17 December 2007

Le Renard et l'Enfant interview d'Evgueni Galperine par Christine BLANC

Inter-activities accueille aujourd'hui dans ses colonnes un autre jeune compositeur découvert à l'occasion de la sortie au cinéma du film Le Renard et l'Enfant. Après notre rencontre avec David Reyes, le dernier compositeur à avoir intégré le projet, c'est au tour d'Evgueni Galperine de nous parler de sa collabotation à la composition de cette superbe musique de film. Evguéni Galpérine est né dans l’Oural en 1974. Il a commencé ses études au conservatoire Gnessine, à Moscou, et, à 16 ans, il est venu vivre en France, où il continue l’apprentissage de la musique au CNR de Boulogne puis au Conservatoire National Supérieur de Paris. Il y étudie l’écriture, l’analyse, la composition, et obtient le premier prix de composition électro-acoustique et le prix de la SACEM – avant de se faire renvoyer du Conservatoire pour incompatibilité d’humeur avec la direction. Il enchaîne dès lors la composition de musique de concert (création au Théâtre des Champs-Élysées), pour le théâtre, pour la publicité et pour les courts métrages : LE TROP PETIT PRINCE de Zoya Trofimova (Ours d’Argent à Berlin), LE PAYS DES OURS de Jean-Baptiste Léonetti (Prix France Télévision à Brest), L’INTRUSION de Sébastien Jaudeau et enfin LE COMA DES MORTELS, qu’il co-produit. Aujourd'hui nous le retrouvons dans une production de qualité, Le Renard et l'Enfant, de Walt Disney.

Evgueni Galperine, vous êtes un tout jeune compositeur. Quel est votre parcours ?
Evgueni Galperine - Mon parcours musical à commencé lorsque je vivais encore à Moscou. Parallèlement aux études de clarinette et de guitare, j’avais fondé un groupe de rock et avec d’autres camarades de 13-14 ans nous explorions les possibilités de la musique rock pour draguer les filles. Après mon arrivée en France, j’ai commencé à me tourner vers une musique plus écrite, qui tendait de plus en plus vers la musique contemporaine. Puis, adorant le cinéma et le fait de raconter des histoires depuis toujours, je me suis dit que je voudrais faire de la musique de film. Ce qui m’intéressait finalement c’était de passer d’un style à un autre, de me retrouver à chaque fois dans des univers différents et d’en trouver des clés musicales. Le milieu du cinéma étant totalement inaccessible, j’ai commencé donc par la musique des jeux vidéo, puis la musique de pub. Parallèlement je faisais mes études de composition au conservatoire national supérieur et de la musique électro-acoustique dans celui de Boulogne. Au bout de deux ans j’étais joyeusement viré de CNSM puisque là-bas faire de la musique de film et se prostituer veux dire la même chose. J’ai donc continué ma route sur le « trottoir » de la musique de films : d’abord quelques courts-métrages qui se sont fait remarquer (notamment « Le Pays Des Ours » de Jean-Baptiste Leonetti) et voilà 3 ans que je ne fait pratiquement que du long format.


Comment la passion pour la musique vous a été transmise ? Comment votre famille réagit à votre carrière ? Avez-vous toujours été encouragé, soutenu ?
J’ai la chance d’avoir des parents musiciens. Mon père est un compositeur reconnu en Russie et ma mère est chef de chœur et professeur de piano. C’est eux qui ont conspiré pour que je fasse de la musique (rires).
Comment êtes vous arrivé sur le projet du Renard et l’Enfant ? Pouvez-vous nous parler de Bonne Pioche ?
Bonne Pioche à organisé un concours de maquettes de plusieurs compositeurs dont certains de renommée mondiale. Après deux mois d’attente et de rencontres avec le producteur et le réalisateur, j’ai eu la chance d’être retenu ainsi qu’Alice pour faire la musique du film.

