C’est toujours difficile à localiser, une passion ! En fait, j’ai, de mémoire, à peu près toujours dessiné ; mais j’ai joué du piano aussi vite, et donc à peu près aux mêmes périodes. Ainsi, mon cœur à toujours balancé entre dessin et musique. Dans les deux cas, je n’ai jamais pensé que ce pouvait être un métier. Sinon peut-être qu’avec le dessin, j’avais compris qu’il était plus séduisant pour moi comme pour les autres de dessiner plutôt que d’écrire… Je suis gaucher, et le dessin ne fait pas de ségrégation quant à la main qu’il faut utiliser.
Quels sont vos gouts?
Assez hétéroclites, en fait. En musique, j’aime à peu près tout le classique, avec des créations du Moyen-âge au contemporain, et sur les musiques plus électriques ou pop, j’ai une préférence pour le rock progressif, jazz fusion, plutôt orienté années 70 ; ou les musiques électroniques ; donc plutôt Pink Floyd, Yes, King Krimson, Mahavishnu Orchestra, Zappa, Brian Eno, Led Zep, Klaus Schulze, Ravi Shankar…
Cinéma et animation, je vais juste citer : Kubrick, Bergman, Karl Dreyer, Kurosawa, Riddley Scott(première période), Myiasaki…
Quant aux loisirs, ils sont variés et dispersés ; j’aime les plantes, les livres anciens, les brocantes… Enfin plein de choses difficiles à énumérer. Mais de très loin, c’est le Jeu de Rôle qui est mon loisir le plus prégnant.
Quel a été votre parcours?
Rien de bien spécial jusqu’au BAC, du moins. J’ai fait l’école Emile Cohl à Lyon, j’étais à la même tablée que Philippe Rouchier, d’ailleurs, et avec trois autres compères qui me sont extrêmement chers : Pierre-Alain Chartier,Jérôme France et Humbert Chabuel. En fait, de par notre formation d’école, on travaille tous dans des domaines connexes, et parfois en passant de l’un à l’autre dans l’année, ou en cumulant. On fait tous de l’illustration, du film, de l’animation, de la BD, enfin tout ce qui demande que l’on pose un visuel sur un texte. On a tous évolué du traditionnel à l’informatique au travers de nos expériences parfois très différentes. Mon parcours s’inscrit simplement dans ce mouvement de ma génération qui a glissé du traditionnel à l’informatique, changeant notre façon de travailler, mais aussi changeant la finalité de tous les supports sur lesquels nous travaillons. Le cinéma, l ‘animation, l’édition ont muté encore plus vite que nous.
Comment décririez-vous votre personnalité ?
Difficile… Un hyperactif introverti ( !?!), peut-être… J’aime faire beaucoup de choses, je suis un cumulard, et plus il y en a, plus ça m’amuse.
Comment décririez vous votre (vos) métier(s), quelles sont vos fonctions, vos tâches?
Comme je l’ai mis plus haut, mon métier consiste à visualiser pour la première fois ce qui n’a été que mot jusque-là. En film ou animation, ça s’appelle une charte graphique, en édition de l’illustration ou de la BD ; pour du jeu vidéo, c’était de la direction artistique, charte graphique, enfin ça prend un peu toutes les formes. Les fonctions et les tâches sont plus liées à un poste qui me permet d’aboutir ce qui m’a été demandé graphiquement. Plus j’avance, plus j’aime suivre ce que j’ai lancé sur une feuille pour voir sa concrétisation sur un écran.
Quelles sont les qualités.indispensables pour exercer votre métier ? Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui aimeraient travailler dans l’animation les jeux vidéo et la bd ?
