23 October 2007

L'ETRANGE NOEL DE Mr JACK - 3D - Entretien avec Michel CACHUELA par Jérémie NOYER

C'est avec un enthousiasme non dissimulé que nous célébrons en France le treizième anniversaire de la sortie de l'Oeuvre la plus monstrueusement géniale: L'Etrange Noël de Mr Jack. Et nous ne pouvions pas espérer de cadeau plus original qu'un retour de cette merveille du stop motion sur grand écran, transformé par le procédé Disney Digital 3D™. Alors à vos lunettes, et rendez vous dans une des cinq salles française où il est projeté, en cette période d'Halloween 2007. Et en attendant, vous êtes invités à rencontrer un story boarder qui a aussi participé à la création de l'histoire: Michel CACHUELA.

Pouvez-vous nous tracer les grandes lignes de votre parcours ?
Michel Cachuela - J’ai toujours aimé dessiner et quand j’ai grandi, j’ai été très marqué par les films de Star Wars. Cela m’a donné envie de faire le même métier de Joe Johnston : être le gars qui conçoit tous les véhicules, les costumes, etc. Auparavant, la séquence préhistorique de Fantasia au également eu beaucoup d'impact sur moi. J'ai été littéralement captivé par ces images de la formation de la Terre présentées de façon dramatique, violente et en même temps sublime. J'ai été ébloui par le fait que des cinéastes pouvaient vous emmener vers un monde aussi loin de nous. Les artistes Disney ont fait de leur mieux pour représenter des événements se déroulant en un temps et en des lieux que personne n'avait jamais vu et ce de façon impressionnante et émotionnelle. C'était vraiment quelque chose! Ensuite, je me suis tourné vers USC et UCLA pour passer une maîtrise de cinéma en prises de vue réelles. Mais au cours de mon parcours, j’ai rencontré certains animateurs de Disney qui ont vu mes dessins et qui m’ont conseillé de postuler à Cal Arts, ce que j’ai fait. J’ai beaucoup aimé cette école car on y travaille sur toutes sortes de media et on y étudie une grande variété de disciplines. On y trouve notamment un fabuleux département d’animation. Là mon désir de participer à des films à travers mes dessins devenait réalité.


Dans votre travail, il ne s’agit pas tant de faire du cinéma que de raconter des histoires à travers l’illustration et le storyboard.
Joe Johnston a fait du storyboard plusieurs Star Wars également, mais c’était plutôt technique. Ceci dit, c’est ce qui m’a poussé à m’y intéresser. Au lycée, le hasard a voulu que je soie dans la même classe que Rob Gibbs, qui est lui-même storyboard artist chez Pixar. Nous nous installions l’un à côté de l’autre au fond de la classe et nous essayions de nous faire réagir l’un l’autre à travers des dessins que nous nous faisions passer. Nous ne pouvions pas parler… mais nous pouvions dessiner des histoires drôles! Ce fut quelque part la meilleure formation : avoir à raconter des histoires visuellement sans le secours du moindre mot. Une autre étape fut bien entendu Cal Arts. Quand vous arrivez là, vous entrez tout de suite dans le métier et vous êtes très vite amené à faire votre propre film. Ce qui veut dire que l’une des premières choses que vous devez faire, c’est un storyboard. Si cela vous intéresse, vous pouvez le présenter devant la classe et faire des ajustements en fonction des réactions. Et j’ai remarqué que les étudiants qui faisaient cela avaient de meilleurs films.


Qui avez-vous eu comme professeur ?
Dans ce cadre, j’ai eu la grande chance d’avoir Joe Ranft, l’un des gourous du storyboard moderne. C’est lui, par exemple, qui a eu l’idée de créer le poste de directeur de l’histoire (head of story) sur les projets Disney pour faire le lien entre les artistes de storyboard et les réalisateurs. Il faisait passer une vraie sagesse dans ses cours. Je me souviens d’un exercice qu’il nous faisait faire. Il nous demandait d’inventer une histoire et de la raconter devant la classe pendant 10 minutes. C’était terrifiant car les animateurs sont des gens timides en général. Mais en même temps, c’était un test excellent pour les gens doués pour les histoires car il fallait en 10 mn proposer une histoire divertissante, qui attire l’attention d’un bout à l’autre, donne envie d’aller plus loin à chaque étape, qui vous émeuve et qui vous marque. Qu’importe si ensuite cette histoire est racontée à l’écrit ou par le biais de dessin, il faut avant tout proposer une chaîne d’événements qui donne envie de la suivre.

Quelles sont selon vous les qualités d’un bon storyboard ?
Du point de vue du dessin, je pense que c’est la capacité de conduire l’œil à l’intérieur d’une image simplement à travers le jeu sur les ombres et les lumières et la composition. Il s’agit aussi de comprendre et de représenter les besoins émotionnels d’une scène, de donner une représentation clair du parcours émotionnel des personnages dans une scène. C’est un aspect très important de ce travail. On doit comprendre comment le monde dans lequel on les plonge les affecte et interagit avec eux. En ce sens, il me semble que le storyboard artist tient un peu du réalisateur. Bien sûr, nous sommes au service du réalisateur, mais les questions que nous nous posons en termes d’émotions et de leur représentations sont les mêmes.