Pouvez-vous nous parler de Luc Jacquet (sa personnalité, votre relation à lui, son approche du travail…)?
Nous avons été engagés très tôt sur le film : le tournage n’était pas fini et le montage était à 6 mois de sa version finale. Luc ne savait pas encore quelle musique il voulait pour son film, la seule chose qu’il nous demandait c’était de trouver une couleur originale, propre à l’univers si unique du « Renard et l ‘Enfant ». Le défi était donc aussi difficile que grisant : trouver une musique singulière, loin des clichés des musiques interchangeables mais qui devait aussi jouer son rôle de musique de films de grand spectacle et donc être très accessible.

Quels sont vos « mentors », vos goûts, et vos sources d'inspirations?
Dans la musique de film j’ai des goûts très classiques : Herrmann, Goldsmith, Morricone. L’apport de chacun de ces compositeurs dans la musique de film et dans la musique tout court est incroyable. Mais je dois dire que le plus souvent les choses qui m’inspirent viennent d’autres univers que celui de la musique de film. J’écoute pas mal de musique utilisant des outils électroniques (allant de la pop au noise), de la musique folcklorique des pays d’ Asie et des pays du Nord et bien sûr la musique classique et contemporaine, on ne trahit pas ses origines (rires).

De combien de temps avez-vous disposé pour écrire la partition du Renard et l'Enfant?
Il est tres difficile d’estimer le temps qu’on a passé sur la partition, puisque sur les 8 mois qu’on a passé sur le film, le montage et la vision du réalisateur ont changé beaucoup de fois. Nous avons donc écrit beaucoup plus qu’une heure de musique…

Vous êtes tous 3 reconnus comme jeunes talents. Vos horizons musicaux différents (pop, classique, musique de film) vous caractérisent chacun. Comment avez-vous collaboré?
L’univers qui me caractérise est la musique de film. Celui d’Alice est la musique pop singulière. Etant tout les deux intéressés par nos univers réciproques, nous avons cherché à les faire rentrer dans une cohérence et vision globale. Chacun utilisait ses propres inspirations mais aussi s’inspirait de l’autre.

Lorsque David a intégré l’équipe des compositeurs du Renard et l’Enfant, il lui a été demandé d’apporter je cite : « une couleur musicale supplémentaire ». Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il a pu apporter ?
Peu après la fin du montage, la production a souhaité revenir vers une musique plus illustrative et ils ont fait appel à David qui travaille au sein de la sociéte Bonne Pioche tout en nous demandant de finir la version sur laquelle nous collaborions depuis quelques mois. Ils voulaient avoir un choix entre deux directions différentes sur toute la durée du film.


Qui a choisi l’orchestre, lequel, sa taille, durée de l’enregistrement, et du mixage ? J’ai choisi la formation de l’orchestre avec Hervet Jamet qui à travaillé comme orchestrateur sur certaines de mes compositions et celle d’Alice. L’orchestre a été choisi par la production AIM qui s’occupait de la musique ainsi que l’excellent ingénieur du son Didier Lize de son nom (sourire).

Pouvez-vous nous parler de votre utilisation des chœurs, de leur choix et de leur enregistrement ?
J’ai utilisé le cœur d’enfants de plusieurs manières : tantôt classique, juste des nappes servant une couleur générale, tantôt des voix solistes, décalées et impertinentes comme notamment dans « la marche des petits renards ».

La chanson « la marche des petits renards » fait penser à la chanson de la pluie dans Bambi. Etes-vous d’accord ?
J’ai honte. Je n’ai jamais vu Bambi. En fait mon inspiration venait plus de la musique des dessins animés russes des années 60-70.

Le printemps : avez-vous conçu ce morceau comme pour un dessin animé ? Un Disney ?
C’est vrai que l’inspiration de ce morceau est très « Disney ». En fait c’est le thème de la petite fille : naïve, énergique et impertinente.

Quand à la piste 11, elle fait penser à Ravel et l’Enfant et les Sortilèges
Merci pour la comparaison, mes intentions étaient bien plus modestes. C’est juste une variation du thème du printemps évoqué ci-dessus, mais plus ample, plus orchestré.

Quelles sont les références manifestes de votre partition à d’autres compositeurs ?
Je pense que ce n’est pas à moi qu’il faut poser cette question (sourire).