Je réponds aux deux questions en une seule fois :il y a des milliers de dessinateurs bien plus compétents que moi. Mon expérience ne palliera jamais la qualité des milliers d’autres qui sortent régulièrement des écoles ou d’ailleurs. Sinon que je suis le seul à pouvoir dire ce que j’ai à dire. Donc le seul but à rechercher, c’est son propre épanouissement. Et si ce travail peut épanouir tout lecteur ou spectateur, contribuer à son bien-être, tant mieux. Mais là, je n’ai aucune prérogative particulière à donner, sinon d’être intègre avec soi-même. Après, le fait de travailler dans tel ou tel milieu d’application, ça n’a pas grande importance. C’est plus de trouver le bon écho que peut avoir un travail, en fonction de son champ d ‘application. Par exemple, il ne sert pas à grand-chose d’essayer de développer une série d’animation qui traiterait de concepts de Gilles Deleuze, et à la rigueur, une BD ferait plus l’affaire(quoi que…).
D’où puisez-vous vos idées, inspirations ?
C’est très vague. Tout ce qui m’entoure, tout ce que je peux lire. J’ai juste une attirance pour les situations qui n’ont pas encore été représentées. Ce sont ces moments où vous pensez à quelque chose de complètement décalé, d’étrange, et vous le faites. Ce qui me pèse le plus, à la rigueur, c’est d’avoir à faire quelque chose qui a déjà été vu, revu, et à revisiter. Sauf exception, ça n’a que peu d’intérêt à mes yeux.
Qui sont vos modèles, mentors, sources d’inspiration ?
C’est la peinture qui m’a beaucoup motivé pendant de nombreuses années. Je fais aussi de la peinture et un peu de sculpture, et je trouve souvent mon contentement et mon plaisir avec la « vieille école » !
Je pense à Rubens, Rembrandt, Guardi, Philippe de Champaigne, Turner, Kaspar David Friedrich, Franz Hals, etc… En BD, ce sont des bien vivants :Mœbius, Druillet, Bilal.
Quels outils, quel matériel utilisez vous pour créer ? (Ordinateur, logiciels, papier / crayon…)
C’est souvent une soupe bien indigeste que je ne vais pas trop développer ; non pas par souci de conserver de secrets de fabrication, mais plus parce que c’est indescriptible. En fonction de ce que je dois représenter, j’utilise du dessin, de la photo, de l’informatique. Je peux commencer sur machine, ou non. Je fais des esquisses, ou pas. Il n’y a aucun modèle spécifique de travail, sinon pour chaque application spécifique.
Pouvez-vous nous expliquer vos fonctions lorsque vous avez travaillé dans les jeux vidéo ? Pouvez-vous nous parler de votre rencontre et votre relation avec Moebius pour Pilgrim ? Et de vos rapports à Philippe Druillet pour Ring, l’adaptation en jeu vidéo de l’anneau des Nimbelung de Wagner ?
Double réponse qui implique de raconter un peu l’aventure Arxel Tribe :
J’ai débarqué dans cette société pour faire la charte graphique de tout ce que ne ferait pas Mœbius sur Pilgrim. Il a décliné les personnages principaux, et il fallait faire tout le reste. Au bout de quelques recherches décors, les équipes m’ont dit qu’ils ne savaient pas fabriquer en 3D ce qui était simplement dessiné. Donc ça a glissé assez vite sur la direction artistique des jeux vidéos. Arxel Tribe était une société Slovène, créée par des architectes, qui faisaient de la pub et de la modélisation architecturale. Ils avaient un matériel très puissant, et c’est l’antenne commerciale en France qui a eu l’idée (Stephen Carrière et Guillaume de Fondaumière) de commuer cette capacité de travail au jeu vidéo. Et c’est là que je débarque. C’était de 1996 à 2000. Donc le travail consistait à préparer les dessins à Paris, puis d’aller à Ljubljana dans les studios où je suivais la fabrication. Pilgrim a été une très chouette expérience, comme Ring. Mais les contacts avec Mœbius ont été bien maigres, il n’a rien fait pour s’investir affectivement dans le projet. Ça n’enlève rien de sa grandeur d’artiste, c’était juste décevant à vivre. Avec Ring et Philippe Druillet, ce fut une autre histoire. C’était un vrai travail de collaboration, et je l’en remercie encore aujourd’hui. C’est un fou de travail qui aime mettre son nez à tous les stades de la production. Et là, il a fait plus de 120 dessins sur des formats gigantesques, et j’ai eu un rôle de continuation, de compléments et de réalisation. Philippe est venu plusieurs fois en Slovénie, de grands moments à chaque fois.
