12 December 2006

Arthur et les Minimoys - Entretien avec Patrice Garcia

Sauver sa maison d’un promoteur véreux quand on n’a que 10 ans, c’est déjà pas facile. Mais sauver un monde entier de la destruction quand on ne mesure que 2 millimètres, c’est carrément « mission impossible » !
Pourtant, les spectateurs d’Arthur et les Minimoys vont pouvoir s’apercevoir que la valeur n’attend ni le nombre des années… ni la taille !
Tout comme pour la création du film. De prémisses intimes et délicats créés par Céline et Patrick Garcia, Luc Besson est parvenu a créer un véritable univers unissant la magie de l’animation aux prises de vue réelles, avec sa patte si caractéristique, nerveuse et naïve à la fois.
C’est encore sous le charme du film que Inter-activities a eu le plaisir de pouvoir en discuter avec son directeur artistique, Patrice Garcia, lors de l’avant-première toulonaise. Un petit entretien pour un grand artiste à l’origine des Minimoys…

Quelles sont les origines d’Arthur et les Minimoys ?

Patrice GARCIA) A l’origine, Arthur, c’était un recueil de lettres d’amour écrites par Céline Garcia, avec des images de petits lutins. Céline a inventé toute cette histoire à partir de souvenirs de son enfance, de parents, d’amis, de voisins. En fait, monsieur Davido, c’était un voisin qu’on avait à l’époque, et Bétamèche s’appelle en réalité Julien, un petit garçon de cinq ans aujourd’hui, etc. L’histoire existait donc avant qu’on propose ce livre de lettres d’amour. Et c’est en les lisant que Luc et la maison d’édition d’Europa, Intervista, nous ont proposé d’en faire un film. Un pilote a été alors fabriqué pour savoir si le projet était envisageable, et combien ça allait coûter. Tout est aussi parti de petites photos faites dans mon jardin avec des personnages en papier découpé posés dans l’herbe, photographiés et retravaillés avec Photoshop. Comme vous le voyez, ce grand projet est né de toutes petites choses…

Comment s’est passée la rencontre entre Luc Besson et les Minimoys ?

En fait, quand Besson a vu les images, il a adoré le tout premier personnage d’Arthur. C’était pourtant une toute petite aquarelle sur papier, un peu mal foutue –et ce devait être pourtant la couverture des premiers livres. Ce petit personnage lui a plu, a évoqué chez lui quelque chose de tendre.. dans ce monde de brutes. Il a donc flashé et c’est ainsi qu’il a pris le parti de dépenser un peu d’argent pour voir si c’était faisable en film. Je pense tout simplement qu’il a été touché par cet univers, tout comme les gosses qui ont découvert les premières couvertures de livres. A partir de là, Luc a décidé, avec sa puissance de tir industrielle du cinéma, de jouer le jeu. Les choix techniques du pilote étaient complètement à l’opposé du résultat final – vous le découvrirez probablement dans les bonus du dvd-, mais cela a prouvé qu’une telle approche, hybride, était tout à fait envisageable, une 3D, certes, mais avec une patine intéressante à mon goût.

Où avez-vous puisé votre inspiration pour les personnages d’Arthur, des minimoys aux séides ?

Dans les choix de départ, j’ai été très inspiré par le travail de Patrick Woodroffe, un peintre anglais, qui avait travaillé sur ce principe de petits bonhommes qu’il fabriquait et qu’il mettait en situation pour un ouvrage qui s’appelait Hallelujah Anyway et j’avais trouvé cela intéressant. Ce fut ma première source d’inspiration. Ensuite, j’ai vu des films et j’ai lu des livres sur cet univers, ce monde de féérie qui fait partie de ma culture et j’en ai fait un mix. Quand on se retrouve à travailler sur un projet comme celui-ci, on doit digérer beaucoup de choses d’Europe de l’Est, de Bilal, etc, de sorte à arriver à un univers cohérent, ayant une résonnance pour chaque spectateur.

Pour le grand public, Arthur a tout d’abord été un succès d’édition.

En fait, le livre a été écrit après le scénario. Il y a d’abord eu un séquencier d’à peu près 80 pages fourni par Céline Garcia, qui a été livré après un long moment d’attente car c’était une grosse machine qui devait être lancée. Luc a récupéré ce séquencier, a écrit un scénario et suite à cela il a écrit les deux premiers tomes d’Arthur qui ont amené le film.

Quand on regarde les couvertures des livres, on s’aperçoit que le design des personnages a changé.

Ca a changé, ça a évolué. Certains personnages ont été créés très vite, tandis qu’il a fallu quatre ans pour Sélénia. Et ce n’est même pas moi qui ait trouvé sa forme définitive, mais un des membres de Buf. Cette Sélénia est vraiment une chipie !

