L’AGE DE GLACE 2 est votre deuxième film après ROBOTS avec Blue Sky. Qu’est ce vous intéresse dans le fait de travailler dans l’animation ?
John Powell: J’ai toujours eu une adoration pour l’animation. Petit déjà, je dévorais les Chuck Jones et les Disney. J’admirais le travail de Carl Stalling qui a beaucoup apporté à la musique de dessins animés. Quand j’ai grandi, j’ai toujours voulu travailler dans ce domaine et mon rêve s’est réalisé quand Hans Zimmer s’est mis à travailler sur LE PRINCE D’EGYPTE. Et c’est grâce à cela que j’ai pu faire FOURMIZ avec Harry Gregson William. J’aime tellement l’animation que je m’éclate à composer pour elle, et je pense que cela s’entend dans ma musique. Quand j’ai quitté Médiaventures, je me suis mis à la recherche d’un nouveau terrain de jeu et c’est alors que j’ai entendu parler de ROBOTS produit par la Fox. Je suis allé voir Chris Wedge à New York, car j’avais adoré l’AGE DE GLACE 1. L’un de mes cartoons préféré est un cartoon de 1953, de Chuck Jones intitulé « Much ado about nutting ». C’est l’histoire d’un écureuil qui recherche des noix à Central Park. Il commence par trouver des noisettes et il essaye d’en transporter le maximum. Puis il trouve des noix et il essaye d’en transporter le maximum. Et il finit par trouver des noix de coco ! Quand j’ai vu l’AGE DE GLACE, et notamment Scrat, j’ai immédiatement adoré et je me suis dit que c’est exactement ce que je voulais faire. C’est exactement ce que j’ai dit à Chris et je pense qu’il a compris qu’il ne s’agissait pas pour moi simplement d’un film de plus, que j’avais une dévotion passionnée pour cet art. C’est ainsi que j’ai été engagé sur ROBOTS et que j’ai pu faire tout un tas d’experiences folles avec le Blue Men group. Cela a tellement plu à Chris qu’il m’a engagé sur le deuxième AGE DE GLACE. J’adore les studios Blue Sky, c’est une merveilleuse compagnie. Ce sont des gens vraiment créatifs et ils ont des studios magnifiques à White Plains. Je suis impatient de retravailler avec eux.
Votre partition pour L'AGE DE GLACE 2 semble être un mélange de musique symphonique traditionnelle et de petites touches « exotiques ». Qu’en pensez vous ?
Il fallait prendre en compte le fait qu’il s’agissait d’une suite. La musique du premier opus a été composée par David NEWMAN. J’ai donc du partir de cette base. Dans sa musique, il avait lui aussi utilisé l’orchestre symphonique et lui avait ajouté des flûtes et des tambours amérindiens. Pour ce deuxième opus, il n’y avait pas de personnage humain. De ce fait nous n’étions plus obligés de puiser exclusivement dans ce répertoire traditionnel. J’ai quand même réutilisé ces instruments car je trouvais qu’ils sonnaient bien à l’orchestre. Mais je me suis aussi laissé aller à des emprunts plus originaux. Pour ce faire, j’ai travaillé avec Randy Thom le créateur des effets sonores du film. Il m’a fait une compilation de tous les sons qu’il avait utilisé. Je savais qu’il y aurait beaucoup de moments durant lesquels on entendrait des bruits de glace : craquements, grondements…et j’ai voulu que les sonorité s de ma musique s’intègrent dans ce « paysage » sonore. Je me suis passé ses sons en boucle et j’ai écrit ma musique en fonction de cela. C’est amusant d’essayer de trouver des instruments qui puissent s’insérer dans ce paysage sonore. J’ai aussi utilisé une sorte de banjo pakistanais, un kamachi et des dulcimers. Tous ces instruments fonctionnaient très bien car ils ont un son très aigu. Ce qui fait de ces touches exotiques ont des raisons très pragmatiques.
On sent bien ce contraste entre des sonorités larges et graves à l’orchestre et ces touches musicales délicates.
C’est vrai. En dehors du gros son d’orchestre, je voulais créer quelque chose de plus intime.
