires cauchemars, à errer dans cet environnement étrange, dans cette ambiance fortement oppressante. Et parmi ces joueurs c’est un team de grands fans de jeux vidéo et personnalités illustres tout droit sorties des entrailles du cinéma qui ont réussi à convaincre l’éditeur de jeux Konami d’adapter SILENT HILL sur grand écran. Christophe Gans (LE PACTE DES LOUPS, CRYING FREEMAN) a su fédérer des joueurs émérites tel le cinéaste trash Roger Avary (KILLING ZOE, LES LOIS DE L’ATTRACTION) ainsi que le scénariste Nicolas Boukhrief (LE CONVOYEUR) pour créer un film qui pourra autant satisfaire les fans du jeu que les novices à la recherche de nouvelles sensations. Il fallait aussi un partenaire au sang froid pour aider Rose, la maman de Sharon, dans sa quête. Quelqu’un qui a déjà participé à l’adaptation musicale de RESIDENT EVIL APOCALYPSE et avec qui nous avions déjà eu le plaisir de discuter à ce propos : Jeff Danna, fortement imprégné de l’ambiance sonore du jeu imaginée par le japonais Akira Yamaoka.
Retrouvailles aux portes de l’enfer…


TRAVERSING THE PORTALS OF REALITY

Comment-êtes vous arrivé sur ce projet ?
Jeff DANNA) C’est l’un des producteurs de SILENT HILL, qui me connaissait bien, qui a parlé de moi à Christophe Gans. Ce dernier s’est souvenu qu’il avait beaucoup aimé ma musique pour THE GOSPEL OF JOHN. Il m’a donc donné un rendez-vous, et tout est parti de là.

Etes-vous personnellement un fan de jeux vidéos ?
JD) Je dois dire que je n’ai pas vraiment le temps de jouer aux jeux vidéo. Par contre, j’ai un petit garçon de huit ans qui y joue régulièrement. Mais il est trop petit pour jouer à des jeux comme SILENT HILL. Cependant, quand j’ai su que j’allais travailler sur ce projet, j’ai pris le temps d’y jouer, afin de mieux comprendre l’ambiance du jeu.



Auquel des quatre jeux avez-vous joué ?
JD) Au deuxième, car les cinéastes m’ont dit que leur film était principalement basé sur le deuxième et, dans une moindre mesure sur le troisième.

Comment l’avez-vous trouvé ?
JD) Je l’ai beaucoup aimé. C’est un jeu très psychologique et non un simple shoot’em up. C’est un jeu à la fois très intéressant et très dérangeant qui en fait une expérience très forte.

Comment trouvez-vous la musique conçue par Akira Yamaoka pour les jeux ?
JD) C’est une musique très intéressante et très inhabituelle. J’aime beaucoup cette originalité.
Il a su créer un monde unique propre au jeu. Mais je ne parlerai pas vraiment de musique au sens musical du terme. Il s’agit plutôt d’un design sonore. Et cela fonctionne parfaitement dans le contexte du jeu.


THE DARKNESS THAT LURKS IN OUR MIND

Akira Yamaoka est crédité à vos côtés pour la musique du film. Quels furent vos rapports avec lui ?
JD) Toute la musique du film est basée sur sa musique. Très souvent, j’ai eu à retrouver les sonorités qu’il avait créées pour le jeu. Ce qui fait que, parfois, je me suis tourné vers lui pour lui demander quelle technique il avait utilisé pour produire ses sons, de sorte que je puisse m’en approcher le plus possible. Christophe était déterminé à faire de son film une expérience en live du jeu, que ce soit du point de vue visuel, du point de vue des effets sonores ou encore de la musique. Et je trouve qu’il a parfaitement réussi : le film est très fort, très impressionnant. C’est ce qui justifie qu’il y a eu beaucoup d’interactions entre Akira et moi, par le biais d’un traducteur, afin d’être le plus fidèle possible aux sons et textures qu’il a créés.



Akira Yamaoka ne connaît pas le solfège. Cela fut-il difficile de communiquer avec un musicien qui ne partage pas le même langage musical ?
JD) Pas tant que cela parce que nous parlions de sa musique et qu’elle n’a pas besoin de connaissances solfégiques. Si nous avions parlé de l’œuvre de Miklos Rosza, cela aurait sans doute posé problème. Mais dans la mesure où il s’agissait de recréer la musique d’Akira, notre discours a porté sur le design sonore qu’il a crée pour le monde de SILENT HILL. Parfois même, il m’a envoyé une transcription pour piano afin que je soie sûr que l’information passe bien.