C ‘étaient deux comportements humains très différents, et l’expérience du Ring fut de loin la plus constructive. Après, le développement des jeux fut moins intéressant. Les tensions qui naissaient à tous les stades de la société (j’étais aussi devenu partenaire) et les productions qui devaient augmenter en nombre ont produit des jeux moins intéressants, moins profonds. Pourtant, Arxel était sur un créneau atypique, un genre graphique que je perçois encore aujourd’hui comme unique, mais qui aurait dû à l’époque produire un jeu « culte », un jeu « fini », au plus parfait, qui aurait fait d’Arxel Tribe un leader du jeu décalé. Mais ce ne fut pas le cas, même si en interne, toutes les compétences étaient largement réunies.
ARTHUR
Vous intégrez le projet Arthur et les Minimoys en 2002. Comment êtes vous arrivé sur le projet ?
C’est Philippe Rouchier qui m’a téléphoné à Noël 2001 (joyeux Noël) parce qu’il constituait une équipe légère avec Patrice Garcia. Patrice, je le connaissais du Cinquième Élément, car il venait dormir chez nous, à savoir chez moi et les fameux copains de tablée d’école, Pierre-Alain Chartier et Humbert Chabuel qui avaient décroché le travail sur la charte graphique du 5eme Element. Et patrice parlait déjà Lutin couramment. Il n’y a que Georges Bouchelaghem que je ne connaissais que de loin, mais qui avait travaillé avec tous les autres copains aussi.
On a tous commencés très vite début février 2002.
Comment s’est passée la rencontre avec Luc Besson ?
Rien de spécial, ce fut assez vite au démarrage, bien sûr, mais ce qui m’a surtout marqué, c’est qu’on faisait les réunions à 7 heures du matin, les dessins accrochés au mur, et c’est au fumet du café qu’on entendait que tel ou tel desssin était sélectionné. Luc Besson, c’est un mélange de personne très accessible, vous pouvez lui parler normalement, à savoir que vous avez une discussion professionnelle normale ; et en même temps, il est capable de ne même pas vous répondre, ça lui passe complètement à côté. Quand vous avez compris ça façon d’être, tout se passe normalement.
Comment vous a t’il présenté son projet ?
Il nous racontait tout bout par bout. Tant qu’il n’a pas fixé l’histoire, il refuse d’en parler. C’est parfois dur, surtout quand on doit avancer graphiquement. Maintenant, l’histoire originelle vient de Patrice et de sa femme, donc l’histoire et les options graphiques, on les avait, on les appréhendait déjà.
Quelles consignes vous a t’il donné (directives, orientations, méthodes, outils…) ? Nos consignes étaient simples. Il faut préciser que ce n’était pas que Besson qui avait fixé la méthodologie ; Emmanuel Prévot et Stéphane Lecomte, qui sont la production exécutive (« Avalanche »), nous ont donné leurs prérogatives. Le but était simple : une équipe légère (quatre personnes) capables de décliner du personnage, du décor, décliner en plans, aboutir des images en poussant matières et lumières, etc… Et cette équipe autonome n’a pas de limite dans le temps. On reste tout au long de la fabrication du film. Ainsi, on était toujours à disposition pour Besson, mais quand on nous demandait rapidement quelque chose, il fallait que le visuel arrive très vite sur la table. L’avantage de ce type de formation, c’est de pouvoir proposer plusieurs visions pour un même sujet, et d’être entre nous tous interchangeables. Chacun peut continuer ou rebondir sur le travail de l’autre. Ce système de travail a donné beaucoup de libertés à tout le monde, et c’est très loin de beaucoup de systèmes de production.
Comment s’est passée la rencontre puis la collaboration avec le reste de l’équipe ? Avec qui et comment avec vous travaillé?