Avez-vous utilisé le Mickey Mousing ? Pour quel type de scène. Pouvez-vous nous décrire votre rapport à l’image ?
Oui, forcément, c’est une technique de laquelle il est difficile de se passer dans un film pour enfant. Pour ma part j’ai appris ce procédé par le biais de la publicité dans laquelle les ambiances changent toutes les 3 secondes. J’ai utilisé le Mickey Mousing principalement pour les séquences de jeux entre la petite fille et le renard.

Comment définiriez-vous votre propre style. Comment peut-on aujourd’hui identifier vos partitions ?
Je préfère essayer de définir mon style en composant, mais je pense que ce n’est pas à moi d’en parler.

Quelle est votre technique d’écriture ? Quels outils, matériel utilisez vous ?
J’essaie d’avoir le plus d’outils possible pour essayer de construire des univers différents à chaque film. Aujourd’hui plus que jamais, le timbre a une très grande importance, tellement grande que parfois l’inspiration musicale passe derrière, ce qui est bien sur un travers. Je travaille aussi bien avec les instruments acoustiques qu’avec l’ordinateur et les possibilités de traitement de son qu’il propose. Je cherche aussi beaucoup dans les sonorités des instruments ethniques et parfois tout simplement dans des bruits de tous les jours qui peuvent devenir des instruments uniques. Chaque bruit peut devenir un instrument, c’est le rêve américain (rires).

Que pensez-vous du film, des messages qu’il véhicule ? Comment y avez-vous adhéré d’un point de vue musical ?
J’avoue que je n’ai toujours pas compris de quoi ça parlait, mais je pense qu’il s’agit d’amitiés entre le renard et l’hérisson et la petite fille qui vient un peu gâcher tout ça (rires).

Si vous pouviez choisir votre prochaine production, quel serait le poste que vous souhaiteriez occuper ? Sur une prochaine production je voudrais occuper le poste du compositeur (si possible) !

Que conseillez-vous aux compositeurs en herbe qui souhaitent tout comme vous percer un jour?
Je leur souhaite, tout comme je me souhaite, de faire de la musique juste et belle pour des projets justes et beaux!

Y a-t-il des moments douloureux, difficiles, de doute dans le processus de compositions ?
Oui, mais en général ça ne dure pas toute la vie.

Et à l’inverse, quels sont les bons moments ?
Le fait de rencontrer des personnes intéressantes et être artistiquement en phase avec eux. Le sentiment d’avoir réussi à trouver LA musique qu’il fallait pour un film. De travailler sur des projets dont on sort grandi.

Êtes-vous du genre à « jouer des coudes » pour occasionner des rencontres ? Est-ce indispensable pour se faire connaitre/reconnaitre ?
Oui, un jour j’ai même du séquestrer dans ma cave un compositeur que je pensais être beaucoup plus doué que moi. Par la suite il s’est relevé qu’en fait lui même avait séquestré un compositeur chez lui et l’avait forcé à faire la musique à sa place. Du coup j’ai viré le premier et récupéré l’autre. . .

Pensez vous que la fraîcheur, la candeur, la douceur et l’émotion qui ressortent de cette partition soient liées au fait que vous trois compositeurs soyez « nouveaux » dans le métier et que pouvez apporter quelque chose de différent à la musique de film ?
Oui, je pense que ces qualités-là sont liées à ma relative « nouveauté » dans le métier et que dans quelques années je ferai de la musique beaucoup moins intéressante (rires).

Sur quoi travaillez vous actuellement, et quels sont vos projets ?
Je voudrais beaucoup faire la suite du « Le Renard et L’Enfant » qui s’appelle « L’Ours et le médecin ». Plus sérieusement je travaille actuellement sur un thriller produit à Moscou et j’enchaine après avec un film d’anticipation de Jean-Baptiste Leonetti qui s’appellera « Carré Blanc ».

Et si vous faisiez un vœu… ?
Je souhaiterais avoir la possibilité de faire un vœu qui se réalise à coup sûr (sourire).


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