Vous débutez très vite sur des projets importants, à commencer par l’Etrange Noël de Mr. Jack. Comment cela est-il arrivé ?
Par l’entremise de Joe Ranft. A Cal Arts, nous discutions souvent entre amis sur les projets les plus cools sur lesquels nous aurions aimé travaillé après nos études. Nous connaissions le court métrage en stop motion Vincent et plusieurs d’entre nous ont alors dit que ce serait bien qu’il y ait un long-métrage de Tim Burton en stop motion. C’est alors que j’ai appris que cela allait se réaliser à San Francisco. Un réalisateur de grand talent, Henry Selick, devait le diriger et Joe Ranft était directeur de l’histoire. J’ai donc appelé, parce que le projet me plaisait et parce que je n’étais pas très bien à Los Angeles, j’étais un peu fatigué de ce qui ce passait alors dans le monde de l’animation. Je m’étais déjà rapproché de Pixar un peu avant, à l’époque où eux-aussi se trouvaient à San Francisco. Ceci dit, j’ai donc appelé Joe Ranft et il se trouve qu’il cherchait des artistes de storyboard pour son projet. Mon intention était donc de travailler quelques temps sur l’Etrange Noël puis d’aller cher Pixar, qui commençaient à envisager leur premier long-métrage en images de synthèse. Or, ce qui n’était envisagé que comme un boulot à temps partiel est devenu le film sur lequel j’ai le plus passé de temps de ma carrière soit un an et demi !

Dans quelles conditions avez-vous travaillé sur l’Etrange Noël ?
Cela se passait dans un ancien studio de télévision qui était prévu pour être démoli et faire un parc. Henry Selick aime beaucoup créer une ambiance créative dans les lieux où il travaille. De fait, des artistes un peu fous ont fait des graffitis sur les murs et avaient réalisé des sculptures un peu partout à partir de carcasses de motos. Cet environnement a d’ailleurs beaucoup influencé l’esprit du film !Quelles sont les scènes sur lesquelles vous avez eu le plus de plaisir à travailler ?Je dirai la séquence de Am, Stram et Gram. Il y a aussi celle dans laquelle Jack distribue les cadeaux de Noël et le combat final avec Oogie Boogie.
Comment travailliez-vous ?
La façon de travailler de Joe Ranft est la suivante : il sélectionne un artiste de storyboard pour telle ou telle scène et les fait travailler en groupe tant qu’ils ne se lassent pas. Si tel est le cas (car on peut se lasser de faire et refaire encore une même scène), il remplace l’artistes. Ce qui a pour effet qu’il peut y avoir plusieurs artistes qui ont travaillé sur une même scène, à des époques différentes. A partir de là, la manière de travaille dépend des séquences. Sur L’Etrange Noël, nous avions à notre disposition les paroles des chansons de Danny Elfman, que nous avons utilisées comme guide. Parfois vous vous occupez seul de votre propre séquence, parfois vous êtes par deux, dans une sorte de brainstorming. A la fin d’un travail, je présentais ce résultat à Henry, et quand il n’était pas disponible, je le présentais à Joe et tous deux me faisaient part de leurs commentaires et des modifications à apporter. C’était un travail très collaboratif. J’ai aussi fait de l’animation d’effets, fantômes et ombres diverses. Je travaillais dans une sorte d’atrium sans mur. Nous avions installé là nos bureaux ce qui fait qu’à chaque instant nous pouvions voir ce que faisaient les autres. De la même façon, le département artistique se trouvait tout à côté, ce qui fait qu’il était facile de passer d’un lieu à un autre, de faire des allers-retours, discuter avec le directeur artistique, le designer, etc. et voir avec eux comment les environnements qu’ils étaient en train de créer pouvaient affecter une scène. Henry encourageait beaucoup cet échange et cette collaboration entre les différents départements. Il avait une vision très forte de ce qu’il voulait faire sur ce film, mais en même temps, il aimait encourager de nouvelles idées nées de l’interaction entre tous ses artistes.

Il est très inhabituel d’avoir à composer une histoire à partir de paroles de chansons.
C’est vrai. Il y avait d’une part ces paroles de Danny Elfman et d’autre part une ébauche de scénario, très flou, en fait différentes idées liées entre elles par une vague histoire. Cela n’aidait pas beaucoup et l’histoire s’est vraiment construite à partir d’essais successifs de notre part, en essayant de combler les vides entre les chansons avec les meilleures transitions possibles.