Les six premiers mois, on n’a fait que du personnage. C’est là qu’il y eut le plus de rotations de dessins, chacun continuant ou rebondissant sur le travail de l’autre. Après, avec le temps, c’est fonction du temps et des envies que l’on prenait tel ou tel décor, ou séquence. Généralement, quand on essuie un trop grand nombre de refus de la part de Besson, on fait glisser le dessin sur la machine du copain qui veut bien s’y frotter, et c’est comme ça qu’on avance.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent vos fonctions ?
La réalisation de la charte graphique du film. C’est tout. Maintenant, quand les maquettes ont commencé, j’ai pris un immense plaisir à travailler pendant six mois avec les équipes de sculpteurs, peintres, textureurs, qui se sont échinés à faire en volume ce que nous faisions à plat. Donc mon rôle, à ce moment, a été de suivre(pas de diriger) les maquettes, et de mettre la main à la patte. Un grand moment de bonheur.
Quelles est votre relation à la matière, la photo, l’informatique ?
La matière est quelque chose que j’ai toujours aimé explorer avec la peinture à l’huile. Depuis, l’attirance est forte. C’est ce que je retrouve avec la photo, dans les gros plans de matière. L’informatique, c’est l’outil qui permet de synthétiser tout ça. De plus, ma femme travaille dans la photo. Grâce à elle, j’ai découvert un pan entier de la culture de l’image. Et l’appréhension de la matière en photo n’a rien à voir avec la peinture.
Vous avez crée des maquettes, sculptures, des décors pour Arthur. Pouvez vous nous en parler ?
Créer est un bien grand mot. J’ai gentiment collaboré avec les équipes de maquettistes, surtout. Je me suis amusé à sculpter de petits objets additifs pour la grande maquette du village Minimoy. Et puis à un moment, je me souviens qu’on a fait des illustrations additives pour aider les sculpteurs. Et de certaines de ces images, je suis allé sculpter des éléments qui faisaient partie de mes dessins. Ça, c’était passionnant. Enfin, vers la fin des maquettes, j’ai aussi peint quelques bouts de maquettes qui n’étaient pas tout à fait finies. Ah oui, il y a aussi les pieds-racines du palais. Il y avait, sur l’illustration, une ribambelle de motifs…que j’ai dû refaire sur le volume…c’était une autre paire de manche. Mais au résultat, un grand bonheur. Pour tout ce travail, c’est la proximité avec cet autre corps de métier qui fut riche. Vous découvrez au quotidien une autre façon de voir les choses.
Pouvez vous nous décrire étape par étape la création d’une scène d’animation ?
Au début, Luc Besson nous raconte la séquence. Le script donne d’autres informations, mais souvent, Besson attendait aussi des visuels pour lui-même rebondir. Là, on réalisait les personnages additionnels de la scène, puis une ou deux vues générales pour donner l’ambiance, la circulation, puis venait (ou préexistait) le storyboard qui affinait la description. Ensuite, la 3D ou les maquettes fabriquent les premières structures, et généralement, il manque toujours de petits détails additionnels. Et le ping-pong continue jusqu’à ce que tout soit bouclé. Tout pouvait ainsi être remis à plat à n’importe quel stade de la réalisation. Evidemment, le but n’a jamais été de tout refaire, non-plus. Et puis une fois que nos designs étaient validés par Besson, le but n’était pas de revenir dessus. L’idée était plutôt d’amplifier la vision. Pas de la changer.
Avez-vous lu les 4 livres d’Arthur ? Si non pourquoi ? Si oui, qu’est ce que cela vous a apporté ?
Quelles ont été vos relations avec Céline et Patrice GARCIA ?
Oui, heureusement ! Les deux premiers correspondent au premier film, les deux autres livres aux deux films suivants. Ça nous a fixé sur les attentes de Luc Besson, parce que Patrice et Céline étaient à l’origine du projet, et bien sûr, c’est parfois le grand écart entre la première version et la refonte en livre. Et au final, c’est Besson qui veut les séquences qui apparaissent dans les livres.