Les différences culturelles entre le Japon et les Etats-Unis furent elles un obstacle pour entrer dans cet univers musical ?
JD) Le film que Christophe a réalisé ne peut pas vraiment être qualifié d’américain, ce qui est, je pense, tout à son honneur. On ne peut faire l’économie de certaines références japonaises, dans la mesure où elles font partie du jeu, mais le film est aussi très européen. Dès le départ, Christophe savait qu’il ne se situerait pas dans la norme des productions américaines en matière de films d’horreur. Et je pense qu’il a parfaitement réussi à éviter les clichés de ce genre. Son œuvre est vraiment originale, associant des influences très variées.

On compte de plus en plus de films inspirés par des jeux vidéos : RESIDENT EVIL, MORTAL KOMBAT, TOMB RAIDER… Qu’apporte SILENT HILL de nouveau à ce genre ?
JD) C’est une approche définitivement différente de celle des films que vous mentionnez, notamment par la force psychologique qui s’en dégage. C’est là son originalité et ce qui fait qu’on ne peut qu’être troublé par ce film. C’est une œuvre à part, inclassable.


FOLLOW THE LEADER

Quelle fut votre relation de travail avec Christophe Gans ?
JD) Nous nous sommes très bien entendus. J’ai beaucoup de respect pour lui en tant que réalisateur. C’est quelqu’un d’unique et qui tient absolument à être original, à éviter les clichés, chose que j’admire beaucoup. Il est très agréable de travailler avec quelqu’un de si créatif. C’est aussi très libérateur d’avoir la possibilité de refuser tous les poncifs.



Quel genre de musique découle de tout cela ?
JD) C’est la musique d’Akira qui est la source de tout. Le but du jeu était qu’on ne puisse pas déceler de différence entre sa partition et la mienne. Il fallait que je colle complètement à l’esthétique du jeu vidéo.

Avez-vous tout gardé de la musique des jeux ?
JD) Nous avons précisément discuté de cette question dès le début de la production avec Christophe et Sébastien, le monteur du film. Ils ont été très impliqués dans ce processus, dans cette sélection de ce qui, dans la musique d’Akira, devait rester dans le film, et ce qui ne le devait pas. Et nous sommes rapidement tombés d’accord à ce propos. Il y a tellement de matériel dans chaque jeu qu’il a fallu faire une sélection drastique. L’avantage de cela est qu’il y avait tellement de musique que, lorsque quelque chose ne fonctionnait pas, il était facile de trouver autre chose, toujours dans les jeux.



Cela fut il un problème pour vous en tant qu’artiste d’avoir à vous fondre dans le style d’un autre ?
JD) Pas du tout. En tant que compositeur de musiques de film, chaque projet est un nouveau challenge. En tant que tel, on est souvent amené à travailler en dehors des schémas classiques de composition. Pour moi, SILENT HILL est tout simplement une autre façon de faire de la musique. La musique d’Akira était parfaite pour le jeu et j’ai été ravi de l’adapter pour l’écran sous la direction de Christophe.

Avez-vous eu la possibilité de vous exprimer personnellement en dehors des critères de la musique du jeu ?
JD) Il y a en effet de ces moments dans le film. Mais je préfère ne pas vous dire lesquels, car Christophe tient absolument à ce qu’on ne sente aucune différence entre ma musique et celle du jeu. Bien sûr, notre film, de par sa nature même, avait besoin de scènes originales, qui ne se trouvent pas dans le jeu. Pour ces scènes, nos discussions ont porté sur une extrapolation de la musique d’Akira.


Quand même la mort n'est plus une issue

Est-ce que ce film vous a fait peur ?
JD) Il y a vraiment des moments, dans ce film, qui vous donnent la chair de poule. Ce ne sont vraiment des scènes qui vous feraient bondir de votre fauteuil, mais plutôt des moments à la psychologie malsaine. Le film est très efficace de ce point de vue, et c’est vraiment le sentiment que j’ai ressenti lorsque je l’ai visionné.



Comment avez-vous traduit cela en musique ?
JD) En sélectionnant et en m’inspirant des moments les plus oppressifs de la musique d’Akira pour le jeu.

Dans certains jeux, la musique est le seul élément qui laisse présager de l’arrivée d’un ennemi, alors invisible à l’écran, et d’un combat à venir. Votre musique a-t-elle cette fonction d’anticipation dans le film ?
JD) Parfois, oui. Mais la plupart du temps, Christophe a préféré laisser de côté cette technique empruntée aux films d’horreur traditionnels pour mieux privilégier les effets de surprise.