Pouvez-vous nous donner un exemple de transition que vous avez imaginée ?
J’ai travaillé sur le parallèle entre les habitants d’Halloween Town qui préparent leurs paquets et les Elfes qui font de même au Pôle Nord, au milieu de la chanson Making Christmas. Je suis aussi particulièrement fier du moment où Sally saute par la fenêtre, tombe sur le sol en plusieurs morceaux et se recoud elle-même. Ce fut un passage assez délicat car les exécutifs de Disney n’étaient pas très à l’aise avec cette idée. Henry est donc venu avec l’idée qu’il n’y avait pas de sang puisqu’il s’agissait d’une poupée de chiffon et j’ai quant à moi eu à coller tous ces morceaux d’histoire et en faire quelque chose qui ne soit pas grotesque. Ensuite, j’ai imaginé le serpent d’Halloween avalant le sapin de Noël.

Avez-vous été en contact avec Tim Burton ?
Pas vraiment. C’était plutôt Henry car Tim était pris par une autre production dans le même temps. Il n’est venu au studio que trois ou quatre fois durant la production, ce qui fait que nous ne l’avons vu que très rarement. Ceci dit, ses dessins et ses idées ont été cruciaux dans le développement du film. C’est vraiment à lui que l’on doit le design des personnages, et en particulier de Jack. Nous sommes partis de ses dessins pour faire nos storyboards. Il avait des idées très arrêtées quant à la façon dont cette histoire devait évoluer…jusqu’à les défendre bec et ongle. La salle de montage en a fait les frais ainsi qu’un des murs du studio, qu’il a frappé avec sa chaussure à coque métallique, tellement il était en colère ! C’était tellement impressionnant que j’ai suggéré à Henry de découper la section du mur qu’il avait enfoncée et de l’encadrer !
Qu’est-ce qui l’avait mis autant en colère ?
Le fait qu’Henry et moi avions storyboardé une fin différente de celle que Tim avait prévue. Nous avions imaginé que Jack et le Père Noël pouvaient avoir gardé le contact avec les années et l’on apprenait que c’était le Dr. Finkelstein qui, en fait, était le créateur d’Oogie Boogie. C’était une fin plus heureuse que ce qui était envisagé par Tim Burton et il a fait valoir sa prérogative sur le sujet…avec un coup de pied !


Quels outils utilisez-vous pour storyboarder aujourd’hui? Faites-vous toujours cela à la main comme au temps de L’Etrange Noël ?
Non. Aujourd’hui, aujourd’hui nous utilisons beaucoup le Cintiq de Wacom. C'est un écran d'ordinateur sur lequel vous pouvez dessiner avec un crayon spécial. Je l'utilise en tandem avec Photoshop. Je pense qu’Enrico Casarosa et moi avons été parmi les premiers à l’utiliser, sur Ratatouille (nous partagions le même bureau au début de la production !). Nous avons fait office de cobayes ! Je dois avouer que j’aime toujours travailler sur papier. Cela permet d’aller très vite, de corriger et d’afficher directement son travail. Mais l’ordinateur permet d’autres avancées, notamment la réutilisation de décors. Cela permet de gagner du temps en n’ayant pas à refaire sans cesse le même décor, quand les personnages restent au même endroit. Un autre avantage du numérique tient au passage d’une image à l’autre. Quand vous affichez vos dessins, vous voyez comment évolue la scène, mais on ne visualise pas totalement comme se passe l’enchaînement. Grâce à ce système, les choses sont plus simples et plus proche d’un film. Cela permet de résoudre toutes sortes de problèmes qui n’apparaissaient auparavant que lorsque l’animation avait commencé.

Après L'Etrange Noël, vous avez poursuivi dans l'animation avec Henry Selick (James et la Pêche Géante, La Vie Aquatique) et avec Pixar (storyboards de Toy Story, des Indestructibles et de Ratatouille). Aujourd’hui, vous co-réalisez Coraline avec Henry Selick. La mise en scène est elle votre prochaine étape ?
Oui. Je travaille actuellement au développement de différents projets dans ce sens. Cela m’aide beaucoup d’avoir cette expérience du storyboard. Cela m’a permis de travailler avec de grands réalisateurs comme Brad Bird, John Lasseter et Henry Selick, qui savent la fois vous diriger et vous laisser une certaine liberté pour vous exprimer. Pour moi, c’est une progression naturelle, rendue possible par ces artistes qui ont su déceler ce désir en moi. Après avoir fait du storyboard, du design et de la co-réalisation, je pense avoir fait le tour de la question et j’ai envie de me frotter à d’autres défis, selon mes propres orientations artistiques.

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1 comment:

Anonymous said...

Salut, j'ai cru comprendre que le film en 3D de Mr Jack ne sortirai que d'en certaines salles. Es ce que tu saurais lesquels? je n'arrive pas à trouver... tu peu me rep en laissant un commentaire sur mon blog stp? http://pandalunatyke.skyblog.com
merci ce serai super simpa^^