Quant aux relations avec Céline et Patrice, je ne connais pour ainsi dire pas Céline, on s’est juste croisés quelque fois. Avec Patrice, c’est plus compliqué ; je le connais depuis quinze ans, on n’avait jamais véritablement travaillé ensemble, et l’expérience du film fut pour le moins étrange. Comme sur toute production il y a des tensions, mais je trouve facile de toujours tout expliquer au travers de ces dites tensions. Je suis très triste de la façon dont s’est dégradée notre relation, qui à mes yeux n’incombe pas aux difficultés que nous avons rencontrées lors de notre travail. C’est plus un éloignement de points de vues, une incompréhension qui s’installe. Avec le temps, sur plusieurs années, il y avait vraiment Patrice à Toulon qui travaillait de là-bas, et nous, l’équipe de trois à Paris. Au-delà de ce triste constat, je ne veux pas attiser de polémiques.
Y a-t-il un personnage que vous préférez dans l’univers d’Arthur, si oui, lequel? Comment cela se ressent t’il dans vos productions ?
J’ai un attachement plus particulier pour les personnages secondaires. En effet, ils n’ont pas les lourdeurs obligatoires que doit véhiculer un personnage principal qui doit répondre à tous les critères d’une forme de politiquement correct au cinéma. Les secondaires sont des affranchis !
Ah si, mention spéciale à Malthazar ; le descriptif de départ était terrible, et on a tous posé des visuels tous plus absurdes les uns que les autres en pensant : « de toute façon, il va falloir calmer tout ça. » Et c’est le contraire qui est arrivé ! Besson a validé une première version qui était assez dure, à notre grande surprise, donc on a pu continuer dans cette veine.
LES SUITES D'ARTHUR
Votre travail change t’il pour Arthur 2 et 3 ? (Directives, outils,…)
Grosso modo, c’est le même processus de travail. Maintenant, notre travail a mûri aussi, et on n’a pas envie de refaire exactement les mêmes choses. Ça s’appelle évoluer (j’espère).
Vos relations avec l’équipe de travail, avec Luc ont-elles changées depuis le début?
Comme je le disais plus haut, nos relations avec Patrice ont changé ; donc en effectif, nous sommes trois (quatre avec un nouveau géant des montagnes qui répond au doux nom de Bob) pour faire les chartes graphiques, sachant que Patrice livre aussi des recherches, mais on ne se voit plus. Avec Luc, rien de spécial n’a changé, sinon que d’un point de vue travail, on a tendance à attendre le storyboard pour élaborer certains designs, parce qu’on sait que Luc revient moins sur son propos quand les choses sont posées au travers des cadrages du storyboard.
Y aura-t-il des changements stylistiques importants ou les suites resteront fidèles au premier opus ?
Oui et non, mon capitaine !
En fait, l’esprit reste, mais les lieux visités sont parfois bien différents. Donc je dirai qu’il y a un peu moins de verdure, un peu plus d’objets de récupération, mais je n’ai pas le droit d’en dire plus, secret-défense oblige…
Bien évidemment, et comme c’est en très grosse partie du personnage secondaire, je me suis régalé.
Les scénarios seront ils autant basés sur les livres que pour le 1er ?
Oui et non là aussi. Ça reste très proche, mais comme toute adaptation, des facettes de l’histoire sont plus approfondies, et d’autres sortent un peu du champ, c’est la loi du genre.
Est ce que vous avez fait « grandir/vieillir » les personnages ?
Hé, hé ! C’est en discussion, mais pour ça, ce sont les doigts magiques de la 3D qui risquent de répondre le mieux à la requête. C’est l’une des limites de notre travail. Si on élabore un vieillissement léger sur un personnage, même si Luc le valide, ça reste une image. Et évidemment, si la 3D fait pile poil ce qu’on a développé, ça n’aura jamais la même tête. Donc si on opère à un vieillissement général, ça sera planifié vraisemblablement par la 3D. Maintenant, on n’est jamais à l’abri de bonnes surprises, je verrai lundi prochain…
Pourquoi et comment travaille t’on sur 2 films à la fois (Arthur 2 et 3) ?