Est ce que ce contraste est pour vous lié au fait qu’il s’agit d’un dessin animé ?
Pas nécessairement. J’ai l’habitude d’utiliser beaucoup de contraste dans ma musique. Pour moi le contraste crée une tension et la tension c’est ce qui fait avancer une histoire.
On vous sent aussi à l’aide dans les grandes scènes d’action dignes des films en prise de vue réelle que dans le Mickey Mousing propre à l’animation.
Quand j’étais chez Dreamworks, Jeffrey Katzemberg demandait à Hans de ne pas faire de Mickey Mousing et cela s’est ressenti dès LE PRINCE D’EGYPTE . Même si cela a un peu changé depuis SHRECK, Jeffrey était en train de créer une nouvelle compagnie et cherchait à apporter un nouveau style à l’animation différent de Disney. Je pense que c’est une bonne chose, car cela permet de ne pas être condescendant vis à vos du public. A l’inverse, le danger est d’avoir une musique trop puissante ou trop effrayante pour les jeunes enfants. Si l’on n’y prend pas garde, une scène d’action de dessin animé peut sonner comme ALIEN. Pour éviter cela, j’aime passer à des rythmes du genre salsa ou autres. On a toujours de l’énergie mais sans jamais véhiculer de crainte. J’ai pas mal expérimenté ça avec Harry. C’est un point essentiel pour adapter la musique au public. Quand j’ai fait la musique de l’AGE DE GLACE 2, mon fils de 5 ans n’était jamais très loin, ce qui fait que j’ai toujours été très attentif à ses réactions et j’ai fait des changements en fonction de ses remarques.
En ce qui concerne le Mickey Mousing, certaines scènes de l’AGE DE GLACE 2 se situaient dans la grande tradition de l’animation et il me semblait que le Mickey Mousing était le style idéal pour accompagner ces scènes. Mais j’ai pris mes précautions et j’ai demandé aux créateurs du film s’ils seraient d’accord que je fasse cela. Ils m’ont dit qu’il n’y avait aucun problème et j’ai été très heureux de le faire. Pour cela j’ai fait un peu comme Alan Sylvestri dans : QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ?
C’est une merveilleuse façon de lier la modernité et la tradition, à l’image de Scrat, à la fois personnage en 3D et personnage de cartoon.
Exactement, si ce n’est que Scrat n’a pas de musique… Sauf à la fin. Chris Wedge qui a réalisé le premier opus et qui a produit la suite, a toujours été très attaché à ce personnage. Il a été très clair sur le fait qu’il ne fallait pas rompre la tradition à moins d’avoir une bonne raison. Et de fait, à la fin, Scrat meurt, arrive au paradis. C’était l’occasion de lui donner une musique à la hauteur de l’évènement. Et bien sur dès qu’il revient à la vie, la musique s’arrête.
Pouvez vous nous parlez de la citation de l’adagio de Spartacus dans « The pearly gates » ? Cela est il en rapport avec le fait que David Newman a lui aussi cité une œuvre classique dans sa partition, « Les Comédiens », de Kabalevsky ?
Je ne me souviens pas de cette citation dans L’AGE DE GLACE. La raison de cette citation est très simple. C’est l’une de mes œuvres préférées. Pour moi elle constitue l’expression ultime de ce qu’est l’Amour.
Quand j’ai vu les images de Scrat arrivant au paradis, j’ai tout de suite pensé à cette pièce mais nous avons du la retravailler pour l’intégrer dans le film. La scène commence ainsi avec une petite musique de mariage, qui s’enchaîne avec une immense explosion d’adoration. C’est vraiment dans la tradition de Scrat. Soit il n’a pas de musique du tout, soit de la musique classique. Mais en aucun cas il n’a une musique originale. Ca le met un peu à part des autres personnages et ça le rend plus traditionnel. S’il y avait un AGE DE GLACE 3, nous ferions exactement la même chose !
Comment décririez vous le générique du film ?
C’est un mélange de Khatchatourian et de musique country ! (Rires) Un mélange de « Danse du Sabre » et de Willie Nelson. C’est un morceau étrange dans l’esprit du style Americana avec une forte orchestration dans le style de la grande musique russe. C’est un excellent exemple de la façon dont j’ai voulu m’amuser sur ce film.