Cela ne vous empêche pas pour autant de jouer avec les nerfs du public !
JD) Absolument. Le film fait cela très bien par lui-même et la musique le suit avec plaisir. Inquiéter, terrifier, horrifier le public : autant d’effets que nous avons cherché à créer le plus efficacement possible par des moyens originaux. Il y beaucoup de musique dans le film, donc beaucoup de moyens d’expression différents que nous avons pu expérimenter, tant du point de vue des textures que des rythmes.


TERROR IN THE DEPHS OF THE FOG

Les couleurs très particulières du film et la texture spéciale du brouillard vous ont-elles inspirées dans votre design sonore ?
JD) Oui, même s’il s’avère que certains effets, comme le brouillard, n’ont été ajoutés qu’après. Mais globalement, les couleurs que vous voyez à l’écran sont telles qu’elles furent tournées. Christophe voulait limiter au maximum les apports infographiques. Cela apporte un réalisme et une crédibilité aux événements qui se passent dans le film. Le fait est que du point de vue cinématographique, cette histoire est racontée de façon très atmosphérique et la musique colle au plus près de ce type de narration.


Cela veut-il dire qu’il n’y a pas de thème du tout dans votre musique ?
JD) Pas du tout. Cela signifie seulement qu’il y a moins de musique « musicale », moins de thème au sens traditionnel, mélodique du terme que dans la plupart des films. Mais cela ne veut pas dire « pas de thèmes ». C’est seulement leur nature qui change. Il y a deux raisons à cela. D’une part, Christophe pensait que cette approche de la notion de thème était originale, et cette singularité lui plaisait. D’autre part, cela nous aurait par trop éloigné de la conception originale de la musique dans le jeu.

KILLED BY DEATH

Cette ambiance glauque est renforcée dans le jeu et dans le film par un certain nombre de bruits inquiétants qui vous entourent. Les avez-vous pris en compte dans votre façon de structurer la musique ?
JD) En fait dans le film, la majeure partie de ces bruits font partie de la musique elle-même et ont été conçus en tant que tels, comme c’est également le cas dans le jeu. Cependant, le timing est une part essentielle de l’écriture musicale. J’ai donc traité ces bruits comme des moments musicaux, et j’en ai tenu compte pour structurer ma musique autour des dialogues et pour organiser les interventions de l’orchestre.



Justement, pouvez vous nous parler de cet orchestre et de la façon dont vous l’avez utilisé ?
JD) Plutôt qu’un orchestre, je parlerai d’ensemble instrumental live : un piano, un violoncelle, un célesta, et une harpe. Parfois je les utilise seuls, en tant que groupe ou par soliste, mais la plupart du temps ils sont incorporés dans la texture sonore globale. Ils apportent une dimension humaine et émotionnelle à l’intrigue. Ils représentent quelque chose de chaleureux.

Comment avez-vous enregistré ces instruments ?
JD) Ma partition se compose principalement de samples de bruits (par exemple de grands morceaux de métal s’entrechoquant et traités numériquement) associés à des samples instrumentaux (piano, violoncelle, célesta) afin de bien synchroniser l’ensemble, et ce n’est qu’à la toute fin de la production que j’ai remplacé ces derniers par des instruments live. C’est d’ailleurs ce moment où tous les éléments sont finalement réunis et prennent vraiment sens par rapport au film, que je préfère.


Après vos expériences sur RESIDENT EVIL APOCALYPSE et SILENT HILL, avez-vous envie d’écrire la musique d’un jeu vidéo ?
JD) C’est en effet quelque chose qui m’intéresserait vraiment. Je n’évolue pas forcément dans les bons cercles pour le faire, mais je pense qu’il y a dans le jeu vidéo d’énormes possibilités créatives.

Seriez-vous prêt à faire un SILENT HILL 5 ?
JD) (Rires) Les jeux SILENT HILL seront toujours le territoire d’Akira, et c’est très bien ainsi. Pour ma part, je m’occuperais volontiers d’un jeu aussi sombre et psychologique. Mais je suis ouvert à tout car il me semble que le monde du jeu vidéo est encore plus large que celui de la musique de film !