C’est bien sûr une facilité de production, nous, on reste en continu à disposition, et puis sur la production, les éléments les plus lourds ont déjà été faits ; le village Minimoy, par exemple. Il est logique que Besson, vus les délais de production, fasse enchaîner 2 et 3 pour rétrécir ce temps dificile à compresser.
Pourrait-on envisager un Arthur 4 ?
Alors là, il faut demander à Luc…son numéro est le…
Depuis 2005 vous multipliez les activités : illustrations fantastiques, plateaux de jeux, Bd, figurines… Et Arthur 2 et 3 ! Combien d’heures travaillez-vous par jour ? Comment vous organisez-vous ?
Je ne travaille plus tant que ça, je crois que je me suis calmé. J’ai deux enfants, aussi, et je les vois grandir. J’en profite. Avant, je montais sans problème à des moyennes de seize heures par jour, vraiment en travail effectif. Aujourd’hui, je suis plus autour de 10h. Maintenant, deux bémols : avec l’âge(eh oui) on travaille de manière plus effective, donc moins de temps à tourner en rond. Et puis toute conception peut tourner dans la tête, même sans travailler au sens propre du terme, c’est une habitude de fonctionnement. Donc le temps pasé sur le dessin n’est plus que le temps d’exécution. Ainsi, je préfère me réserver des périodes de prospection graphique, ce qui donne lieu, ainsi, à de nouvelles productions (ça sent le mouvement perpétuel, ça…)
Le travail vous a-t-il manqué pendant votre « pause médicale » ?
Non, pas du tout. Mais c’est un peu comme quand on est dans un superbe endroit pendant les vacances. On ne fait rien, seulement parce que c’est une pause au milieu d’un chaos d’activité. Et en plus, on ne vivrait sûrement pas dans ces endroits à l’année.
Que vous a apporté Luc Besson à titre professionnel, et humain ?
D’entrer par une porte assez large dans le milieu du cinéma. Est-ce que ça aura des conséquences ? Aucune idée, sûrement. Mais je ne le mesure même pas. Quant à ce que ça m’a apporté humainement, eh bien…pas grand-chose, pour faire un euphémisme.
Quels sont vos projets après Arthur ?
BD, peinture, illustration, sculpture, un peu tout, en fait. Je ne prévoyais pas la production, donc tout ce que j’avais planifié est en attente. J’en ai pour dix ans de boulot, au moins ! Surtout de la BD, je pense.
Sur quels projets et avec qui aimeriez-vous travailler par la suite ?
Je n’en ai aucune idée, j’attends plutôt d’être surpris. J’ai envie de répondre que j’aimerais quelque chose d’assez décalé : du design pour Lars Van Trier, par exemple, dans les ambiances d’ Element of Crime ou Kingom . Un OVNI graphique, en tout cas.
Quelle est la question que vous aimeriez que l’on vous pose ?
Une seule me préoccupe, actuellement : et en fait, le dessin, à quoi ça sert ? peut-on vivre sans art, etc ?…
Quelle serait la réponse ?
Notre façon dont l’humanité a d’amplifier sa bêtise au quotidien se confond de plus en plus avec sa faculté à s’encombrer d’un matérialisme effréné et d’une absence d’onirisme. Or, je pense que la faculté de rêver est justement l’un des actes les plus pragmatiques que peut couvrir le cerveau humain. C’est en effet par ses facultés de détachement, de détournement, de création, que toutes ces choses impalpables ont pour répercussion d’être des éléments moteurs de notre quotidien. Or, l’embellissement de ce quotidien est précisément la clef qui déverrouille bon nombre de mal-êtres, l’esclavagisme de la pensée au premier degré, et de tous ces gestes du quotidien qui ne sont plus que des actes mécaniques. Eh bien voilà. Le dessin, comme toute autre activité artistique, ça sert à ça. Créer de l’impalpable bien plus solide que la plus haute des tours technocratiques de nos sociétés bien pensantes. J’espère humblement travailler dans ce sens.
Et si vous étiez un Minimoy ?...
Miro