Comment avez vous utilisé le thème du générique ?
Il s’agit plutôt d’un thème de film plutôt que d’un thème de personnage. Je l’ai utilisé pour faire la transition entre deux chapitres. Le premier thème de personnage qui apparaît dans le film survient à la fin de cette ouverture. C’est le thème de Sid qui sera développé dans la scène où tous ses congénères viennent l’adorer. Il y a aussi un thème pour Manny, mais c’est un thème d’amour que l’on retrouve dans toutes les scènes qu’il partage avec Ellie.
Il y a une grande richesse sonore dans votre musique, tant au niveau des orchestrations « à la russe » que du contrepoint. Est-ce en réaction à la richesse visuelle que permet l’animation avec tous ces personnages s’agitant dans tous les sens ?
Le fait qu’il s’agit d’un film d’animation n’a rien à voir là dedans. Cela vient simplement du fait que Chris et moi avons les même goûts en la matière. Néanmoins, il est vrai que l’animation permet vraiment ce genre de musique débordante de joie et je me suis tout naturellement tourné vers de grandes références classiques :les musiques de ballet de Khatchatourian, Tchaïkovsky, Ravel, Sibelius, et bien sur Villa-Lobos et Rimsky-Korsakov.
Mais par dessus tout, je pense à Prokofiev. D’ailleurs j’ai appelé une des musique de L’AGE DE GLACE 2 « Peter and the Sloth » en référence à Pierre et le Loup (Peter and the Wolf).J’ai réalisé à quel point le cinéma a été influencé par cette œuvre. On y trouve tout ce qu’on doit savoir à propos de l’écriture de la musique de film et de l’orchestration. On y trouve également tous les sentiments et la façon de les exprimer à travers le tempo et l’orchestration. C’est toute mon enfance et c’est ma bible. J’ai fait beaucoup de films dans lesquels je n’ai pas pu utiliser ce savoir et je suis ravi d’avoir pu le faire sur L’AGE DE GLACE 2.
Ce bonheur se ressent à l’écoute de votre partition.
Je suis comme Scrat devant un gland. J’ai vraiment eu de la chance de pouvoir travailler avec des gens aussi créatifs et j’ai été heureux de soutenir leur travail à travers la musique, à travers un moyen d’expression qui se situe au delà des mots comme l’animation l’est, visuellement. C’est cette perpétuelle explosion, au delà des mots que j’aime dans l’animation. En prise de vue réelle, on a toujours peur d’en faire trop. En animation, on en fait jamais trop. C’est de la pure imagination qui explose à l’écran.
Pouvez vous nous parler de la création de la chanson de Sid ?
Ils m’ont montré cette séquence montée avec une musique rock d’AC/DC. Puis ils m’ont demandé si je pouvais trouver une autre façon de la mettre en musique. L’idée était de montrer que Sid n’est pas respecté par ses amis et que là il recevait un respect débordant.
Les créateurs du films ne savaient pas comment montrer cela clairement. Il y avait une sorte de question-réponse entre Sid et la foule de ses admirateurs. Je me suis souvenu d’une musique traditionnelle indonésienne, une cérémonie qui impliquait une centaine de personnes qui chantaient de façon de plus en plus intense. Cela devenait un peu comme du Steve Reich. Cela sonnait de façon complexe mais c’était en fait relativement simple. Je leur ai présenté cette musique indonésienne et tout le monde a adoré. Nous avons donc fait appel à la voix de Sid, John Leguizamo et nous lui avons demandé de faire toutes sortes de sons et d’onomatopées, puis j’ai réuni un groupe de 4 chanteurs particulièrement bons sur le plan rythmique. Je leur ai aussi demandé de faire toutes sortes de sons de dire des choses insensées et j’ai rassemblé tout cela pour travailler dessus. Ensuite ce sont les équipes de Blue Sky qui ont animé sur cette musique. Puis nous sommes passés à 40 chanteurs pour donner plus d’ampleur !
Y aura t-il un AGE DE GLACE 3 ?
Oh, je l’espère vraiment, mais pas avant quelques années…
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