Le casting vocal du film est très impressionnant.

C’était un véritable jouet pour Besson et je crois qu’il s’est fait plaisir en travaillant avec les artistes qui ont participé à cette croisade. Le fait de faire appel à des stars pour le doublage de dessins animés fait partie du système, et je crois qu’il est parti de là pour pouvoir travailler avec Bashung, Farmer, Lavoine… On aurait pu prendre d’autres voix, mais c’était vraiment son désir de faire ainsi.

L’histoire se déroule aux Etats-Unis, dans le Connecticut. Pourquoi ce choix pour un film imaginé en France ?

Je pense que c’était un choix de Luc de basculer tout cela vers les Etats Unis. On a longtemps réfléchi pour savoir si on restait en France ou pas. Mais vu qu’on travaillait sur un produit destiné au marché international, il valait mieux s’ouvrir cette porte vers l’Amérique, sachant que les Américains sont très frileux par rapport aux pays étrangers. Dans le même temps, je sais que l’Amérique des années 50 amuse beaucoup Luc Besson, et il a donc basculé du côté qui l’amusait.

Un film en 3D entièrement animé en France: une première à souligner!

Oui, et c’est à espérer que cela se reproduise. L’animation française, ce sont en général de petites et moyennes productions. Quand on en arrive à ce genre de choses, c’est du gros. On était jamais allé là dans la production française de l’animation. Besson et Europa ont mis tous leurs moyens pour mener ce projet à bien. Tout le monde était d’accord sur le fait que cela allait ouvrir des portes à ce regard particulier qu’on a sur l’animation en France. Il était très intéressant que ce travail soit, au final, très respectable pour que les gens puissent considérer l’animation française comme un cinéma à part entière. Ce qu’on a pu observer sur Kirikou ou d’autres films. Notre démarche n’avait rien de prétentieux du tout. C’était simplement se dire qu’on pouvait aller encore plus loin. Et Europa avait les capacités pour que ce produit existe. C’est un rêve que le monde de la production puisse voir l’animation sous un autre angle. L’animation japonaise ou américaine, c’est très bien, mais il y a l’Europe…Europa.

Une animation produite par la société Buf Compagnie, à qui l’on doit également l’animation de Silent Hill et The Prestige.

Buf Compagnie, c’est la société qui s’est occupée de finaliser toute la partie Minimoys, mais aussi toute la partie live du film, avec les comédiens, qui a subi un traitement numérique. C’est eux qui ont modélisé, refabriqué les décors en 3D et animé. C’était un travail énorme avec des centaines de personnes. Les gens de Buf et Compagnie ont été exemplaires et ont beaucoup donné sur cette production. Nous avons eu plus de 100 graphistes à l’ouvrage, et cela a beaucoup tourné car les gens se sont épuisés et ils ont été obligés de les changer.

Quels furent vos choix artistiques quant à la technique d’animation utilisée ?

En fait, je ne voulais pas qu’il y ait de motion capture car c’est lourd à récupérer comme information. L’idéal s’est révélé être de tourner d’abord avec des comédiens. D’entrée, c’était positionné comme cela, y compris sur le pilote. Nous voulions que des comédiens qui insufflent le jeu, les mimiques, des petites finesses afin de faciliter le travail de l’animateur qui se retrouve confronté sinon à un exercice purement technique. Il fallait donc qu’on nourrisse les animateurs. On a filmé des acteurs sur un grand plateau, cadrés comme les personnages allaient apparaître à l’écran. Et sur leurs ordinateurs, les gens qui faisaient la 3D repassaient ce film en petit sur leur écran, et à côté, ils redessinaient à leur manière les mouvements et les attitudes des comédiens.

Comme les Disney des années 50…

Exactement. Et ça nourrit l’animateur qui se passe sa scène en continu et ne fait qu’accentuer tel ou tel trait. On a aussi fait cela pour gagner du temps parce que si on laissait les animateurs dans une sorte de création dans le jeu, cela aurait été beaucoup plus long. Il a donc fallu canaliser les équipes techniques pour qu’elles soient sur la même longueur d’onde.

A quels logiciels avez vous fait appel pour l'animation 3D?

Ce ne sont que des logiciels maison qui ont été utilisés pour ce film.

Arthur, c'est une saga en quatre tomes dont deux seulement ont été portés à ce jourà l'écran. Peut-on espérer une suite?

Il y aura une suite, normalement. Besson vient de l’annoncer. Et sa fabrication est sensée commencer l’année qui vient. Deux autres films normalement.

Arthur et les Minimoys a mis cinq ans pour voir le jour. Devra-t-on attendre autant ?

Non, parce que tout ce qui a pris beaucoup de temps à être fabriqué est là dans les ordinateurs ce qui va réduire le temps de fabrication.

Merci à Roselyne, Patrice & Alain

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