Please, Mister Yamaoka, may you explain to us how a video game music works ? Are there loops, and how do they work to allow the music to get along with the progression of the player ?
Akira YAMAOKA) There are 3 ways.
1. You put sound source data in the Memory for sound in the game machine and have music played with the MIDI data. In short, you have the Memory in the game machine sound as the sampler. But game machines have the different type of Memories in the game and they are ordinarily very small like 2MB. Therefore, it is basically impossible to put Linear sound data (44.1khz/16bit). It should be 11khz/8bit and also be compressed by a specific technology. When you play the music it should be unzipped. Game sounds need high technology..
2. Second way is using movie system. This approach is adopted for non-interactive areas. It is mainly adopted for demo scenes and CG demos. In short this is the same as the movie DVD and therefore we only need to use the Linear data as it is and simply play it.
3. The third way is Streaming. This can only be adopted for the game which does not require the system to access DVD and CD that often to load the game data.
Basically we need to balance the access well to the media in order to play music by Linear. If the access is used only for playing music it would be impossible to load the game data. If the access is also used only for loading the game data the music can not be played.
Game programmers are required to their own technique to play music in accordance with the character movements. If you set a wireframe in the game the music will be played in accordance with the time and distance from the frame.



In the game, you created an oppressing and creepy musical atmosphere specific to Silent Hill. Was this atmosphere resumed in the film as you would have done it ? How did you put the fog, and the grey colors, and the restricted visual possibilities due to the fog and the strange noises into music ? How did you conceive your music for ennemies, heroes, and their relationship (friends, family, …), the feelings, fright, love. Are there themes ?
AY) Yes, I would have done the same. Ordinarily orchestra score is used for films but I will not use normal classical film scores. As I have done for the games I would have used my original sounds for film as well.
To make strange noises I took various approaches. For a scene I used software synthesizer and for another scene I used noises that were already made. Effect sounds and noises of the radio are mainly used with special effects.
Nothing in particular inspires me to conceive the idea of music the in-game characters. Love described in Silent Hill is general one and ideas come into my brain during normal life. But we describe the general love and fear from our original point of view.

How do you express musically an oppressive scene, how do you make the player’s stress go up ?
AY) Round of sound and silence is important for music and effect sounds. It is important to create musically original sounds but I think players will have fear from the round of sound and silence. I think it is important to create stream of time by creating no-sound period. It is more important when sound is off than how the sounds themselves are frightening.

How would you personally describe your music for the game, what instruments you used, what techniques, what sources of inspiration ? Jeff Danna speaks about your music as a sound design. Do you agree and may you explain why ?
AY) Game music is not music because the game itself comes first. There is a difference in creating game music and creating pure music. My main issue is how to create amazing interactive entertainment. There are areas in which players can exert something and there are many factors which work for footage, music and scenario. Music should go in the same direction as other factors. I should consider of how intensely I describe the information which stimulates players’ ears as one of the factors of a video game. I might as well contract with a Record company if I create pure music. And so I think what “Sound Design” Jeff mentioned might be the correct expression of my work.



Is the opposition between pop music (Laura’s theme) and atmospheric music a way to differenciate, to oppose humans from creatures ?
AY) I have never thought about it. J I think theme songs should be catchy like POP music. I put atmospheric sounds as well as POP and ROCK music. The contrast of the music is one of the feature of Silent Hill.

How did you approach the character of Laura ? Why this pop style ?
AY) Silent Hill 1 consists mainly of uncomfortable sounds. I cannot even bear listening to the SOUNDTRACK. J Then for Silent Hill 2 I decided to create an atmosphere which had never been used for games. I tried to destroy the game music. POP and melodious sounds were the antithesis for ordinary game music.

Are there cinematographic scenes litteraly taken from the video games ? What kind of music does accompany them ?
AY) Yes, there are many. Those who know the game would enjoy it more. For the scenes in the film which also exist in the game I used the same sounds. I heard that some effects should be added ordinarily and I used the in-game music and sounds without any effects.
How did you deal with cultural differences between Jeff Danna and you? What did these differences bring to both of you ?
I had no difficulty about it. It was fantastic that Jeff adjusted my music perfectly in the film.



You said once that you didn’t know how to read music. Is it difficult to talk with a traditional composer as Jeff Danna to collaborate with him in these conditions ?
AY) Jeff is in charge of supervision rather collaboration. I compose music and pass it to Jeff, and Jeff processes it with PRO TOOLS. All the music and sound for the game and film have been made by me.

Some time ago, there were announcements of a solo album of yours. What about this project at this time ?
AY) The project was completed and sold in Japan in the beginning of this year. It was received favourably and I would like to try the second Album.

Merci à Cécile Caminades - KONAMI


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